I, Erzählende Schriften 38, Der Empfindsame, Seite 2

ee. Gu ii uie I
& Mon Fritz bien-aimé #,
leurs yeux u ceux-la.,, ils étaient répu¬
gnants! Moi-méme, je pensais quelquefois
Rhode s’interrompit, sa voix avait tremn¬
ble. Les deux autres, génés, gardaient le
à cette chose, mais tellement incidem¬
silence. Rhode se mordit la lévre, secona
ment; l’idée de retronver ma voix, ma si
Jolie voix, par ce moyen-ia, me faisait
la téte et fit glisser son index gauche entre
rire.,, Seulement le désespoir me gagnait.
Son col et sol cou. S’étant ressaisl, il pour¬
II m’arrivait de suivre le traitement de
suivit:
trois mnédecins à lu fois; je sortais en
* Quanttu recevrascette lettre, jje seral
courant de l’un pour aller chez lautre, i1
tres loin, partie, pour toujjours peut-être.
ine seinblait vivre un cauchemar. Et ma
Je n'ai pas voulu te le dire, cela Faurait
voix restait terne, J’étais fatiguée au bout
fait mal, et à mol aussi. Je préfèrete faire
de deux notes. Pendant ce temps, ies an¬
mer adienx par écrit, je garde ainsi le sou¬
ciennes collégues obtenaient des engager
venir de ton visage sourlant et de tes pa¬
ments et se faisaient un nom. Je ne dor¬
roles pleines d’espoir g à demain, ché¬
mais plus, leurs succès me hantaient, jen
rie, les dernières sans doute que tu
révais la nuit. Je me demande si tu saisis
m’auras dites. Si tu avais su la vérité, tu
le degré de ma souffrance. Un soir, après
aurais pleuré et tu m'aurais fait pleurer.
avoir consulté dans la matinée deux pror
Quel spectacle! Mieux vaut l’avoir évité.
fesseurs de chant et avoir suivi dans
Je tassure que moi aussi je taime beau¬
T’après-midi le traitement de deux méder
coup, quand je pense d tol. Je ferme les
eins, j’échouai à cing heures chez un spé#
Feux et je te revois. IIy a une heure que
cialiste célebre. Je connaissais son nog
je Fai quitté. Tu es étendu sur ton divan
de longue date, mais le hasard avait voult
et tu réves au bonheur que je viens de te
que jamais je n’eusse eu recours à lul. I
donner, n’est-ce pas ? Je suis seule, moi
était eing heures, je te l'ai dit, sa vol
aussi, et dévétue: Une valise énorme est
ture l’attendait dans la rue. Je montai e
a mes pieds, mes objets s’entassent pele¬
me heurtai dans l’entrée à ce coryphé
méle dans ma chambre. Ma bonne mère
de la laryngologie. Le professeur étal
finit qaelques paquets. Je l’entends aller
prêt à partir. Il me dit rudement: & Qut
et venir dans l’entrée, d’un pas pressé. Car
voulez-vous ? 3, et avant que J’aie pu ré
Je pars demain matin avec ellé, inon petit
pondre, il ajouta: & Je n'ai pas le temps
Fritz, si Et que, lorsque tu recevras cette
revenez demain.,, s II n’était pas vieux
lettre, beabcoup de kilométres nous sépa¬
portait quarante-cing ans à peine, sa brus¬
rerent dest. Drmnain I., et dans huit jours,
querie ne me fit pas peur.
Je débuteral, Je serai sur une vraie scène
Examinez-mol tout de méme, dis-je
pour la première fois. Oul, Fritz, jai un
simplement. .
engagement, et c’est à tol que je le dois,
àtol, qui ne m’aurais jamais laissé partir,
x II resta interdit, d’autant que, sans
si je t’en avais demandé la permission.
plus attendre, Jouvris la porte qui se trou¬
Ton amour a été pour mol plus que tu ne
valt devant mol. Je traversai la salle
croyais et moins que tu ne demandais. Ne#
dattente et m’arrétai devant le cabinet de
cherche pas à comprendre, je vals f’ex¬
consultation, II m'avalt suivie, ce fut lul
pliquer le sens de ces paroles quelque peu
qui ouvrit la seconde porte et la referma
obscures. C’est mon devolr, du reste, car
après m’avoir fait passer.
