TI TEU TOT U
signification essentielle.
signification.
Ces deux livres sont bien différents et
tout en prenant leur place logique dans une
Poête d’excellence, M. Alfonso Reyes ne
ceuvre qui réunit The Case of M. Cramp,
The Island within, Upstream et Midchannel
publie que de rares et brefs livres, et cha¬
ils offrent un contraste très net avec ses
que page, chaque vers devient ainsi pour
précédents ouvrages. II semble que son ta-ges lecteurs fideles et fervents une joie
lent s’apaise, se clarifie, s’ordonne dans unf somptueuse, merveilleusement élaborée, ou
ordre de contemplation plus sereine. Thel pour un instant la poèsie atteint une per¬
Golden Vase (Harpers and Brothers, edi¬
fection d’une si surprenante et si éblouis¬
teurs. New-York), offre dans une forme
sare rareté quc ces précieux chefs-d’au¬
splendide de lyrisme intime et secret unc
vre nous font atteindre tantöt le monde de
sorte de résignation devant la vie qui
diamant des idées essentielles, tantöt le
s’échappe et tout ce qu’elle entraine, l’aven¬
pur abime de l’humain. Cette poésie d’une
ture, l'amour. Ridgevale, écrivain célebre et
qualité si remarquable ne doit rien aux
vieillissant, s’inspire d’un stofcisme sou¬
systèmes ni aux partis pris; elle est la pro¬
riant qui dénoue dans une atmosphère
duction spontanée d’un esprit qui n'admet
calme et noble de crépuscule d’été, le der¬
que l’exquis, et pour lequel le phénomène
nier conflit de cceur et d’esprit. L’ample et
de la création poétique est le signe d’une
sereine harmonie de l’écriture convient ad¬
cristallisation définitive d’une émotion éter¬
mirablement à cette mélancolique histoire.
nisée en une image, précipitée dans un de ces
On retrouvera la révolte et la colère dans
sonnets, de ces #casi-sonnets n comme il les
The Last Days of Shylock (avec douze des¬
appelle qui constituent les points de repère
sins de Arthur Szyk. Harpers and Bros, édi¬
principaux dans la production récente d’Al¬
teurs, New-York). Nous retrouvons ici
fonso Reyes. Un recueil de cing poëmes éche¬
l’étonnant analyste des ämes juives et le
lonnés sur trois ans, de 1922 à 1924, mai:
parallélisme de ce roman avec Midchannel.
quels poëmes! Jamais musique plus secrêtt
par exemple, est fort significatif. L’auteur
et plus lucide à la fois n’a rempli le corpt
prend Shylock au moment ou Shakespeare
bref d’un sonnet et, si le volume n’était tir
l'abandonne, et il imagine la suite de ses
à un nombre rarissime d’exemplaires, j
aventures. Avec un autre écrivain, cela au¬
souhaiterais à tous les admirateurs d’Alfon
rait pu n’être qu'un agréable divertisse¬
so Reyes de posséder parmi leurs livre:
ment de lettré, mais le sursaut du Mar¬
d’élection les § Casi Sonetos (Ediciones di
chand de Venise contre la socfeté véni¬
Poesia, Paris). Par contraste, mais en de
tienne, la flamme de rancune et de haine
meurant toujours dans le royaume de l’ex
qui le dresse en lutte ouverte désormais,
cellent, il faut lire après ces joyaux d’une
en font un plaidoyer véhèment et farouche
intelligence éblouissante, La Saeta (Villat
— la plaidoirie qui lui aurait peut-être fait
Boas, editeur, Rio-de-Janeiro), ou vibren
gagner son procès devant le Tribunal de la
les échos de processions sévillanes, avec
Seigneurie..
l’éclat des cierges et des ors, la douleut
des Christs sanglants, et les g sactas v.
lancées comme des sanglots ou des cris
Lorsque nous avons appris, il y a peu
d’extase à travers la nuit vers les Madones
de jours, la mort d’Arthur Schnitzler, nous
pämées sous leurs biicux et leurs brocarts.
avons salué avec chagrin le départ d’un
Prose de ténèbres et d’éclairs, qu'accom¬
homme qui, quoique jeune encore, repré¬
pagnent les illustrations de José Moreno
sentait déjá un des éléments défunts de
Villa, et ou triomphe encore l’incontes¬
’Europe. II y avait quelque chose d’ana¬
table maitrise d’Alfonso Reyes.
chronique dans ses derniers livres, tant i!
