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19. Der Ruf des Lebens
Et maintenant on dira: & C’est vraiment peu!
lippi. Cet homme, on le croyait, non seulement
Sion joue si peu à Vienne, Berlin est encore un
maintiendrait le Burgtheatenà sa hauteur mais
Eldorado, la ville inégaléc. „
encore le développerait, pour qu'il restät à latéte
Mais nous devons parler à présent des direc¬
du progrès général. M. Schlentber vint. I prit
teurs.
le Burgtheater, cet instrument admirable uti¬
A Berlin a surgi, au moment de la révolution
lisé depuis plus de cent ans pour des chefs¬
littéraire, an début des années 90, un hon direc¬
d’cuvre, et il joua Blumenthal, Otto Ernst,
Philippi, il joua les ouvriers qu'il avait autre¬
teur. Energique, plein d’idées et de sincérité.
G’était Otto Brahm. II a joué lbsen, Gerhardt
fois méprisés, il joua toutes les fadaises et tous
Hauptmann, et toute la série des dramatistes
les riens qui abaissent le niveau artistique
modernes. Otto Brahm a rendu des services.
d’une scène et élévent les recettes. Quant à
Ibsen dont il s’était fait l’apôtre, quant à Haupt¬
Seulement, il est devenu peu à peu un peu en¬
dormi, un peu négligent. Et à ce moment est
mann sur lequel il avait écrit un gros livre,
Schintzler, Hofmannsthal, bref les vrais auteurs,
sorti de sa propre troupe de comédiens un ri¬
val, Max Reinhardt, qui a fondé d’abord le Petit
il ne les a pas joués. II a administré le Burg¬
Théätre, a pris ensuite la direction du Nou¬
theater comme un commerçant quelconque
veau-Théätre et est maintenant à la téte du
que l’on aurait tiré de la province, qui n’aurait
Théatre-Allemand, on Brahm régnait avant et
aucun jugement, qui ne se soucierait pas plus
de l’art que du diable, et qui composerait son
00, auparavant, L’Arronge avait eréé ce que l’on
répertoire d’après les bilans de la caisse. M.
appelle la tradition berlinoise. Tout cela n’est
pas vieux de trente ans, mais on l’appelle tout
Schlenther fut un directeur de province. II pos¬
sede un très hon jugement, il l’avait suffisam¬
de meme tradition. Or, Max Reinhardt est
ment prouvé auparavant, etl’on doiten conclure
un Viennois. II a le goüt viennois. II a unc
qu'il agit tout simplement contre son propre
jennesse teintée de culture viennoise. II a pris
vouloir. A Vienne on a trouvé cela énigmatique.
comme adolescent la splendeur du Burgtheater,
Onn’a pas compris pourquoi il niait son passé,
sa finesse, son éclat, le fini parfait de ceite
pour remplir la caisse avec de lourdes pièces,
scène, comme le prennent tous ies jeunes Vien¬
pour tenir la production moderne éloignée du
nois, comme quelque chose de tout naturel.
Burgtheater et pour servir toutes les inclina¬
Cest cela méme qui est l’art! Il n’a pas trouvé
tions conservatrices des fonctionnaires impé¬
un second Burglheater, et il a reconnu avec
riaux. Onn’aurait pas attendu tant de souples¬
beaucoup de justesse que ce Berlin riche, agité,
se, tant d’opportunisme d’un Prussien de vieille
sensuel, assoiffé de luxe, de culture ct d’art,
souche. AVienne, on croyaitavoir pris un homme
avait aussi besoin d’une telle splendeur éclose
raide, que rien ne ferait plier, qut sans faiblesse
en son sein, et que dans sa richesse nouvelle, il
viennoise marcherait tout droit devant lui. Et
scrait reconnaissant pour lout ce qui ressemble¬
maintenant, on est tout désillusionné de voir au
rait à une vicille noblesse. Et ainsr a commencé
Burgtheater un courtisan si soignenx, marchant
Reinhardt (qui est d’ailleurs un enthousiaste,
à pas si silencieux. Ge fut une erreur.
