Liebelei
box 13/8
6. 1
EN PASSANT EN AUTRICHE
468
l'affaire intéresse l’Europe entière. S’emparer de l'Au¬
triche, c’est, pour I’Hitlérisine, non pas introduire dans la
politique autrichienne des principes neufs, c’est assurer
Thégémonie de l’Auemagne en Mittel-Europa.
Si l’Allemagne ne cherchait pas à additionner brutale¬
ment les six millions d’Autrichiens à ses soixante-cinq
millions d’habitants, que se passerait-il? A cause de la
commmnauté de langue et des affinités de plusieurs
sortes qui unissent les Autrichiens aux Allemands, I'Au¬
triche serait forcée de se mouvoir strictement dans l’or¬
bite allemande, (un peu comnne la Belgique se tient dans
la zone de l’influce française), et le parallélisme poli¬
tique germano-autrichien, que les nazi ou naziphiles
de Vienne se bornent aujourd'hui à réclamer, serait
obtenu depuis deur ans. La ligne qu'aurait suivie I'Au¬
triche, demeurée indépendante mais docile comme un
satellite, aurait obéi davantage au cours naturel des
choses que la ligne qu'elle a été contrainte de suivre,
et qui passe par Rome (l’ennemic héréditaire pour cer¬
tains Autrichiens), Paris et Londres.
La mystique hitlérienne a faussé les rapports des
choses, et, semble-t-i, à son désavantage. A cause d’un
mot, l’Auschluss, à cause d'une ombre, I’Allemagne a perdu
la proié, tandis que' si elle avait renoncé aux satisfac¬
tions purement nominales de cet Auschluss, elle aurait en
T’avantage d’un Auschluss de fait, mais respectant les
adres établis.
Un bon témoin du drame austro-allemand résumait un
jour ainsi devant moi sa pensée & L'Auschluss, c’est bien
simple à comprendre: il y a une petite chaise de bal,
TAutriche, et il y a une grosse dame qui vent s'asseoir
dessus, I’Allemagne. Si i’Allemagne s’était contentée de
placer la chaise dans son salon sans s'y asseoir, nul n’aurait
trouvé à y redire, tandis que, maintenant, la chaise,
aprés les accords de Rome et de Londres, se trouve rangée
dans le salon d’en face
469
EN PASSANT EN AUTRICHE
Quel avenir se prépare pour l’Autriche? Le Dollfussisme,
privé de son animateur, privé aussi de son premier
ennemi la social-democratie, ne peut vivre et combattre
la mystique hitlérienne qu'avec l’élan d’un autre mys¬
tique. L’idée corporative, fondement de la nouvelle
constitution, ne peut enthousiasmer la foule.. Le seul
foyer que peuvent ranimer les continuateurs de Dollfuss,
c’est le sentiment monarchiste, encore si puissant sur les
cceurs. Le président Miklas arrive en octobre au terme
de son mandat. Qui lui succédera? Larchiduc Eugène,
qui porte le nom der Habsbourg sans étre leur héritier
direct et dont la nomination ne saurait alarmer la
Petite-Entente comme le ferait celle de T’archiduc Otto,
est poussé à recueillir cette succession bien qu'il dit plus
de soixante-dix ans. L’acceptera-t-il? Ou bien le chef des
Heimwehren, le prince Starhemberg, deviendra-t-il une
sorte de Horthy autrichien? II est temps, en tout cas,
pour les grandes puissances d’avoir un peu d’imagination
ct de comprendre que la république autrichienne est
morte. On se ménagerait de cruelles surprises en croyant
qu'on peut indéfiniment interdire à l’Autriche à la fol
l’Auschluss et la restauration. La constitution de I
donnée au peuple 4 au nom de Dieu le tout-puissant
source dé tout droit ## ne parle encore que d’un e Etat¬
fédéral, chrétien et allemand s, mais il est manifeste que
cet Etat guette désormais l’occasion de trouver un roi
ou, à tout le moins, un régent. Un Dien, un roi, une lot:
Ainsi les Autrichiens conçoivent-ils la forme nouvelle de
leur patrie et ils nous déclarent: d Laissez-nous poser
la pierre du milieu, le pont n’en sera que plus solide. :
ROBERT DE SAINT JEAN.