était resté l’interprête de la vieille Autri¬
che, si proche et si lointaine à la fois, le
peintre de la Vienne d’avant guerre, au sou¬
C’est une difficile épreuve, pour un éeri¬
venir de laquelle son nom restera toujours
vain, que d’écrire un livre destiné aux en¬
attaché. Schnitzler ne s’était guère drenou¬
fants, et les plus célèbres souvent y ont
velé n et nul ne pensait à le lui reprocher: échoué. M. Otto Flake, qui est un roman¬
il y avait dans tous ses livres une psycho¬
cier de grand talent et de grande renommée,
logie délicate qui mariait l’ironie et la ten¬
vient de s’y essayer avec süccès, et sa
dresse, une sorte de philosophie de la vie
Christa (S. Fischer Verlag, Berlin), est une
désabusée qui se trahissait par un sourire
des meilleures réussites dans ce genre.
sceptique et doux, et dont il dotait tous
Nous assistons dans ce livre au développe¬
ses personnages, indolents, velléitaires, ca¬
ment d’une petite fille, durant ses six pre¬
pricieux, capables de passer sans effort de
mières années — aurons-nous la suite? une
la légèreté au tragique, selon les vicissi¬
enfant d’aujourd'hui, d’après guerre, et
tudes que la vie leur imposait.
il y a quelque chose d’épique presque
dans cette histoire contée avec tant
— — —
de délicatesse et d’amour. Otto Flake a
Son cuvre de romancier, de conteur et#tres bien exprimé ce mélange de vie réelle
et de merveilleux qui fait le fond de toute
d’auteur dramatique est considérable, con¬
existence enfantine; les forêts des contes
sacrée tout entière à la description des
sont aussi familières à la petite Christa
menucs joies, des menues émotions et des
que les montagnes tyroliennes qui servent
menus drames qui constituent l’ezistence
de cadre à son enfance, et les gnomes et
quotidienne, et il y avait chez lui un réa¬
les enchanteurs des légendes sont ses amis
lisme sans brutalité, nuancé de poésie qui
aussi bien que les animaux de la basse-coun
donnait à tout ce qu’il écrivait un accent
ou du bois. C’est un livre d’enfant et en
de verité lyrique qui lui était très parti¬
mème temps un livre pour enfant, non que
culier. Ce sens du destin, à la fois intérieur
l’auteur se mette à la portée — ce qui est
et extérieur à l'homme, qui domine l’exis¬
toujours si maladroit et si inutile —; il re¬
tence de tous les personnageseschnitzlériens,
crée, plutôt que le décor et les événements,
apparait une fois de plus dans Flucht in die
l'atmosphère enfantine qui seule donne de
Finsternis qui vient de paraitre aux éditions
la vie et de la beauté à pareils livres. Au¬
S. Fischer, de Berlin. Une fois de plus — et
cune affectation, non plus, dans la simpli¬
le fait est plus saisissant dans un livre pos¬
cité du style: c’est le naturel parfait de
thume — nous y voyons l’individu gouver¬
cet accent qui ajoute tant de gräce sohre
né par une puissance mystérieuse contre
et d’efficacité à cc petit livre que certains
laquelle il essaie vainement de se débattre
regarderont sans doute comme une ceuvre
comme un oiseau en cage, et c’est vrai¬
mineure de Flake — et je ne pense paz certes
ment, ainsi que l’indique le titre, une fulte
à le comparer, en importance, au cyele des
dans les tänébres, symbolique du devenir
Romane um Ruland (S. Fischer Verlag,
humain dans ce qu'il a de plus douleureux
Berlin), par exemple —mais que je considère
et de plus quotidien, que l’écrivain autri¬
comme une réussite particulièrement heu¬
chien raconte dans son dernier livre.
Freuse dans un genre particulièrement pé¬
— — —
rilleux.
J'ai déjä dit souvent ici combien l’auvre
Marcel BRION.
signification essentielle.
signification.