doué d’un véritable sens du théätre, d’une vraie
piété pour le théätre), par montrer aux Berli¬
Mais c’est cette erreur qu'il faut rendre res¬
nois quelque chose de grand stvle, de grand
donsable si le Burgtheater joue encore des vieil¬
style dans le décor, T’exécution et l’administra¬
les rengaines de- plaisanteries, comme le Doc¬
teur Klaus de L’Arronge, tandis qu’on joue à
tion. Les gens étaient attirés et, après n’avoir
Berlin lbsen et Wedekind; sile Burgtheater re¬
treuvé durant des années sur la scöne que des
présente cette laborieuse nullité, la Petite Dorrit,
logis de pauvres gens, furent éblouis par le
que M. de Scheenthan à découpée dans le roman
nouvel Sclat. Et Otto Brahm dut de nouveau s’é¬
de Charles Dickens, tandis qu'à Berlin on donne
veiller, de nouveau s’efforcer, et de nouveau
Oscar Wilde; si le Burgtheater met àla scène la
travaiiler.: ainsi la vie dramatique prit le nou¬
tapisserie de Philippi l’Assistant et le drame de
vel essor au cours duquel les directeurs s’arra¬
colportage Une pierre entre les pierres, tandis
chèrent les auteurs, les acteurs et les nouveaux
qu'on représente à Berlin Hofmannsthal et Ger¬
projels.
hardt Hauptman.
A Vienne, la situation est tout autre. Là on
Berlin est le progrès, Vienne est l’arrst. Mais
s’en Clait laissé assez longtemps imposer par la
à la lumière, le meilleur et le plus intéressant
capacité et par T’élan des Berlinois et l’on von¬
directeur de Berlin, Max Reinhardt, est un Vien¬
lait choisir un Berlinois pour qu'il rendit an
nois, et le plus mauvais etle plus ennuyenx des
Burgthealer teut son essor. Ce fut le docteur
directeurs viennois, Paul Schlenther, est un
Paul Schlenther. C’était un critique; il était in¬
Berlinois.
tervenu avec chaleur en favcur d’lbsen, de
Hauptmann et des modernes, il avait tonné
III
contre les invraisemblances futiles de Blumen¬
Ihal. de Otto Ernst, de Sudermann et de Phi- 1 On obicctera peut-être que sur le sol berli¬
nois, tout pousse mienx, que les
nent plus aisément racine à Berl
linois à Vienné. Mais cela n’est pa
tout, on peut faire partout un t
mier ordre, et on n’a pas-besoin
l’essor de la puissance écon
grande ville. Meiningen l’a prou
Moscou le montre à présent. Et
la direction del’autochtone Burch
theater avait pris un développen
Ibsen, Hauptmann, Schnitzler o
on avait essayé de rajeunir ler
que. Tout cela avait été possible
posait à un progrès continu. Auf
fonctionnaires impériaux autri
été mienx disposés et respectuen
sien de caractère Schlenther,
fonctionnaires ne T'avaient été p
donton n'avait jamais pris l’esson
Mais Schlenther n’a pas de carach
simplement interrompu le dév
Burgtheater.
En faisant cela, il a retenu en
le développement de la vie t
noise, il a empéché en gen
des scènes viennoises, car le Bu
à Vienne un röle tout particulier
pourrait appeler la scène nation
de l’Autriche. C’est peut-étre
vraiment national qulil y ait en
pour les traditions, pour l’aut
fluence sur la culture générale,
comparé qu'à la Comédie-Françe
en tout cas, il est l’étalon avech
habitué à mesurer depuis le tem
A Vienne, les gens sont élevés
fance à trouver juste hon le mei
leurs. C’est avec ces goüts al
jusqu'à la subtilité, qu'ils vont d
privés et ils ne réfléchissent pas
doivent travailler sans une suby
d’un million.
A Berlin au contraire, le Th#
sans rapport avèc les grandes m4
IIn’ya que la cour, avec ses off
tionnaires et sa noblesse,qui le
une mince surface de population
la cour de Berlin n’a en matien
tige ni autorité. I est mème de
derne de plaisanter le Schaus
Berlinois vont plutôt trop loin
d’idées. Evidemment les Hol
dans leur théätre une politique
gée contre tous les mouvement
derne, une politique fermée, ré##
ceuvres que P’on cultive là, ce sd
patriotiques en vers cliquctond
comme M. de Wildenbruch les
vialités innocentes que fabrique
1 Et bien qulil y ait à l’heure
S
19. Der Ruf des Lebens
Et maintenant on dira: & C’est vraiment peu!
