II, Theaterstücke 10, Das Vermächtnis. Schauspiel in drei Akten, Seite 344

LA SEMAINE LITTERAIRE
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etsa fille Agnès. ägée de dix-sept ans, qufaime d’unamour se¬
plus voisin de nous par les idées, le milieu et la forme, du
cret, ingenu etardent son cousin Hugoqu’elle espère epouser.
Zegs de M. Arthur Schnitzler.
Ajontons un personnage qui joue son röle dans tous les
milieux réguliers, personnage invisible et présent, lointain
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mais non muet, P’opinion publique, c’est-à-dire T’opinion de
Le sujet qui a tonjours préoccupé l’écrivain viennois, dans
quelques amis et connaissances qui vous épient, vous jugent
ses drames aussi bien que dans ses houvelles, est le suivant:
et clabaudent aprement, par droit d’intimité, sur volre
Etant donné, d’une part, Pamour libre et ses conséquences,
compte.
d’autre part, la forme sociale de la famille et ses traditions,
Tel est le milien, tels les personnages que nous font con¬
comment se comporteront, mises en présence l’une de Tautre,
naftre directement ou indirectement les menus propos quf
juxtaposées par le hasard de la vie, ces deux forces antago¬
s’échangent le plus naturellement du monde dans les scönes
nistes qui, à l’ordinaire, se côtoyent, se condoient, se combat¬
liminaires du premier acte.
tent sourdement, à la dérobée, sans entrer en conllit onvert?
Brusquement un coup de fondre traverse le ciel serein
Une conciliation est-elie possible, un modus virendi peut-il
de ce milien bourgecis et paisible. Hugo, le lils ainé, P’espoir
s’établir, une harmonie des dmes peut-elle regner entre des
de ln famille, se promenant sur le Prater, fait une chute de
gens d’origine, de condition, de cultures diverses que rappro¬
cheval. En médecir le ramène, mourant, dans sa famille. Lo
che le hasard d’un lien auquel la société régulière n’a pas
trouble. Tagitatior de la famille, les propos inutiles qui s’en¬
donné sa sanction? Tel est le problème que se pose à l’ordi¬
trecroisent au chevet du blessé, ont été saisis et rendus par
M. Schnitzler avec une merveilleuse süreté. Le père Losatti
naire M. Schnitzler, qu’il met en scène et qu'il ne résond pas.
Ses pièces posent la question, obligent le spectateur ou le
se distingue, inutile de le dire, par sa grandiloquence effarte
lecteur à Pexaminer en face et à F réfléchir, mais ellesnecon“
et oisense. Le médecin arrive, non sans peine, à obtenir un
cluent pas. C’est en cela peut-être que M. Schnitzler se distin¬
pen de repos et de silence antour du moribond. Resté seul
gue le plus nettement de ses modeles frünçais, Dumas et
avee ses parents, Hugo, en quelques phrases hätives, cou¬
Augier qui, enx, n’hésitent jamais à conclure avec toute la
pees, impérieuses, revele qu’ilaune maftresse, Toni Weber,
décision voulue. Ses drames ne sont pas des pieces à these, cc
et un petit garcon de quatre ans nommé Franz, II veut les
sont des problemes portés à la scche avec une apparente in¬
revoir une dernière fois, avant de monrir, et il arrache d ses
différence et qui laissent chaenn libre de conclure à son gré.
parents la promesse de recueillir chez eux, lui parti, la
On peut supposer de quel côté se portent les sympathies
femme et Penfant. II sait que la pauvre Toni ne pourrait
voilées de l’auteur, mais il n'a garde de les affirmer nettement
vivre seule, ni elever convenablement Tenfant de leur amour.
