II, Theaterstücke 10, Das Vermächtnis. Schauspiel in drei Akten, Seite 345

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LA SEMAINE LITTERAIRE
pauvre femme, égarée, andanlie, affolée ne trouve presque
croit tres grand en e pardonnant v. II se mire dans sa bonne
pas un mot à dire. Elle dit un dernier adien, remercie Betty,
action. II prend des poses nobles, et dit, levant les yenx vers
etsort. Une heure plus tard, Franziska rentre. Elle apprend
le ciel, avec des larmes dans la voix: &Notre fils doit etre
tout, elle s’indigne, elle court à la chambre de celle à qui la
contenl! )
pitié l’a attachée, et elle n’ytrouve que ce laconique billet:
Au fond de son echur, il est ennuyé et inquiet. Les amis
Ne pas me chercher, c’est trop tard!, Toni s’est tuée, sim¬
et connaissances — les Biber, les Grünberg, son collégue de
plement, ne sachant plus comment vivre seule et délaissée.
I’Université, le Dr Mettner, champion comme lui des idées
Le professeur Adolphe trouve cela indécent au plus haut de¬
liberales et renverseur des préjugés surannés — commencent
gré: le voild obligé, lui député, lui professeur, lui orateur de
a battre froid. IIs espacent leurs visites aux Losatti; les
groupe, d’aller annoncer à la police que la maitrerse de son
femmes mème les cessent complétement. On reproche au
fils mort a disparu. C’est tout simplement révoltant! II sort
professeur d’avoir & donné un coup de poing en plein vi¬
vexé et furieux, et le rideau tombe sur ce dialogue de la mère
sages à la Société. II commence à craindre d’avoiy com¬
et de la fille:
promis sa fille Franziska, et rendu son placement dillicile,
car le Dr Ferdinand, candidat titulaire anx flançailles, con¬
Betty: — Mon enfant, ma pauvre enfant!
damne aprement T’acte généreux et naturel des parents Lo¬
Franzisku (se lordant les mains): — Hugol Hugo!
satti. Ce rude strugyleyortiyer, qui représente seul dans la
Belty: — TPest encore.,, on peut encore la trouver.
piece la raison bourgeoise la plus étroite dans toute sa cor¬
Franstska: — Non, nonl.., nous ne la reverrons plus. IIs sont
rection ettoute sa dureté, fait d’amers reproches à la pauvre
tous loin, tons loin de nous. — Hugo, T’enfant, elle, — ils sont lous
Toni, et, lächeté plus impardonnable, adresse des propos
ensemble... (rissonnant), en cet instant peut-etre elle les rejoint. E1
amers à l’enfant, qui ne les comprend pas, sans doute, mais
c’est nous, maman, nous aussi, les coupables.
Retty: — Moi peut-eire, mol... Faurais du mais pas toi, pas toi.
qui, pourtant, saisit lhostilité du ton et la menace du regard.
Pranziska: — Moi aussi, maman, je le sens si profondément.
L’enfant vit cependant, et tous ceux qui ont aimé Hugo
Nous avons été läches, nous n'avons pas osé l'aimer autant qu'elie l'a
(seul le Dr Ferdinand Schmidt n’est pas de ceux-la), le voyant
mérité. C’est du pardon que nous lui avons lémoigné, du pardon —
revivre dans cepetit Franz, aiment sa mère, ou tout an moins
nous! Ahl nous aurions du etre bonnes simplement, mère!
la supportent. Seule & T’opinion on'a point désarmé.
Au troisième acte, huit jours plus tard, Penfant chétifet
subitement frappé par la maladie, le petit Franz est mort. On
range mélancoliquement ses jouets délaissés. Affolée par ce
C’estsur ces mots — les seuls od l’auteur semble prendre
second coup du destin, pénétrée de cette terreur instinclive
position et affirmer une conviclien—que setermine ce drame
des simples pour la solitude, dépourvue d’initiative et de vo¬
poignant et sohre, dont Timpression reste profondément gra¬
lonté agissante, la pauvre Toni se raccroche désespérément
vée dans l’esprit du lecteur ou du spectatenr.
au débri qui lui reste de son passé heurenx, à ce milien de
TTestsi simple ce drame, si nettement et fortement déduit,
famille refroidi, sinon hostile, od l’a placée la volonté du
qu’on enoublie vite l’invraisemblance du point de départ, et
mort.
