VI, Allgemeine Besprechungen 2, Ausschnitte 1909–1912, Seite 32

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LE MOUVEMENT DES WDEES EN EUROPE
Ace
ARTHUR SCHNITZLER
M. Schpitzler est le représentant le plus
ré à M. Emile Faguet une retentissante et
eclbre Mterature autrichienne con¬
fort belle étude, ou le célèbre critique si¬
temporaine, sa légitime renommée a dé¬
gnalait dans cette pièce une sorte de chef¬
d’cuvre qui résisterait à l’épreuve du
passé depuis longtemps les frontières de
temps.
son pays d’origine.
On sait que de tout de temps les belles
*
lettres viennoises ont occupé dans la lit¬
Peur beaucoup de personnes assez mal
térature germanique en général une place
renseignées, M. Schnitzler demeure, jus¬
toute partiewlière et qu’elles se distin¬
qu'à présent, l’auteur d’Amourette; toute¬
guent par certaines particularités locales
fois, le retentissement de cette pièce, née
infiniment sympathiques et curieuses; ja¬
sous une heureuse étoile, n’a point été,
mais elles né se sont manifestées cepen¬
pour le dramaturge de U'Interméde, une
dant avcc plus d’éclat que dans l’cuvre
sorte d’oppression et d’entrave au dévelop¬
diverse, remarquable et délicate de cet
pement de son talent et de sa cerrière, com¬
éerivain parvenu aujourdhui à l'apogée
me le fut le beau drame de Jeunesse pour
de se renommée et de son influence.
M. Halbe, ou jadis, chez nous, le Passank,
La finesse, le goüt artistique, le sen¬
pour le von François Coppée. Malgré le
timent de la mesure, une gaité tem¬
triomphe éclatant de cette ceuvre de jeu¬
pérée, une mélancolie sentimentale un
nesse ou palpite un souffle si ardent d’a¬
peu superlicielle — toutes ces quali¬
mour, de mélancolie et de réve, M. Schnitz¬
tés qui se rapprochent, d’ailleurs, de cer¬
ler a connu, depuis, de nombreux succès,
taines tendances du génie latin — distin¬
et. à Vienne, bien entendu, sa gloire est
absolument retentissante et exceptionnelle.
guent tres netfement les littérateurs Autri¬
L’activité artistique de M. Schnitzler est
chiens de leurs confrères allemands septen¬
très étendue et tres diverse, célèhre surtont
trionaux, et M. Schnitzler a su développer
comme dramatunge; il a écrit également
encore ces précieuses et fines qualités, les¬
de nombreuses nouvelles, dont quelques¬
quelles excluent malheurensement presque
unes doivent être classées parmi les plus
toujours la force, la grandeur et le pathé¬
purs joyaux littéraires de la littérature ger¬
lique, mais il leur a prété. par surcrolt,
une sorte d'allure moderne, une élégance,
manique, de courts romans, des dialogues
une désinvolture originale et charmanze.
et des tableaux de meurs-locales d’un pit¬
toresque sobre et précis.
L’auteur d’Amourette n’est pas, d’ail¬
feurs, un inconnu en France. deux de ses
L’auteur d’Analole, le premier de ses-li¬
vres et qui fonda d’emblée sa réputation,
est à la fois un dramaturge très éminent,
ont été jouées non sans succès au théätre
spirituel, léger et profond tout ensemble,
Antoine, et Amourette, le drame intime
dont nous venons de citer le titre, a inspi-] un romancier délicat, un conteur d’une gra¬
ce et d’une maitrise qui se rapproche de
celle de nos maitres les plus illustres et
toujours et partout, quelle qu’en soit la
forme littéraire qu'il choisit, il demeure
subtil. raffiné et original; ses ceuvres ne
ressemblent, lorsqu'on consent à les ana¬
lyser sans parti-pris, aux productions ana¬
logues d’aucon autre écrivain de son pays
ni du nôtre, leur forme seule est d’une sim¬
plicité et d’une harmonie qui évoque le mo¬
dele de nos chefs-d’euvre français. Mais
cet insaisissable élément de beauté person
nelle et originale qulapportent les artistes
d’un authentique et ind. cutable génie, se
retrouve dans ses moindres travers et leur
prète une attraction singulière.
*
M. Schnitzler excelle surtout dans la
peinture des souffrances, des joies si bré¬
ves, des grandes douleurs, des émotions re¬
doutables et exquises de l’amour, thème
éternel qui inspira, d’ailleurs, de tout
temps, la plupart des romanciers, des poë¬
tes et des dramaturges. L’auteur du
Perroquet vert et de Paracelse trouve, en
parlant du sentiment éternel qui a créé le#
monde et lui permet de vivre parmi tant
d’épreuves et de calamités, des accents
d’une émotion intense, d’une originalité im¬
prévue qui renouvelie et rajeunit Peternelle
chanson; toujours sobre, néanmoins, dans
ses moyens d’expression, il évite le ton dé¬
clamatoire et les grandes tirades et l’allure
pathétique du récit ou du dialogue, lä so¬
briété étant la faculté maltresse et le trait
caractéristique de son ceuvre et de son gé¬
nie
M. Schnitzler a produit de véritables pe¬
tits chefs-d’ceuvre, d’analyse fine et péné¬
trante, de poésie émouvante, de vérité à
la fois locale et humaine, et que de char¬
me, de simplicité, de dévonement et de bon¬
1é naive, d’autant plus précieuse et digne
d’admiration dans la carrière sentimentale
des jolies petites Viennoises, ses hérolnes
préférées, dont il exprima avec tant de
sympathie, de compréhension et dironie in¬
dulgente, les aspirations, les réves, les dé¬
ceptions iet les chagrins — futiles, au ju¬
gement de la foule stupide, des indifférents
et des sots — mais qui conduisent quel¬
ques-unes au désespoir et au suieidel Räp¬
pelez-vous la charmante-Berthe, la touchan¬
te et inoubliable Marie, T'hérolne du céle¬
bre conte Dernière Chanson; enfin, et sur¬
tout, la mélancolique, naive et résignée pe¬
tite hérofne d'Amourette, qui meurt de son
amour trompé en pardonnant à l’ingrat qui
Tabandonne, créations fragiles et délicates,
d’un art subtil et savant dans sa simplici¬
té, visions touchantes de gräce, de beauté.
de voluptueuse et chaste innocence, fantó¬
mes charmants dont la candeur, la tendres¬
se, Tardent désir d’abnégation émeuvent,
les plus sceptiques, c’est vous qui plaiderez
éternellement la cause du grand écrivain
qui a su raconter vos tristes amours et vos
joies éphémères; la poésie penétrante et
apaisante à la fois qui se degage de vos
humbles et touchantes destinées attestera
toujours que le fin, subtil et un peu dédai¬
gneux artiste dont on affecte parfois de ne#
signaler que l’ironie, fut, avant tout, ung
sentimental etn tendre.
STANISLAS RZEWUSKI