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l'affaire intéresse l’Europe entière. S’emparer de l'Au¬
triche, c’est, pour I’Hitlérisine, non pas introduire dans la
politique autrichienne des principes neufs, c’est assurer
Thégémonie de l’Auemagne en Mittel-Europa.
Si l’Allemagne ne cherchait pas à additionner brutale¬
ment les six millions d’Autrichiens à ses soixante-cinq
millions d’habitants, que se passerait-il? A cause de la
commmnauté de langue et des affinités de plusieurs
sortes qui unissent les Autrichiens aux Allemands, I'Au¬
triche serait forcée de se mouvoir strictement dans l’or¬
bite allemande, (un peu comnne la Belgique se tient dans
la zone de l’influce française), et le parallélisme poli¬
tique germano-autrichien, que les nazi ou naziphiles
de Vienne se bornent aujourd'hui à réclamer, serait
obtenu depuis deur ans. La ligne qu'aurait suivie I'Au¬
triche, demeurée indépendante mais docile comme un
satellite, aurait obéi davantage au cours naturel des
choses que la ligne qu'elle a été contrainte de suivre,
et qui passe par Rome (l’ennemic héréditaire pour cer¬
tains Autrichiens), Paris et Londres.
La mystique hitlérienne a faussé les rapports des
choses, et, semble-t-i, à son désavantage. A cause d’un
mot, l’Auschluss, à cause d'une ombre, I’Allemagne a perdu
la proié, tandis que' si elle avait renoncé aux satisfac¬
tions purement nominales de cet Auschluss, elle aurait en
T’avantage d’un Auschluss de fait, mais respectant les
adres établis.
Un bon témoin du drame austro-allemand résumait un
jour ainsi devant moi sa pensée & L'Auschluss, c’est bien
simple à comprendre: il y a une petite chaise de bal,
TAutriche, et il y a une grosse dame qui vent s'asseoir
dessus, I’Allemagne. Si i’Allemagne s’était contentée de
placer la chaise dans son salon sans s'y asseoir, nul n’aurait
trouvé à y redire, tandis que, maintenant, la chaise,
aprés les accords de Rome et de Londres, se trouve rangée
dans le salon d’en face
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Quel avenir se prépare pour l’Autriche? Le Dollfussisme,
privé de son animateur, privé aussi de son premier
ennemi la social-democratie, ne peut vivre et combattre
la mystique hitlérienne qu'avec l’élan d’un autre mys¬
tique. L’idée corporative, fondement de la nouvelle
constitution, ne peut enthousiasmer la foule.. Le seul
foyer que peuvent ranimer les continuateurs de Dollfuss,
c’est le sentiment monarchiste, encore si puissant sur les
cceurs. Le président Miklas arrive en octobre au terme
de son mandat. Qui lui succédera? Larchiduc Eugène,
qui porte le nom der Habsbourg sans étre leur héritier
direct et dont la nomination ne saurait alarmer la
Petite-Entente comme le ferait celle de T’archiduc Otto,
est poussé à recueillir cette succession bien qu'il dit plus
de soixante-dix ans. L’acceptera-t-il? Ou bien le chef des
Heimwehren, le prince Starhemberg, deviendra-t-il une
sorte de Horthy autrichien? II est temps, en tout cas,
pour les grandes puissances d’avoir un peu d’imagination
ct de comprendre que la république autrichienne est
morte. On se ménagerait de cruelles surprises en croyant
qu'on peut indéfiniment interdire à l’Autriche à la fol
l’Auschluss et la restauration. La constitution de I
donnée au peuple 4 au nom de Dieu le tout-puissant
source dé tout droit ## ne parle encore que d’un e Etat¬
fédéral, chrétien et allemand s, mais il est manifeste que
cet Etat guette désormais l’occasion de trouver un roi
ou, à tout le moins, un régent. Un Dien, un roi, une lot:
Ainsi les Autrichiens conçoivent-ils la forme nouvelle de
leur patrie et ils nous déclarent: d Laissez-nous poser
la pierre du milieu, le pont n’en sera que plus solide. :
ROBERT DE SAINT JEAN.