qu’on exeuse la brutalité peut-étre un peu forcée du dénoue¬
La mort de P’enfant a changé les sentiments des Losatti.
ment. Est-il vraisemblable que les Losatti, s’ils sont hien tels
Le lien essentiel est brisé entre la famille et Tirrégulière. On
que nous les connaissons, aient fait la promesse que l’on sait
cherche déjà à T’écarter, doucement d’abord. Et l’on se rap¬
et que, Tayant faite, ils T’aient tenue, ne füt-ce que pendant
proche des amis. Les Biber ont envoyé une couronne qui doit
quinze jours? Est-il vraisemblable que la pauvre Toni, si
etre placée sur la tombe du petit Franz, etle professeur Adol¬
ébranlée qu’elle soit par des coups répétés, se tue parce
phe trouve cette attention Ccharmante v. I commence à voir
qu'elle doit quitter une famille à laquelle ne l’attachent pas
dans la mort de l’enfant ele doigt de Dieu v, qui ne peut pas
encore des liens bien puissants?
vouloir que le professeur-député perde ses relations et que sü
Je laisse ces deux questions en suspens, etje ne me pro¬
fille risque de ne se point marier. L’impitoyable Ferdinand
nonce point. L’essentiel est que l’on oublie de se poser ces
demande qu’on renvoie Toni, il T’exige impérieusement; Il
questions et que l’on soit pris par le drame, que l’on en soit
consent, pour calmer la conscience élastique du professeur,
ému, que l’on contemple dans la pauvre femme qui en est
àce que la délaissée reçoive une indemnité en argen“ toutce
Thumble hérofne ce que le pocte appelait magniliquement la
qu’on doit à des créatures de son espéce. Moyennant quel¬
majesté des souffrances humaines. Tout est si vrai dans ce
ques phrases pour sauvegarder les principes, le professeur
drame, tout s’ytient si bien, chacun Fagit, y parle, y pense si
entre dans les vues de son futur gendre. Betty résiste faible¬
conformément an caractère tres nettement individualisé qu'a
ment, si faiblement que la résistance est un consentement ta¬
voulu lai donner P’écrivain! On ne pense pas voir un spectache
eite. Indignée, Emma intervient et déclare qu'elle recueillera
qui s’agite sur des planches, à la lumière des quinquets. On
chez elle la pauvre femme et rompra, s’il le faut, avec les Lo¬
pense contempler la vie réelle se déroulant dans toute la sim¬
satti. Mais ich, par un revirement psychologique que je trouve
plicité de sa forme extérieure, dans toute la complexité mo¬
singulièrement juste et bien observé, c’est Agnès, la jeune
bile et fuvante de son tréfonds intime. Un milieu ordinaire, des
fille qui a aimé Hugo, qui s’oppose à T’acte généreux de sa
ames qui ne depassent pas le niveau commun, une situation
mère. Tant que le petit Franz a vécu, elle a aimé en Jui
courante qu’un coup de hasard seule rend tragique, un conflit
Timage du mort, et pardonné, et supporté la mere. Aujour¬
de sentiments simples, c’en est assez à l’art tres conscient et
d’hui, P’enfant mort, elle ne voit plus en Toni que la femme
tres condensé de M. Schnitzler pour émouvoir les cceurs, et
qui lui a enlevé l’amour de son aimé, et une sorte de jalousie
pour imposer fortement aux esprits le probléme qui le préoc¬
posthume s’éveille en elle qui l’empéche d’accueillir celle qui
cupe lui-meme: Comment concilier le devoir supérieur de la
n’est plus à ses yeux que l’étrangere et la rivale.
bonté humaine et les regles étroites de la convention sociale
Cependant Ferdinand travaille à son (uvre mauvaise. Il
et bourgeoise? Cette conciliation est-elie désirable? Est-elle
raisonne, il argumente, il insinue, il calomnierait au besoin.
possible? Et, en cas de conflit, laquelle de ces deux forces
La rupture est décidée. On l'annonce à Toni. La scène est sai¬
doit l’emporter sur l’autre?
sissante et forte. Le professeur Aldophe pontifie, joue l’ômo¬
Pour répondre à ces questions d’une facon péremptoire,
tion, et finalement epardonnes grandement à sa victime. La