I, Erzählende Schriften 35, Therese. Chronik eines Frauenlebens, Seite 48

Therese
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box 6/2
# Pie elenteatirt an i.gc
mancuvres, tout son üire sccrie: & Enlin! 2
Pour une saison.
II lui faut la grande ville. Elle rove
des rues animèes ou les hommes la regar¬
deront et lui parleront. La voila partie
pour Vienne, vers l’ingrate carriere de gou¬
vernante d’enfants. Et des lors se dessine
autour d’elle la série des intérieurs ou elle
passe. On dirait d’un de ces tableaux pri¬
mitifs: un personnage au centre, et tout
alentour, en petit, des scènes ou il se trouve
melé. Avec un art ci nsommé, tel un nou¬
veau Diable Boiteux, Schnitzler ouvre des
volets, souléve des toits, et montre dans leur
secréte réalité ces maisons de la bourgeoi¬
sie viennoise.
Les proklemes de la Tamille l’intéressent
particulierement; il nen resout point, ici,
il les pose. Mauvais ménages, ménages pas¬
sables — sans doute croit-il qu'il n'en est
point d’excellents — habitudes larges on
mesqquines, vies plates ou saccadées, indivi¬
dus tares ou braves gens, enfants choyés ou
négliges, gätés ou brimés; la gouvernante
les voit tous, et juge, et passe.
Plus que toui autre, le cccur de Thérese
est cettc g eau qui remne et ne garde ancun
pli s. Rien de stable en elle. rien de continu.
Ce ne sont pas seulement ke parents et les
eleves qui se succèdent dans sa jeune vie,
ce sont les amoureux aussi.
Un certain Casimir, quelle; rencontre
parmi l’eté populeux, poudreux et enso¬
leillé d’un parc viennois. Dégingandé, vul¬
gaire. Arliste“ Mais oui, peintre, musicien,
lout ce qu'on vondra. Impécunieux à sou¬
hait. Elle hésite: K'apparaitra-t-il poi¬
dautre silhouette? Mais il est hardi, beau
parleur, et sa moustache sent le reséd#. II a
tôt fait d’entrainer ls. jeune fille vers des
ateliers pretés par des camarades ou vers
de sordides chambres dhötei que partois
elle doit payer. II ment comme il respire,
il rit de tout, elie ne sait r me pas ou il
habite. Elle n ose lui avouer quselle ernint
de sentir un ccceur battre & sous son cceur 9,
comme dit l’expressior allemande. Et quand
Thèrese est dans l’angoisse de sa maternité
proche, que de peureuses tentatives n'ont
pas réussi à écarter, elle a des longtemps
perdu les traces de Casimir.
Durant la nuit on seule, chez une logeuse,
elle met au monde un fils, comme elle de¬
sire que cet enfant meure! Si ses mains
lasses tirent sur lui les couvertures et les
coussins, peut-être mourra-t-il? lI vit, il
pousse dru chez des paysans, il vient pren¬
dre place à cöté de Thérese, dans le tableau
central. La figure d’une femme est-elle
complete sans un enfant? A peine indiqué
d’abord, celui-ci grandit pour devenir ie
parasite et le bourreau.
Thérese a repris le ryihme heurté de sa
vie, tour à tour violent et ralenti, aussi bien
dans la sensualité que dans les affections
ou dans ie developpement intellectuel qui
du reste semble s’élargir u mesure que se
ralentit l’ardeur amoureuse. Pour son fils
elle connait des passions de tendresse, puis
de longucs indifferences. Son esprit dort,
puis se réveille, elle veut etudier la musi¬
que, les langues, Dans les families ou elle
vit, si l’on tient à la gouvernante, c’est elle
qui se lasse. Ou’elle éprouve pour cer¬
tains de ses éléves une vive affection et
semble les aimer plus que son propre
enfant, elle les quitte, elle ne les regrette
pas longtemps. Et les amants. Des rencon¬
tres banales, des décors sans beauté. Les
hommes sont égoistes, insouciants. Thérese
ne s'attache guere. Meme pour ce flancé de
1 adelesteliet,, retrouse avce benheur, eile
Il était abja marié et pere de Tamille. Dans
la boue, la nun, la pluie freide, iherese
s’en vaen riant convulsivement, sen va vers
son destin qui est dese Ctranglée par son
chenapan de fils, lequel en veut à son pau¬
vre argent.