Ces deux livres sont bien différents et
tout en prenant leur place logique dans une
Poête d’excellence, M. Alfonso Reyes ne
ceuvre qui réunit The Case of M. Cramp,
The Island within, Upstream et Midchannel
publie que de rares et brefs livres, et cha¬
ils offrent un contraste très net avec ses
que page, chaque vers devient ainsi pour
précédents ouvrages. II semble que son ta-ges lecteurs fideles et fervents une joie
lent s’apaise, se clarifie, s’ordonne dans unf somptueuse, merveilleusement élaborée, ou
ordre de contemplation plus sereine. Thel pour un instant la poèsie atteint une per¬
Golden Vase (Harpers and Brothers, edi¬
fection d’une si surprenante et si éblouis¬
teurs. New-York), offre dans une forme
sare rareté quc ces précieux chefs-d’au¬
splendide de lyrisme intime et secret unc
vre nous font atteindre tantöt le monde de
sorte de résignation devant la vie qui
diamant des idées essentielles, tantöt le
s’échappe et tout ce qu’elle entraine, l’aven¬
pur abime de l’humain. Cette poésie d’une
ture, l'amour. Ridgevale, écrivain célebre et
qualité si remarquable ne doit rien aux
vieillissant, s’inspire d’un stofcisme sou¬
systèmes ni aux partis pris; elle est la pro¬
riant qui dénoue dans une atmosphère
duction spontanée d’un esprit qui n'admet
calme et noble de crépuscule d’été, le der¬
que l’exquis, et pour lequel le phénomène
nier conflit de cceur et d’esprit. L’ample et
de la création poétique est le signe d’une
sereine harmonie de l’écriture convient ad¬
cristallisation définitive d’une émotion éter¬
mirablement à cette mélancolique histoire.
nisée en une image, précipitée dans un de ces
On retrouvera la révolte et la colère dans
sonnets, de ces #casi-sonnets n comme il les
The Last Days of Shylock (avec douze des¬
appelle qui constituent les points de repère
sins de Arthur Szyk. Harpers and Bros, édi¬
principaux dans la production récente d’Al¬
teurs, New-York). Nous retrouvons ici
fonso Reyes. Un recueil de cing poëmes éche¬
l’étonnant analyste des ämes juives et le
lonnés sur trois ans, de 1922 à 1924, mai:
parallélisme de ce roman avec Midchannel.
quels poëmes! Jamais musique plus secrêtt
par exemple, est fort significatif. L’auteur
et plus lucide à la fois n’a rempli le corpt
prend Shylock au moment ou Shakespeare
bref d’un sonnet et, si le volume n’était tir
l'abandonne, et il imagine la suite de ses
à un nombre rarissime d’exemplaires, j
aventures. Avec un autre écrivain, cela au¬
souhaiterais à tous les admirateurs d’Alfon
rait pu n’être qu'un agréable divertisse¬
so Reyes de posséder parmi leurs livre:
ment de lettré, mais le sursaut du Mar¬
d’élection les § Casi Sonetos (Ediciones di
chand de Venise contre la socfeté véni¬
Poesia, Paris). Par contraste, mais en de
tienne, la flamme de rancune et de haine
meurant toujours dans le royaume de l’ex
qui le dresse en lutte ouverte désormais,
cellent, il faut lire après ces joyaux d’une
en font un plaidoyer véhèment et farouche
intelligence éblouissante, La Saeta (Villat
— la plaidoirie qui lui aurait peut-être fait
Boas, editeur, Rio-de-Janeiro), ou vibren
gagner son procès devant le Tribunal de la
les échos de processions sévillanes, avec
Seigneurie..
l’éclat des cierges et des ors, la douleut
des Christs sanglants, et les g sactas v.
lancées comme des sanglots ou des cris
Lorsque nous avons appris, il y a peu
d’extase à travers la nuit vers les Madones
de jours, la mort d’Arthur Schnitzler, nous
pämées sous leurs biicux et leurs brocarts.
avons salué avec chagrin le départ d’un
Prose de ténèbres et d’éclairs, qu'accom¬
homme qui, quoique jeune encore, repré¬
pagnent les illustrations de José Moreno
sentait déjá un des éléments défunts de
Villa, et ou triomphe encore l’incontes¬
’Europe. II y avait quelque chose d’ana¬
table maitrise d’Alfonso Reyes.
chronique dans ses derniers livres, tant i!
