2. Cuttings
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LES JELNES VIENNOIS
quera que ces allures boulevardières sont toutes extérieures et que
ces giegert viennois sont tout autres que les héros de M. Lavedan on
de M. Maurice Donnay. Ils sont du méme monde, mais des earacheres
de race les separent. Le Viennois jouit autrement que le Parisien; il
sait méme encore jouir; il ason grand fond de nafveté bonne et d’in¬
destrucliblesentimentalite, quile rend encore capable d’emballements,
en sorte que, s’il soupe dans un restaurant de nuit, ses amours sont
presque idylliques. S’il a l'allure dégontée, ce n’est que par élégance,
parce qutil est artiste jusqu'au bout des ongles. Et puis, il est abso¬
lument dépourvu de cynisme.
Un autre jeune homme, M. Richard Beer-Hofmann, a publié un
mince volume, (1) contenant deux nouvelles, denx petits chefs¬
deuvre. II saurail faire bien davantage, il possede son art à fond, en
virtuose et il sait s’en servir, comme si c’était jeu d’enfant, mais soit
par goüt, soit par indolence, il préfère passer son temps à analyser
les nuances de ses neuds de cravates, qu'ä faire de la littérature.
Dans la première de ces nouvelles, I’Enfanl, son héros — un de ces
hèros comme je viens de les déerire — est en train de S’arracher
d’une liaison ancienne avec une fille du peuple dont il est-las. Un
enfant le lie à sa maitresse. Cet enfant meurt et il est libre. Mais
alors une tendresse sans bornes le prend pour ce petit eire qu'il n'a
jamais vu, qui est mort faute de soins chez une nourrice à la cam¬
pagne. II vondrait pouvoir le reprendre, cherche ses parents adoplifs
et sa lombe, et celte torture de conscience ne s’en va que par la
perspective d’une vie nouvelle — la méme, avec peut-etre des jouis¬
sances antres — qui maintenant s’étend devant lui dans toute sa
splendeur.,, En viveur, déjà presque un vieux beau, dans T’autre
nouvelle, Camélias, se demande au retour d’un bal s’il enverra
demain des camélias à sa maitresse, une vieille liaison d’habitude,
ou bien des violettes de Parme à la jeune fille qui lui a tant plu ce
soir et qu’il epousera des qu’il le voudra. Hélas! les camélias
triomphent
Des problémes de ccur, des problèmes de sensibilité, voilà ce qui
interesse les jeunes Viennois et avec la finesse de leurs nerfs exacerbes,
ils perçoivent toutes les nuances de ces problèmes. Dans leur bei
egoisme, le sort de leurs semblable les inquiète peu et ce ne sont
pas eux qui s’en iraient faire de la propagande ouvrière. Arthur
Schnitzler, dans 7u Legende, un drame que j'ai analysé ailleurs,
montre Timpossibilité qu’il y a à aimer une jeune fille dont on n’est
pas le premier amour. Vraiment, ils manquent de cynisme, les
habitues du café Grienscheidl! Mouriv (2) la dernière nouvelle
de T’auteur d’Anatole, le fait passer sur un terrain plus large. Un
jeune poitrinaire, condamné à mort à bref délai, ne sait pas se séparer
de la vie et vondrait emmener avec lui Tamante qui lui prodigue
ses soins. M. Schnitzler est médecin. Sans détails répugnants, it asu
(1) R. Beer-Hofmann. Norelien. (Berlin, Freund et Jeckel, 1893.)
(2) Arthur Schnitzler, Sterben. Novelle. (Berlin, S. Fischer, 1895.)
S
I
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S
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quera que ces allures boulevardières sont toutes extérieures et que
ces giegert viennois sont tout autres que les héros de M. Lavedan on
de M. Maurice Donnay. Ils sont du méme monde, mais des earacheres
de race les separent. Le Viennois jouit autrement que le Parisien; il
sait méme encore jouir; il ason grand fond de nafveté bonne et d’in¬
destrucliblesentimentalite, quile rend encore capable d’emballements,
en sorte que, s’il soupe dans un restaurant de nuit, ses amours sont
presque idylliques. S’il a l'allure dégontée, ce n’est que par élégance,
parce qutil est artiste jusqu'au bout des ongles. Et puis, il est abso¬
lument dépourvu de cynisme.
Un autre jeune homme, M. Richard Beer-Hofmann, a publié un
mince volume, (1) contenant deux nouvelles, denx petits chefs¬
deuvre. II saurail faire bien davantage, il possede son art à fond, en
virtuose et il sait s’en servir, comme si c’était jeu d’enfant, mais soit
par goüt, soit par indolence, il préfère passer son temps à analyser
les nuances de ses neuds de cravates, qu'ä faire de la littérature.
Dans la première de ces nouvelles, I’Enfanl, son héros — un de ces
hèros comme je viens de les déerire — est en train de S’arracher
d’une liaison ancienne avec une fille du peuple dont il est-las. Un
enfant le lie à sa maitresse. Cet enfant meurt et il est libre. Mais
alors une tendresse sans bornes le prend pour ce petit eire qu'il n'a
jamais vu, qui est mort faute de soins chez une nourrice à la cam¬
pagne. II vondrait pouvoir le reprendre, cherche ses parents adoplifs
et sa lombe, et celte torture de conscience ne s’en va que par la
perspective d’une vie nouvelle — la méme, avec peut-etre des jouis¬
sances antres — qui maintenant s’étend devant lui dans toute sa
splendeur.,, En viveur, déjà presque un vieux beau, dans T’autre
nouvelle, Camélias, se demande au retour d’un bal s’il enverra
demain des camélias à sa maitresse, une vieille liaison d’habitude,
ou bien des violettes de Parme à la jeune fille qui lui a tant plu ce
soir et qu’il epousera des qu’il le voudra. Hélas! les camélias
triomphent
Des problémes de ccur, des problèmes de sensibilité, voilà ce qui
interesse les jeunes Viennois et avec la finesse de leurs nerfs exacerbes,
ils perçoivent toutes les nuances de ces problèmes. Dans leur bei
egoisme, le sort de leurs semblable les inquiète peu et ce ne sont
pas eux qui s’en iraient faire de la propagande ouvrière. Arthur
Schnitzler, dans 7u Legende, un drame que j'ai analysé ailleurs,
montre Timpossibilité qu’il y a à aimer une jeune fille dont on n’est
pas le premier amour. Vraiment, ils manquent de cynisme, les
habitues du café Grienscheidl! Mouriv (2) la dernière nouvelle
de T’auteur d’Anatole, le fait passer sur un terrain plus large. Un
jeune poitrinaire, condamné à mort à bref délai, ne sait pas se séparer
de la vie et vondrait emmener avec lui Tamante qui lui prodigue
ses soins. M. Schnitzler est médecin. Sans détails répugnants, it asu
(1) R. Beer-Hofmann. Norelien. (Berlin, Freund et Jeckel, 1893.)
(2) Arthur Schnitzler, Sterben. Novelle. (Berlin, S. Fischer, 1895.)
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