2. Cuttings
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LES JEUNES VIENNOIS
Es tendances de la littérature allemande furent de touttemps
décentralisatrices. Malgré la prédominance toujours plus
S grande de Berlin, mème en matière intellectuelle, la plu¬
part des talenis qui se sont manifestés durant ces dernières années
ont müri et publié leurs premières cuvres loin de la capitale.
Seuls peut-étre les pourvoyeurs du théätre naturaliste — les Schlaf,
les Hauptmann, les Hartleben, les Halbe — qui semblent d’ailleurs
avoir dit leur dernier mot, du moins pour le théätre naturaliste, se
sont enticrement nourris de latmosphère berlinoise. D’autres villes
cependant exercèrent toujours une influence sur le développement
des lettres germaniques et Vienne surtout, dans les pays de langue
allemande, joua tonjours un des premiers röles au point de vue litté¬
raire. Lorsque passa sur I’Allemagne, il yaà peine cingon six ans, ce
souffle, encore bien léger, d’une renaissance artistique, hors del’Em¬
pire naissait également, dans cette Autriche si delaissée, une nouvelle
littérature. On les confondit tout d’abord, les jennes Berlinois, etcenx
qui, pour un temps, devenaient Berlinois d’adoption, arecces jeunes
Viennois dont je vondrais dire ici quelques mots. IIs écrivaient dans
les memes revues et les tendances d’art semblaient tres vagues en¬
core chezles uns comme chez les autres. Maintenant ils sont groupés
et d’importantes nuances les dislinguent réciproquement.
Les journaux parlent tres rarement des jeunes Viennois. IIs n’y
ecrivent point et le grand public les connait tres peu. A T’encontre
des jeunes Allemands, ils nesont pas révolutionnaires. IIs ont le godt
de la tradition et vénèrent leurs aines, ces poctes incontestés Ferdi¬
nand de Saar et Marie Ebner-Eschenbach qui ont gagné l’estime et
Tadmiration de tous. Cest que, dans leur vie passive, tout les porte
au respect de la tradition. Parmi les capitales d’Europe, Vienne tient
une place à part: de nature essentiellement cosmopolite, de par le
mélange de races et de nationalités qui s’y fait sans cesse, elle a été
privée de tous les progres socianx qui, depuis cinquante ans, préoccu¬
pent I’Europe. Sa politique est restée stationnaire, confinée dans un
mandarinat empesé qui ne gouverne que par des tours d’équilibre.
Ses meurs sont ceiles de Paris, mais sans l’énorme déploiement
d’energie que nécessite la constante lutte pour Texistence. Elle n'a
point d’activité, puisque ses habitants n’entrevoient nulle gloire en¬
viable dans T’avenir et que toute concurrence avec le prochain leur
semble vaine. Ainsi, avec une mollesse toute orientale, lesregards de
plus en plus tournés vers l’est, la vieille capitale de Habsbourg ne
semble plus avoir d’autre destinée que dese réjouir avec résignation
sur les bords du e beau Danube bleu v. Ce laisser-aller d’une vie
douce et facile, quelques jeunes gens ont voulu le mettre dans leurs
livres. Rien n’était plus propice à Tart. Ils n'avaient besoin ni de
88e
ens de
de Vienne
différentes. I
la vie, ont dü quitter le sol
nouir. Paul Goldmann, natuf
grands et les petits potins de
créer des choses neuves des
D'autres sont morts ou bien
u des revues,
at
Viennoif
itre ber
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LES
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LES JEUNES VIENNOIS
Es tendances de la littérature allemande furent de touttemps
décentralisatrices. Malgré la prédominance toujours plus
S grande de Berlin, mème en matière intellectuelle, la plu¬
part des talenis qui se sont manifestés durant ces dernières années
ont müri et publié leurs premières cuvres loin de la capitale.
Seuls peut-étre les pourvoyeurs du théätre naturaliste — les Schlaf,
les Hauptmann, les Hartleben, les Halbe — qui semblent d’ailleurs
avoir dit leur dernier mot, du moins pour le théätre naturaliste, se
sont enticrement nourris de latmosphère berlinoise. D’autres villes
cependant exercèrent toujours une influence sur le développement
des lettres germaniques et Vienne surtout, dans les pays de langue
allemande, joua tonjours un des premiers röles au point de vue litté¬
raire. Lorsque passa sur I’Allemagne, il yaà peine cingon six ans, ce
souffle, encore bien léger, d’une renaissance artistique, hors del’Em¬
pire naissait également, dans cette Autriche si delaissée, une nouvelle
littérature. On les confondit tout d’abord, les jennes Berlinois, etcenx
qui, pour un temps, devenaient Berlinois d’adoption, arecces jeunes
Viennois dont je vondrais dire ici quelques mots. IIs écrivaient dans
les memes revues et les tendances d’art semblaient tres vagues en¬
core chezles uns comme chez les autres. Maintenant ils sont groupés
et d’importantes nuances les dislinguent réciproquement.
Les journaux parlent tres rarement des jeunes Viennois. IIs n’y
ecrivent point et le grand public les connait tres peu. A T’encontre
des jeunes Allemands, ils nesont pas révolutionnaires. IIs ont le godt
de la tradition et vénèrent leurs aines, ces poctes incontestés Ferdi¬
nand de Saar et Marie Ebner-Eschenbach qui ont gagné l’estime et
Tadmiration de tous. Cest que, dans leur vie passive, tout les porte
au respect de la tradition. Parmi les capitales d’Europe, Vienne tient
une place à part: de nature essentiellement cosmopolite, de par le
mélange de races et de nationalités qui s’y fait sans cesse, elle a été
privée de tous les progres socianx qui, depuis cinquante ans, préoccu¬
pent I’Europe. Sa politique est restée stationnaire, confinée dans un
mandarinat empesé qui ne gouverne que par des tours d’équilibre.
Ses meurs sont ceiles de Paris, mais sans l’énorme déploiement
d’energie que nécessite la constante lutte pour Texistence. Elle n'a
point d’activité, puisque ses habitants n’entrevoient nulle gloire en¬
viable dans T’avenir et que toute concurrence avec le prochain leur
semble vaine. Ainsi, avec une mollesse toute orientale, lesregards de
plus en plus tournés vers l’est, la vieille capitale de Habsbourg ne
semble plus avoir d’autre destinée que dese réjouir avec résignation
sur les bords du e beau Danube bleu v. Ce laisser-aller d’une vie
douce et facile, quelques jeunes gens ont voulu le mettre dans leurs
livres. Rien n’était plus propice à Tart. Ils n'avaient besoin ni de
88e
ens de
de Vienne
différentes. I
la vie, ont dü quitter le sol
nouir. Paul Goldmann, natuf
grands et les petits potins de
créer des choses neuves des
D'autres sont morts ou bien
u des revues,
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