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2. Cuttings
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ujours plus
la plu¬
le
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LES JELNES VIENNOIS
programme, ni de formules, il leur suffisait de poser des tons intenses
sur les lignes discrétes que percevaient leurs ämes. Leur vie étant
presque pareille, ils ont fait la meme chose que la littérature pari¬
sienne, mais ils Tont fait antrement, et comme ils se sonciaient très
peu du public, ils ont travaillé à l’écart et ils ont créé, tout comme
elle existe chez nous, une musique de chambre de la littérature, pour
me servir de la jolie expression de Nietzsche.
Chose singulière! Tout en restant tres Viennois, ils ont surtont été
tres modernes. Car ils possédaient de nature &cette élégante et molle
soumission an destin „ (1), cettesupréme ironie et cette compréhensi¬
bilité de toutes choses qui fait le fond de la nature chez Ihomme mo¬
derne. Une valse de Strauss les berce dans une harmonie infinie etils
savent y mettre en méme temps la jeie de leur cceur, T’exubérance de
leur äme et toute latristesse concentrée de leur pessimisme raisonné.
Jimagine qu'ils sont très nombreux et certainement les deuxontrois
mille personnes qui sont actuellement en Europe la conscience de
notre génération, se recrutent à Vienne presque autant qu'à Paris.
Pourtant la plupart d’entre eux dédaignent d’écrire ou écrivent tres
peu. Lavie ne les y pousse pas. J’en connais à peine une demi-dou¬
zaine. Les autres &gens de piume v S’offenseraient d’étre nommés
ici. IIs sont bien de Vienne ou méme ils yvivent, mais leurs préoc¬
cupations sont différentes. D’autres encore, pris par les nécessités de
la vie, ont du quitter le sol on leur belle floraison aurait pu s’épa¬
nouir. Paul Goldmann, naturalisé Parisien, raconte à l’Allemagne les
grands et les petits potins des boulevards et de la politique. II pourra
créer des choses neuves des qu'il vondra refaire de la litterature.
D’autres sont morts ou bien leurs noms sont oubliés. Les jennes
Viennois ont en des revues, ils en ont encore. An der schenen blauen
Donau, la revue an titre berceur, si vivante jadis, que dirigenient
avec une verve à toute épreuve Fritz Mamroth d’abord, et puis ce
meme Paul Goldmann, le Zeau Danube blen, de temps en temps insé¬
rait leurs cuvres. Là débutèrent Loris et Arthur Schnitzler. La Mo¬
derne Rundschau fut ensuite leur périodique. Ils ont maintenant la
Neue Rerue et depuis trois mois la Zeit de M. Hermann Bahr, on
chaque semaine M. Henri Kanneressaye de nettoyer courageusement
Tecuried'Augias de la politique autrichienne.
Hermann Bahr nes’est reconnu jeune Viennois que depuis peu de
temps. II avait d’abord erré de par le monde, à goüter des ames
multiples. A Berlin, à Paris, en Espagne, au Maroc, à Pétersbourg,
des maitres lui avaient enseigné à façonner son etre selon les pay¬
sages du moment. Et de ce gout du changement qui allait toujours
aux idées jeunes et fragiles, aux choses d’après demain, il s’était
créé une attrayante personnalité, II est célebre partout maintenant,
mais sa reputation est mauvaise. 4 Mes ennemis vantent mon talent,
dit-Il, mais méme mes amis ne vantent pas mes livres. Chacun avoue
que je suis quelque chose, mais personne ne sait comment en somme
(1) Hermann Bahr.