I, Erzählende Schriften 36, Flucht in die Finsternis (Der Verfolgte, Wahnsinn), Seite 15

AU
eckur, gul ne laldse pas de rept
lettres que Ugo Ojetti réunit en volume,
pérament ardent, irritable, avide de tota¬
des lettres qui ont paru dans la revue
lité et d’absolu. Enfin, il y a partout une
Pegaso et qui ont tous les caractères de ce
authenticité entière, que ce soit dans l’or¬
qu’on appelle des vlettres ouvertes v. Féli¬
dre des concepts ou dans celui des pas¬
citons-nous qu'elles ne soient pas restées la
sions, dont l’accent, qui souvent murmure
propriété enchantée d’un seul destinataire,
des confidences, s’éléve parfois aussi jus¬
qu'ä une sorte de courroux messianique
et que nous puissions lire par-dessus
l’épaule de celui-ci ce que l'auteur destine
contre les fausses lois, les fausses tradi¬
Den réalité à tous ses contemporains et à la
tions, les faux ichals.
postérité. Précieuses missives ou tous les
Ludwig Lewisohn est tout entier dans
sujets de l’heure et tous les problèmes éter¬
chacun de ses livres, que ce soit dans ses
nels sont abordés, le machinisme et l’art
autobiographies avouées ou dans ses ro¬
vénitien, la médiocrité et la beauté. Qu’il
mans d’allure objective; sa personnalité est
écrive à S. E. Benito Mussolini sur les
si forte, si caractéristique qu’elle déborde
rapports de l’art et de la politique, à Paul
immédiatement l’anecdote et envahit les
Valéry sur la défense de l’intelligence, ou
destinées étrangères qu’elle voudrait pré¬
à F.-T. Marinetti sur l’antiquité du futu¬
senter au lecteur. Dans la production ac¬
risme, chacune de ces lettres nous montre
tuelle, ses livres d’une marche un peu
un esprät brillant, ingénieux — au sens le
lente, un peu massive, alourdis semble-t-i!
plus noble du mot — qui ne craint point
par une puissance d’intensité toujours ten¬
due et prête au choc, et chargés d’une ma- de vétir les vérités en paradoxes pour les
faire accepter plus facilement — et lui
tière humaine qui résiste parfois aux in¬
seul réussit mnagistralement ce tour de
jonctions formatives de l’art, se distin¬
force! II joue avec les idées d’une plume
guent également par la qualité de leur émo¬
preste, et avec le sens exact, parfait, de
tion et celle de leur écriture. Dans ses deux
l’ordre intellectuel dans ce qu’il a de plus
derniers livres surtout, le style de M. Le¬
vivace et de plus plein. Après a#pir lu ces
wisohn me parait avoir atteint une singu¬
Venti Lettere (Trèves, éditeur, Milan) dans
lière beauté, sans que l’art y domine trop
Pegaso on découvre avec plaisir ici qu’elles
tyranniquement pourtant l’élément humanité
n’ont rien perdu de leur actualité ni de leur
qui leur donne une si vaste et si profonde
signification essentielle.
signification.
Ces deux livres sont bien différents et
tout en prenant leur place logique dans une
ceuvre qui réunit The Case of M. Crump,
Poête d’excellence, M. Alfonso Reyes ne
The Island within, Upstream et Midchannel,
publie que de rares et brefs livres, et cha¬
ils offrent un contraste très net avec ses
que page, chaque vers devient ainsi pour
précédents ouvrages. II semble que son ta¬
ses lecteurs fidéles et fervents une joie
lent s’apaise, se clarifie, s’ordonne dans unf somptueuse, merveilleusement élaborée, ou
ordre de contemplation plus sereine. The
pour un instant la poésie atteint une per¬
Golden Vase (Harpers and Brothers, édi¬
fection d’une si surprenante et si eblouis¬
teurs. New-York), offre dans une forme
same rareté que ces précieuz chefs-d’eu¬
splendide de lyrisme intime et secret üne
vre nous font atteindre tantöt le monde de
sorte de résignation devant la vie qui
diamant des idées essentielles, tantöt le
s’échappe et tout ce qu'elle entraine, l’aven¬
pur abime de l’humain. Cette poésie d’une
ture, l'amour. Ridgevale, écrivain célebre et
qualité si remarquable ne doit rien aus
vieillissant, s’inspire d’un stolcisme sou¬
systèmes ni aux partis pris; elle est la pro¬
riant qui dénoue dans une atmosphère
duction spontanée d’un esprit qui n’admet
calme et noble de crépuscule d’été, le der-que l’exquis, et pour lequel le phénomène
nier conflit de cceur et d’esprit. L’ample et
de la création poétique ezt le signe d’une
sereine harmonie de l’écriture convient ad¬
cristallisation définitive d’une émotion éter¬
mirablement à cette mélancolique histoire.