Arant de mourir, elle répete à l’ari de
ses scize ans qui est à son chevet: * Dis¬
leur.,, aux juges.,, dis-leur.,, Tu es méde¬
ein.,, psychiätre, ils te croiront.,, dis-leur
que ce n’est pas sa fante, à cei enfant., il
n'a fait que me rendre ce que je lui ai
fait. 2
Les juges ne vemient point entendre.
Le cachot engloutira le parricide.
Lugubre fin d’une histoire lamentable
dont les multiples facettes ont toutes un
eclat triste.
Meme quand le soleil ponciuc d’or, dans
le verger, la madone qui sourit parmi les
guirlandes, sous un Erable, ou quand il
eclaire une guinguette bruyante, aux envi¬
rons de Vienne, mème quand la brasserie
ou le music-hall font briller tous leurs feux,
le lecteur sait bien que c’est là une illu¬
sion: il nieviste ni solcil, ni lumiere, rien
que l’obscurité et la pluie. Les hommes
attristent la terre ct le ciel. Purmi tant
d’étre entrevus, à peine si deux ou trois ont
une clarte reposante. Sur ceux mème dont
Tabord parait net et lumineux, on découvre
Ges ombres inquiétantes.
Et tous sont cmportés, roulés, déformés
par la plus üpre fatalité, sans secours contre.
les forces enterieures ou intérieures qui les
assaillet.
Poortant Schnitzler prétend n’etre plus
deterministe.
Comment cette pauvre Thérese, faite
pour etre altachée solidement à quelqu'un
ou à quelque chose, ne serait-elle pas jetée
à la côte par de tels remons? Sa famille,
si elle nc Stait desagrégée, lui aurait pu
sehir danere. Elle ignore la religion. Elle
a des acces de religiosité qui lui font fre¬
quenter parfois les eglises, mais sculemen
pour leur ombre douce et leur harmonieux
silence. Elie eüt été unc épouse suffisante,
peut-etre, pour un mari exceptionnel, qui
l’eut surveillée d’assez pres, car des qu'un
monsieur lui prend la taille dans l’escalier
elle ne peut rien lui refuser. Et comment
le fils de Tnèrese — dans scs veines les
viccs i'un pere de hasard et la faiblesse
d'une möre qui n'imagine poimt qulon
puisse dire & non # # son instinct ou a# son
désir — ne deviendrait-il pas ce triste déchet
humain?
On a dit d’Archur Schnitzler, de drama¬
turge comme du romancier, qu’il était le
umeau psychique de Freud, ce qui ne lui
déplait pas. II recherche le phénomène hu¬
main. Mais dans ses travaux de depegage
psychique, il proccde par observation et par
calcul non point par intuition, et l’intuition
serait souvent nécessaire.

Schnitzler, penché zu-dessus de la couche
d’humanité grouillante qu'il observe, ressem¬
bie fort à un entomologiste devant une four¬
miliere. Au bout d’une pince it vous pre¬
sente un insecte qulil tient par une patte;
vous le montre au microscope; les anten¬
#s, les yeux, les anneaux de l'abdomen
veis avez bien tout vu? — et le jen
des organes intérieurs.
Mais en étudiant les actions et les reac¬
tions d’un groupe de bestioles, il n'arrive
pas à croite, mème s’il le désire, ni à vous
faire croire, qu’eiles pourraient agir autre¬
ment que ne le veut le tout-puissant instinct
ou que pourrait exister un reméde à leurs,
manx, une fin à leur agitation.
Cest pourquor on fait en lisant & The.
rese 5, et tout en rencontrant tant de ma¬