2. Cuttings
box 37/1
LA REVUE DES HEVUES
10
je le merite. Personne ne doute de mol, mais tous sont embarrasses
de cette question: Que fant-il done lire de lui?... , Revenn d’apen
pres tous ses avatars, Bahr retourne au pays natal et s’y fixe. Avec
son tempérament d’Autrichien au sang chand, il découvre Vienne.
Dorénavant toute sa production aura un goüt de terroir: Dora, Coph,
ses nouvelles. A cole de Tamour (1), son dernier roman, toutce quil
ecrit respirera T’atmosphère de la patrie. S’il grimpe encore à la suile
de M. Barrès comme jadis il avait fait à la suite de lant dautres, cest
queil eroit voir en lui, pour la jeunesse de son pays, un educateur
d’énergies futures.
Transporté dans un milieu qui lui était cher, M. Bahr. Tenfant
prodigue revenu an foyer, semblait mienx qu'un autre apte à recon¬
naitre la valeur de cette jeune Antriche dont maintenant il devient
un des chefs. Dans un des meilleurs chapitres de son dernier volume
de eritique (2). i essaya danalyser les différents côtes de ce monve¬
ment encore en formation. Son jugement frappe sonvent à fanx: par
exemple dans ce qulil dit d’Arthur Schnitzler, qui est bien plus que
lee virlnose d’une petite note s qu'il veut en Taire. Nais son auto¬
eritique à lui est, en quelques pages, un chef-d’euvre de finesse ei de
clairvoyance: * On ne voil pas T’essenliel On est trompe par des
poses que Faime a me donner pour etonner les bonnes gens... peut¬
etre aussi sonvent par réclame. on oublie que sur un point. je suis
différent des antres... Une seule note ne m’attire point, mais leur
foule monvante qui petille et scinlille quand elles se poussent eise
heurtent; je ne veux en approfondir aucune, mais je vondrais saisir
loute la surface de notre large époque, Tivresse de toutes les émo¬
tions des nerfs et des sens. Cela est une destinée. C’est pourquoi je
n’aurai jamais une suite dadmirateurs dévonés;on n'admire en deli¬
nitive, chez les autres, que soi mème, que ce qu'on a de commun
avec eux; mais en mol chacnn retronve plus que soi-méme et il reste
toujours un residn étranger qui interdit le dernier rapprochement.
Pourtant je puis me consoler, puisque c’est toujours une belle pen¬
sée, et qu’il est flatteur pour moi que, entre le Volga et la Loire, de
la Tamise au Guadalquivir, rien n'a été senti aujourd'hui que je ne
puisse comprendre, parlager et définir et que l’äme européenne n'a
pas de secret pour moi. „
#Ileur arrive sonvent, précisement la on ils sont Viennois, de
donner tont à fait Timpression des originanx parisiens v, dit ailieurs
M. Hermann Bahr. Arthur Schnitzler a écrit un volume de contes
dialogues qui pourrait tres bien éire une rénnion darlicles de la ##/.
parisienne. Son doux viveur Annfole (3), encore jeune et fringant,
ressemble parfaitement au jeune oisif rencontré tont à lheure. Mais
en Fregardant de plus pres, en analysant les caractères qu'avec une
sürete de main etonnante il sait poser en quelques traits, on remar¬
(1) Les trois volumes chez S. Fischer, éditeur à Berlin.
(2) Studien zur Kritik der Moderne. Francfort, Litterarische Anstalt, 1891.)
(3) Arthur Schnitzler. Anatol. (Berlin, Bibliogr. Bureau, 1893.)
box 37/1
LA REVUE DES HEVUES
10
je le merite. Personne ne doute de mol, mais tous sont embarrasses
de cette question: Que fant-il done lire de lui?... , Revenn d’apen
pres tous ses avatars, Bahr retourne au pays natal et s’y fixe. Avec
son tempérament d’Autrichien au sang chand, il découvre Vienne.
Dorénavant toute sa production aura un goüt de terroir: Dora, Coph,
ses nouvelles. A cole de Tamour (1), son dernier roman, toutce quil
ecrit respirera T’atmosphère de la patrie. S’il grimpe encore à la suile
de M. Barrès comme jadis il avait fait à la suite de lant dautres, cest
queil eroit voir en lui, pour la jeunesse de son pays, un educateur
d’énergies futures.
Transporté dans un milieu qui lui était cher, M. Bahr. Tenfant
prodigue revenu an foyer, semblait mienx qu'un autre apte à recon¬
naitre la valeur de cette jeune Antriche dont maintenant il devient
un des chefs. Dans un des meilleurs chapitres de son dernier volume
de eritique (2). i essaya danalyser les différents côtes de ce monve¬
ment encore en formation. Son jugement frappe sonvent à fanx: par
exemple dans ce qulil dit d’Arthur Schnitzler, qui est bien plus que
lee virlnose d’une petite note s qu'il veut en Taire. Nais son auto¬
eritique à lui est, en quelques pages, un chef-d’euvre de finesse ei de
clairvoyance: * On ne voil pas T’essenliel On est trompe par des
poses que Faime a me donner pour etonner les bonnes gens... peut¬
etre aussi sonvent par réclame. on oublie que sur un point. je suis
différent des antres... Une seule note ne m’attire point, mais leur
foule monvante qui petille et scinlille quand elles se poussent eise
heurtent; je ne veux en approfondir aucune, mais je vondrais saisir
loute la surface de notre large époque, Tivresse de toutes les émo¬
tions des nerfs et des sens. Cela est une destinée. C’est pourquoi je
n’aurai jamais une suite dadmirateurs dévonés;on n'admire en deli¬
nitive, chez les autres, que soi mème, que ce qu'on a de commun
avec eux; mais en mol chacnn retronve plus que soi-méme et il reste
toujours un residn étranger qui interdit le dernier rapprochement.
Pourtant je puis me consoler, puisque c’est toujours une belle pen¬
sée, et qu’il est flatteur pour moi que, entre le Volga et la Loire, de
la Tamise au Guadalquivir, rien n'a été senti aujourd'hui que je ne
puisse comprendre, parlager et définir et que l’äme européenne n'a
pas de secret pour moi. „
#Ileur arrive sonvent, précisement la on ils sont Viennois, de
donner tont à fait Timpression des originanx parisiens v, dit ailieurs
M. Hermann Bahr. Arthur Schnitzler a écrit un volume de contes
dialogues qui pourrait tres bien éire une rénnion darlicles de la ##/.
parisienne. Son doux viveur Annfole (3), encore jeune et fringant,
ressemble parfaitement au jeune oisif rencontré tont à lheure. Mais
en Fregardant de plus pres, en analysant les caractères qu'avec une
sürete de main etonnante il sait poser en quelques traits, on remar¬
(1) Les trois volumes chez S. Fischer, éditeur à Berlin.
(2) Studien zur Kritik der Moderne. Francfort, Litterarische Anstalt, 1891.)
(3) Arthur Schnitzler. Anatol. (Berlin, Bibliogr. Bureau, 1893.)