lippi. Cet homme, on le croyait, non seulement
Sion joue si peu à Vienne, Berlin est encore un
maintiendrait le Burgtheatenà sa hauteur mais
Eldorado, la ville inégaléc. „
encore le développerait, pour qu'il restät à latéte
Mais nous devons parler à présent des direc¬
du progrès général. M. Schlentber vint. I prit
teurs.
le Burgtheater, cet instrument admirable uti¬
A Berlin a surgi, au moment de la révolution
lisé depuis plus de cent ans pour des chefs¬
littéraire, an début des années 90, un hon direc¬
d’cuvre, et il joua Blumenthal, Otto Ernst,
Philippi, il joua les ouvriers qu'il avait autre¬
teur. Energique, plein d’idées et de sincérité.
G’était Otto Brahm. II a joué lbsen, Gerhardt
fois méprisés, il joua toutes les fadaises et tous
Hauptmann, et toute la série des dramatistes
les riens qui abaissent le niveau artistique
modernes. Otto Brahm a rendu des services.
d’une scène et élévent les recettes. Quant à
Ibsen dont il s’était fait l’apôtre, quant à Haupt¬
Seulement, il est devenu peu à peu un peu en¬
dormi, un peu négligent. Et à ce moment est
mann sur lequel il avait écrit un gros livre,
Schintzler, Hofmannsthal, bref les vrais auteurs,
sorti de sa propre troupe de comédiens un ri¬
val, Max Reinhardt, qui a fondé d’abord le Petit
il ne les a pas joués. II a administré le Burg¬
Théätre, a pris ensuite la direction du Nou¬
theater comme un commerçant quelconque
veau-Théätre et est maintenant à la téte du
que l’on aurait tiré de la province, qui n’aurait
Théatre-Allemand, on Brahm régnait avant et
aucun jugement, qui ne se soucierait pas plus
de l’art que du diable, et qui composerait son
00, auparavant, L’Arronge avait eréé ce que l’on
répertoire d’après les bilans de la caisse. M.
appelle la tradition berlinoise. Tout cela n’est
pas vieux de trente ans, mais on l’appelle tout
Schlenther fut un directeur de province. II pos¬
sede un très hon jugement, il l’avait suffisam¬
de meme tradition. Or, Max Reinhardt est
ment prouvé auparavant, etl’on doiten conclure
un Viennois. II a le goüt viennois. II a unc
qu'il agit tout simplement contre son propre
jennesse teintée de culture viennoise. II a pris
vouloir. A Vienne on a trouvé cela énigmatique.
comme adolescent la splendeur du Burgtheater,
Onn’a pas compris pourquoi il niait son passé,
sa finesse, son éclat, le fini parfait de ceite
pour remplir la caisse avec de lourdes pièces,
scène, comme le prennent tous ies jeunes Vien¬
pour tenir la production moderne éloignée du
nois, comme quelque chose de tout naturel.
Burgtheater et pour servir toutes les inclina¬
Cest cela méme qui est l’art! Il n’a pas trouvé
tions conservatrices des fonctionnaires impé¬
un second Burglheater, et il a reconnu avec
riaux. Onn’aurait pas attendu tant de souples¬
beaucoup de justesse que ce Berlin riche, agité,
se, tant d’opportunisme d’un Prussien de vieille
sensuel, assoiffé de luxe, de culture ct d’art,
souche. AVienne, on croyaitavoir pris un homme
avait aussi besoin d’une telle splendeur éclose
raide, que rien ne ferait plier, qut sans faiblesse
en son sein, et que dans sa richesse nouvelle, il
viennoise marcherait tout droit devant lui. Et
scrait reconnaissant pour lout ce qui ressemble¬
maintenant, on est tout désillusionné de voir au
rait à une vicille noblesse. Et ainsr a commencé
Burgtheater un courtisan si soignenx, marchant
Reinhardt (qui est d’ailleurs un enthousiaste,
à pas si silencieux. Ge fut une erreur.