je sens confusément que tu aurais le drolt
x II jeta sur une chaise paletot et cha¬
de m’en vonloir et que J'al besoin de ton
peau, s’assit à son burean et m'interro¬
pardon.
gea sans daigner me regarder. Puls 11
m’examira consciencieusement et posa
&Te souviens-tu du soir ou nous nous
encore quelques questions auxquelles je
connümes? Question olseuse, puisque tant
répondis avec une entière franchi #
de fols nous avons évoqué ensemble tous
sourcils froncés, l’eil courroucé, il me
•4 :
les détalls de cette rencontre. Aujour¬
fixait maintenant. S’étant levé, 11
T’huf encore tu m'as reparlé de ton éton¬
Vous n’avez rien, au revoir!
nement ärte trouver dans les bras d’une
Les autres m’ont dit la eme
inconnue et d’une
g jeune fille inno¬
chose, fis-je, furleuse, ce n’est pas ne¬
cente 2, une heure seulement après l’avoir
Je ne me soncie pas de vous dire
abordée dans la rue et avoir conquis son
quelque chose de neuf.
premier sourire. Cet étonnement, auquel
devalt se méler un pen de fierté, aura son
Je veux retrouver ma voix, insis¬
terme :ce qui fe fut accordé ce soir-la
tai-je, les dents serrées.
aurait pu échofr à un aufre. Tu penx res¬
g — Votre voix ?.,, Je ne peux pas
#ter fier toutefols de m'avolr gardée, car
vous donner d’ordonnance éerite. .
cela n’étalt pas prévu au programme.
g Reprenant espoir, je m’écrial:
& Souviens-tol bien: tu étais assis
Dites-mol le moyen, alors. .
devant lé Café Impérial, à une table
g II avait son chapeau à la main et ré.
encombrée de journaux. Tu fixais le vide
pondit:
et mon apparition ne sembla pas te frap¬
g — Vous le dire., peut-étre.. .
per. Tu continuas mèine à ie regarder
pendant quelque temps sans me voir. Mais
g Alors, je perdis contenance et, ou¬
ies yeux cherchaient les tiens, tu t’en
bliant toute politesse, pleurant à moltié
je hurlal:
apergus et tu souris. Alors, quittant le
café, tu m’emboftas le pas et me suivis à
Que faut-il que je prenne?
une distance respectueuse. Nous marchü¬
— Un amant, ine répondit-il sur Ie
ines longtemps, la distance diminnalt et le
méme ton, avec l’air de vouloir massas.
respect aussi. Près du Stadtpark, je t’en¬
siner. „
tendis siffloter un air de valse, tu vonlais
& Ah! Fritz, c’est alnst qu’il avail
te donner du courage, enfin tu m’abordas.
fallu me le dire. Ayant entendu ce con
— Permettez, Mademoielle, que je me
seil, je me rappelai que beaucoup d’au
Jolgne à votre promenade solitaire #.„
tres médecins, tons peut-être, m'avaien
& L’entrée en matière n’était ni spiri¬
répété la méme chose. Seulement, à leur:
tuelle ni originale., eile aurait pu l’être
vagues prescriptions manquait le carac
moins encore, cur je tattendais ardem¬
tère scientifique, elles trahlssaient troj
ment., Etait-ce vraiment toi que Jatten¬
souvent aussi un désir égoiste. Le der
dals? Sans doute, puisque tu as répondu
nier m'arait preserit ce reméde comme 1
Atons mes désirs.
Finaurait dit de prendre de la quiniue ol
g Ce soir-là, cher Fritz, je sortais defdu cyanure. Pour la prémlière fois, Javai
Albet Rhode fit oui de la tôte.
West-ce pas épouvantable dese
croire aimé et d’apprendre qu’on vons a
pris.,, comme de Thuile de riein?
— II était si sensitif, soupira Friedel,
et revenant à la charge: tu ne venx pas
nous dire le nom de la femme?
Encore une fois, Rhode refusa.
Elle sera célebre sous peu, affirma¬
t-il, et grüce à Fritz.
Puls il conclut:
Son nom passern à la postérité et
aucnn manuel de Thistoire de la musique
ne retiendra celui de notre pauvre ami.
Ah! La gloire est bien injuste.
Arthur SCHNITZLER.
(Traduit de l’allemand par Suzanne CLAUSE