était resté l’interprête de la vieille Autri¬
che, si proche et si lointaine à la fois, le
peintre de la Vienne d’avant guerre, au sou¬
C’est une difficile épreuve, pour un éeri¬
venir de laquelle son nom restera toujours
vain, que d’écrire un livre destiné aux en¬
attaché. Schnitzler ne s’était guère drenou¬
fants, et les plus célèbres souvent y ont
velé n et nul ne pensait à le lui reprocher: échoué. M. Otto Flake, qui est un roman¬
il y avait dans tous ses livres une psycho¬
cier de grand talent et de grande renommée,
logie délicate qui mariait l’ironie et la ten¬
vient de s’y essayer avec süccès, et sa
dresse, une sorte de philosophie de la vie
Christa (S. Fischer Verlag, Berlin), est une
désabusée qui se trahissait par un sourire
des meilleures réussites dans ce genre.
sceptique et doux, et dont il dotait tous
Nous assistons dans ce livre au développe¬
ses personnages, indolents, velléitaires, ca¬
ment d’une petite fille, durant ses six pre¬
pricieux, capables de passer sans effort de
mières années — aurons-nous la suite? une
la légèreté au tragique, selon les vicissi¬
enfant d’aujourd'hui, d’après guerre, et
tudes que la vie leur imposait.
il y a quelque chose d’épique presque
dans cette histoire contée avec tant
— — —
de délicatesse et d’amour. Otto Flake a
Son cuvre de romancier, de conteur et#tres bien exprimé ce mélange de vie réelle
et de merveilleux qui fait le fond de toute
d’auteur dramatique est considérable, con¬
existence enfantine; les forêts des contes
sacrée tout entière à la description des
sont aussi familières à la petite Christa
menucs joies, des menues émotions et des
que les montagnes tyroliennes qui servent
menus drames qui constituent l’ezistence
de cadre à son enfance, et les gnomes et
quotidienne, et il y avait chez lui un réa¬
les enchanteurs des légendes sont ses amis
lisme sans brutalité, nuancé de poésie qui
aussi bien que les animaux de la basse-coun
donnait à tout ce qu’il écrivait un accent
ou du bois. C’est un livre d’enfant et en
de verité lyrique qui lui était très parti¬
mème temps un livre pour enfant, non que
culier. Ce sens du destin, à la fois intérieur
l’auteur se mette à la portée — ce qui est
et extérieur à l'homme, qui domine l’exis¬
toujours si maladroit et si inutile —; il re¬
tence de tous les personnageseschnitzlériens,
crée, plutôt que le décor et les événements,
apparait une fois de plus dans Flucht in die
l'atmosphère enfantine qui seule donne de
Finsternis qui vient de paraitre aux éditions
la vie et de la beauté à pareils livres. Au¬
S. Fischer, de Berlin. Une fois de plus — et
cune affectation, non plus, dans la simpli¬
le fait est plus saisissant dans un livre pos¬
cité du style: c’est le naturel parfait de
thume — nous y voyons l’individu gouver¬
cet accent qui ajoute tant de gräce sohre
né par une puissance mystérieuse contre
et d’efficacité à cc petit livre que certains
laquelle il essaie vainement de se débattre
regarderont sans doute comme une ceuvre
comme un oiseau en cage, et c’est vrai¬
mineure de Flake — et je ne pense paz certes
ment, ainsi que l’indique le titre, une fulte
à le comparer, en importance, au cyele des
dans les tänébres, symbolique du devenir
Romane um Ruland (S. Fischer Verlag,
humain dans ce qu'il a de plus douleureux
Berlin), par exemple —mais que je considère
et de plus quotidien, que l’écrivain autri¬
comme une réussite particulièrement heu¬
chien raconte dans son dernier livre.
Freuse dans un genre particulièrement pé¬
— — —
rilleux.
J'ai déjä dit souvent ici combien l’auvre
Marcel BRION.