Les parents cedent, la mère par un élan spontané, le père
pour entrafner le lecteur à se ranger à son opinion. On en
jugera par cette brève analyse de son dernier drame1.
hon sans resistance et sans phrases. On fait chercher la pau¬
Un intérieur de bourgeoisie cossue à Vienne: Tapparte¬
vre amante dont la douleur simple, un peu bruyante, tout
ment qu’occupe, avec sa famille, le professeur Adolphe Lo¬
pres de la nature, fail peine à voir. L’enfant, qui joue dans la
satti qui enseigne á!’Université l’économie politique et pérore,
rue avec ses petits camarades, m’arrive qu’un peu plus tard,
comme député, dans le groupe des gauches réunics. La sil¬
trop tard. Hugo est tombé dans un état comatenx; il meurt,
houette de ce politicien de la chaire est admirablement dessi¬
rassuré. Cenx qu’il aimait sont à l’abri, recueillis sous le toit
née. Comédien inconscient et sonore, Losatti excelle à enve¬
paternel. Seul Timpassible Ferdinand a protesté d’avance
lopper des sentiments ordinaires ou bas dans la draperie des
contre cet acte de pitie humaine. La pauvre petite Agnès,
principes élevés exprimés avec la faconde du député et la
dont le crur saigne et dont les yeux s’étonnent, s’est retirée
solennité verbeuse du docenz. D a des attitudes et des gestes
inapereue, pleurant doncement.
Ia od il fandrait une émotion ou une volonté; il est, dans une
Acte second. Huit jours après le drame. Le décor est le
situation pathétique, comique sans le vouloir et sans méme
meme, les personnages sont les mèmes. Le mort si tendre¬
ment, si ardemment aimé est la, encore, par son fils, par
s’en douter.
Penfant faiblot et päle, qui met un sourire dans cette douleur,
Auprès de lui, vivent sa femme Betty, bonne bourgeoise
un peu effacée dans l’ombre que projette le phare luminenx
qui erée un lien naturel et puissant entre ces délaissés, hos¬
du génie marital, cchur excellent mais faible, un pen étréci
tiles comme le sont la nature libre et la regle sociale, qu'a
réunis la volonté du mourant. La famille régulière a accepté
par la vie, et ses enfants. Le joyan de la famille c’est Hugo,
le legs que lui a fait Hugo de sa famille naturelle.
vingt-six ans, docteur en droit, beau garçon, intelligent, cava¬
lier et chasseur, un charmeur que tout le monde aime à pre¬
La pauvre Toni Weber est une femme simple et-bonne,
mière vue et d’élan, les femmes surtout. Ha une scur Fran¬
ouverte, conliante, qui, par un besoin instinctif de protection
et d’appui, se rattache passionnément à la famille de celui
ziska, bonne et dévouée, généreuse, on le verra, qui so
qu'elle a aimé eperdument, du père de son enfant. Elle
trouve quasiment flancée, sans enthousiasme comme sans
raconte nvec une simplicité nalve et pleine d’abandon son
répugnance, avec un médecin, le Dr Ferdinand Schmidt,
histoire et son amour à Emma, qui fut la conlidente de Hugo
un arriviste parti de bas, ambitieug et travailleur, téte claire,
etqui a reporté sur elle l’affection tres profonde qu’elle avait
cfeur secet dur qui a pris une iniluence prépondérante sur
Pesprit du professeur Losatti. Un frère cadet qu’on appelle
pour son neven. La petite Agnès aime Toni à cause de T’en¬
fant qui lui rappelle Hugo. Betty et Franziska s’attachent à
Loulon est une figure amusante et bien saisie du petit collé¬
la pauvre femme, s’efforcent d’étre affectueuses pour elle, le
gien viennois, gavroche lettré à demi naif, à demi déniaisé,
sont en effet, avec un pen de jalousie rétrospective néanmoins
dont les propos irréfléchis viennent jeter parfois une note un
pour tout cet amour, toutes ces heures, toute cette part de
pen gaie dans la trame sombre de ce drame bourgeois. La
son intimité et de sa vie que le mort trop aimé leur a dérobée
famille Losatti est en rapports constants et amicaux avecla
veuve d’un frère de Mue Betty, Emma, femme d’un esprit
pour la donner à cette femme.
Quant au professeur Adolphe Losatti, il est heureux du
emancipe et d’un ebur superieur anx préjugés de son milieu,
role de père magnanime qu’il joue, il fait des phrases sur
Téducation de son petit-fils, il lui achète une trompette et
Arthur Schnitzler, Das Vermächtniss. Schauspiel.— Berlin, S. Fischer,
édilie une théorie pédagogique sur le röle des jouets, II se
1899.