doué d’un véritable sens du théätre, d’une vraie
piété pour le théätre), par montrer aux Berli¬
Mais c’est cette erreur qu'il faut rendre res¬
nois quelque chose de grand stvle, de grand
donsable si le Burgtheater joue encore des vieil¬
style dans le décor, T’exécution et l’administra¬
les rengaines de- plaisanteries, comme le Doc¬
teur Klaus de L’Arronge, tandis qu’on joue à
tion. Les gens étaient attirés et, après n’avoir
Berlin lbsen et Wedekind; sile Burgtheater re¬
treuvé durant des années sur la scöne que des
présente cette laborieuse nullité, la Petite Dorrit,
logis de pauvres gens, furent éblouis par le
que M. de Scheenthan à découpée dans le roman
nouvel Sclat. Et Otto Brahm dut de nouveau s’é¬
de Charles Dickens, tandis qu'à Berlin on donne
veiller, de nouveau s’efforcer, et de nouveau
Oscar Wilde; si le Burgtheater met àla scène la
travaiiler.: ainsi la vie dramatique prit le nou¬
tapisserie de Philippi l’Assistant et le drame de
vel essor au cours duquel les directeurs s’arra¬
colportage Une pierre entre les pierres, tandis
chèrent les auteurs, les acteurs et les nouveaux
qu'on représente à Berlin Hofmannsthal et Ger¬
projels.
hardt Hauptman.
A Vienne, la situation est tout autre. Là on
Berlin est le progrès, Vienne est l’arrst. Mais
s’en Clait laissé assez longtemps imposer par la
à la lumière, le meilleur et le plus intéressant
capacité et par T’élan des Berlinois et l’on von¬
directeur de Berlin, Max Reinhardt, est un Vien¬
lait choisir un Berlinois pour qu'il rendit an
nois, et le plus mauvais etle plus ennuyenx des
Burgthealer teut son essor. Ce fut le docteur
directeurs viennois, Paul Schlenther, est un
Paul Schlenther. C’était un critique; il était in¬
Berlinois.
tervenu avec chaleur en favcur d’lbsen, de
Hauptmann et des modernes, il avait tonné
III
contre les invraisemblances futiles de Blumen¬
Ihal. de Otto Ernst, de Sudermann et de Phi- 1 On obicctera peut-être que sur le sol berli¬
nois, tout pousse mienx, que les
nent plus aisément racine à Berl
linois à Vienné. Mais cela n’est pa
tout, on peut faire partout un t
mier ordre, et on n’a pas-besoin
l’essor de la puissance écon
grande ville. Meiningen l’a prou
Moscou le montre à présent. Et
la direction del’autochtone Burch
theater avait pris un développen
Ibsen, Hauptmann, Schnitzler o
on avait essayé de rajeunir ler
que. Tout cela avait été possible
posait à un progrès continu. Auf
fonctionnaires impériaux autri
été mienx disposés et respectuen
sien de caractère Schlenther,
fonctionnaires ne T'avaient été p
donton n'avait jamais pris l’esson
Mais Schlenther n’a pas de carach
simplement interrompu le dév
Burgtheater.
En faisant cela, il a retenu en
le développement de la vie t
noise, il a empéché en gen
des scènes viennoises, car le Bu
à Vienne un röle tout particulier
pourrait appeler la scène nation
de l’Autriche. C’est peut-étre
vraiment national qulil y ait en
pour les traditions, pour l’aut
fluence sur la culture générale,
comparé qu'à la Comédie-Françe
en tout cas, il est l’étalon avech
habitué à mesurer depuis le tem
A Vienne, les gens sont élevés
fance à trouver juste hon le mei
leurs. C’est avec ces goüts al
jusqu'à la subtilité, qu'ils vont d
privés et ils ne réfléchissent pas
doivent travailler sans une suby
d’un million.
A Berlin au contraire, le Th#
sans rapport avèc les grandes m4
IIn’ya que la cour, avec ses off
tionnaires et sa noblesse,qui le
une mince surface de population
la cour de Berlin n’a en matien
tige ni autorité. I est mème de
derne de plaisanter le Schaus
Berlinois vont plutôt trop loin
d’idées. Evidemment les Hol
dans leur théätre une politique
gée contre tous les mouvement
derne, une politique fermée, ré##
ceuvres que P’on cultive là, ce sd
patriotiques en vers cliquctond
comme M. de Wildenbruch les
vialités innocentes que fabrique
1 Et bien qulil y ait à l’heure
S