nisée en une image, précipitée dans un de ces
On retrouvera la révolte et la colère dans
sonnets, de ces ucasi-sonnets , comme il les
The Last Days of Shylock (avec douze des¬
appelle qui constituent les points de repère
sins de Arthur Szyk. Harpers and Bros, édi¬
principaux dans la production récente d’Al¬
teurs, New-York). Nous retrouvons ici
fonso Reyes. Un recueil de cinq poêmes éche¬
l’étonnant analyste des ämes juives et le
lonnés sur trois ans, de 1922 à 1924, mai:
parallélisme de ce roman avec Midchannel.
quels poêmes! Jamais musique plus secrêtt
par exemple, est fort significatif. L’auteur
et plus lucide à la fois n’a rempli le corpt
prend Shylock au moment ou Shakespeare
bref d’un sonnet et, si le volume n’était tir
l'abandonne, et il imagine la suite de ses
à un nombre rarissime d’exemplaires, j.
aventures. Avec un autre écrivain, cela au¬
souhaiterais à tous les admirateurs d’Alfon
rait pu n’être qu'un agréable divertisse¬
so Reyes de posséder parmi leurs livre:
ment de lettré, mais le sursaut du Mar¬
d’élection les § Casi Sonetos (Ediciones di
chand de Venise contre la socfeté veni¬
Poesia, Paris). Par contraste, mais en de
tienne, la flamme de rancune et de haine
meurant toujours dans le royaume de l’ex
qui le dresse en lutic ouverte désormais,
cellent, il faut lire après ces joyzux d’une
en font un plaidoyer véhèment et farouche
atelligence éblouissante, La Saeta (Villat
— la plaidoirie qui Jui aurait peut-être fait
Boas, editeur, Rio-de-Janeiro), ou vibren
gagner son procès devant le Tribunal de la
les échos de processions sévillanes, avec
Seigneurie
l’éclat des cierges et des ors, la douleut
— —
des Christs sanglants, et les g saetas 9,
lancées comme des sanglots ou des cris
Lorsque nous avons appris, il y a peu
dextase à travers la nuit vers les Madones
de jours, la mort d’Arthur Schnitzler, nous
pämées sous leurs bijoux et leurs brocarts.
avons salué avec chagrin le départ d’un
Prose de ténébres et d’éclairs, qu'accom¬
homme qui, quoique jeune encore, repré¬
pagnent les illustrations de José Moreno
sentait déjä un des Cléments défunts de
Villa, et ou triomphe encore l’incontes¬
l’Europe. II y avait quelque chose d’ana¬
table maitrise d’Alfonso Reyes.
chronique dans ses derniers livres, tant i!
était resté l’interprête de la vieille Autri¬
che, si proche et si lointaine à la fois, le
peintre de la Vienne d’avant guerre. au sou¬
C’est une difficile épreuve, pour un écri¬
venir de laquelle son nom restera toujours
vain, que d’écrire un livre destiné aux en¬
attaché. Schnitzler ne s’était guère drenou¬
fants, et les plus célèbres souvent y ont
velé #et nul ne pensait à le lui reprocher:
échoué. M. Otto Flake, qui est un roman¬
il y avait dans tous ses livres une psycho¬
cier de grand talent et de grande renommée,
logie délicate qui mariait l’ironie et la ten¬
vient de s’y essayer avec succès, et sa
dresse, une sorte de philosophie de la vie
Christa (S. Fischer Verlag, Berlin), est une
désabusée qui se trahissait par un sourire
des meilleures réussites dans ce genre.
sceptique et doux, et dont il detait tous
Nous assistons dans ce livre au développe¬
ses personnages, indolents, velléitaires, ca¬
ment d’une petite fille, durant ses six pre¬
pricieux, capables de passer sans effort de
mières années — aurons-nous la suite? une
la légèreté au tragique, selon les vicissi¬
enfant d’aujourd'hui, d’après guerre, et
tudes que la vie leur imposait.
il y a quelque chose d’épique presque
dans cette histoire contée avec tant
de délicatesse et d’amour. Otto Flake a
très bien exprimé ce mélange de vie réelle
Son ceuvre de romancier, de conteur et
et de merveilleux qui fait le fond de toute
d’auteur dramatique est considérable, con¬
existence enfantine; les forêts des contes
sacrée tout entière à la description des
sont aussi familières à la petite Christa
menucs joies, des menues émotions et des
que les montagnes tyroliennes qui servent
menus drames qui constituent l’ezistence