VI, Allgemeine Besprechungen 1, 5, Gabriel Marcel, Seite 2


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1. Panphlets offorints
GABRIEL MARCEL
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raient point. Le scepticisme n’est bien souvent qu'une altilude
dont le sceptique lui-méme est la dupe; il est une victoire plus
rarement qu'on ne croit, et l’on doit sans doute n’y voir en géné¬
ral que le vagabondage voluptueux d’une pensée trop läche
pour alièner sa liberté en se fixant — tel un vieux céliba¬
taire redoutant de perdre par le mariage une indépendance qui
n’est au fond que manie. Mais le charme de l’euvre d’Arthur
Schnitzler, c’est que nulle part cette atlitude ne se fige en doc¬
trine, ne se pétrifie en un dogmalisme contradictoire, en un dog¬
matisme de l’incertitude. Les vies qu'il silhouelle et dont il pro¬
file devant nous le geste essentiel baignent bien dans une
almosphère de hasard et de réve; le tragique schnitzlérien, nous
le verrons, réside avant tout dans le choc de destinées étran¬
gères qui se heurtent parce qu'elles s’ignorent et qui tätonnent
parmi les mystères du réel: ici comme chez Maeterlinck l’äme
est une enfant craintive ei rebelle qui s’étonne ei pressent. Mais
dans tout cela nulle métaphysique, — nulle négation: rien que
la vision multiple et subtile, que l’incertain paysage d’une sen¬
sibilité pour qui l'inquiélude méine devient une volupté. Et ceci
permet d’entrevoir dès à présent, en méme temps que le charme
morbide de cette cuvre qui s’insinue en nous comme un regard
anxieux, sa faiblesse secrête: le poéte qui s’enchante Jui-mème
de ses tristesses et de ses doutes ne saurait guère atteindre
lres profondément; si l’appréhension perpétuelle de la mort et
Tinquiétude du destin lui apparaissent comme les conditions
d’une vie intérieure intense ou nnancée, si le cceur S’y aban¬
donne avec un plaisir secret, ou par crainte que l’inconscience
ou la sécurité n'amoindrissent ou ne banalisent I’harmonie com¬
plexe et riche dont il s’enorgueillit — le drame risque fort de
dégénèrer en une comédie sans grandeur. La, comme ailleurs,
l'écueil est l’insincérité: et le tragique essentiel, celui de la
pensée luttant corps à corps avec la vie et quélant avidement
une réponse au fond de ses yeux ambigus, ce tragique des
grandes existences et des grandes luttes, presque toujours on le¬
cherchera vainement dans le théätre de Schnitzler.
Sommes-nous donc en présence d’une fantaisie qui réglerait
jusqu'à ses vagabondages et doserait habilement l’arbitraire
méme de ses inventions? Le hasard n’est-il ici qu'un instrument
ingénieusement manie par une pensée eprise de complexe et
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