Therese
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REYUE DES DEUX MONDES.
qut recommence, le voyage circulaire, la revue des dessous de
la société bourgeoise. Ca et là elle rencontre quelque bonne
äme, qui na pas de peine à découvrir son secret; l’une d’elles
pousse mème l’absence de préjugés jusqu'à inviter la jeune
femme à lui amener le petit Franz. Elle-mème a cessé depuis
longtemps de rougir: elle en a vu assez pour savoir que son
cas est un accident commun, et qu'il n’y a pas à en vouloir
à une pauvre fille plantée là par son amoureux. Plus d’une
fait bien pis qui ne s’en porte pas plus mal. Du reste, à qui
fait-elle du tort? Elle ne doit de comptes à personne. Et peu
à peu, elie en arrive, par une curieuse dissociation, à faire de
sa vie deux ou trois parts: ily a.d’abord le métier, la probité
professionnelle, et puis la vie intime, qui se passe sur un autre
plan, et qui est elle-mème double ou triple, à diverses profon¬
deurs et de natures diverses, l’intérêt maternel et la vie de
plaisirs.
Je renonce à résumer, à poursuivre en détail un fourmille¬
ment d’épisodes qui ne serait jamais fini. Ahl nous en appre¬
nons de beiles: à qui conlions-nous nos enfants? Cette Thérèse
correcte, ponctuelle, régulière, est sujette à d’étranges fal¬
blesses: toujours passive ou, pour mienx dire, inégale, succes¬
sive, une personne qui n’est jamais longtemps la méme. C’est
une psychologie fluide, une psychologie de la mobilité.
M. Schnitzler a fait sa médecine, et l’on voit qu'il lui en sou¬
vient. Mème la physiologie de Thérèse est quelque chose de
fugitif: elle ne se ressemble pas d’un jour à l’autre. Aquel¬
ques pages de distance, elle est tour à tour vieille et lasse, puis
soudain rajeunie; elle a des phases, des humeurs, des Junes. Sa
beauté mème est capricieuse. Dans certaines périodes de sa vie,
sa nature parait en sommeil; à d’autres moments, c’est une
autre femme, elle-mème ne se reconnait plus.
Aquoi bon rapporter cette suite d’aventures, ces liaisons
ou parfois la jeune femme tente de mettre un peu de raison
pour retomber bientôt à des abandons de hasard, aux béguins,
aux passades? Au milieu de cette dissipation, elle s’étonne et se
reproche de ne pas faire assez pour son fils. C’est la grande
misère: mère, elle l’est quand elle peut, paraccès, par moments,
pourquelques jours ou quelquessemaines. Elle s’effraie quelque¬
fois de son aridité. C’est que le sentiment maternel n’est pas
plus que les autres une faculte invariable; il lui faut une cer¬
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REYUE DES DEUX MONDES.
qut recommence, le voyage circulaire, la revue des dessous de
la société bourgeoise. Ca et là elle rencontre quelque bonne
äme, qui na pas de peine à découvrir son secret; l’une d’elles
pousse mème l’absence de préjugés jusqu'à inviter la jeune
femme à lui amener le petit Franz. Elle-mème a cessé depuis
longtemps de rougir: elle en a vu assez pour savoir que son
cas est un accident commun, et qu'il n’y a pas à en vouloir
à une pauvre fille plantée là par son amoureux. Plus d’une
fait bien pis qui ne s’en porte pas plus mal. Du reste, à qui
fait-elle du tort? Elle ne doit de comptes à personne. Et peu
à peu, elie en arrive, par une curieuse dissociation, à faire de
sa vie deux ou trois parts: ily a.d’abord le métier, la probité
professionnelle, et puis la vie intime, qui se passe sur un autre
plan, et qui est elle-mème double ou triple, à diverses profon¬
deurs et de natures diverses, l’intérêt maternel et la vie de
plaisirs.
Je renonce à résumer, à poursuivre en détail un fourmille¬
ment d’épisodes qui ne serait jamais fini. Ahl nous en appre¬
nons de beiles: à qui conlions-nous nos enfants? Cette Thérèse
correcte, ponctuelle, régulière, est sujette à d’étranges fal¬
blesses: toujours passive ou, pour mienx dire, inégale, succes¬
sive, une personne qui n’est jamais longtemps la méme. C’est
une psychologie fluide, une psychologie de la mobilité.
M. Schnitzler a fait sa médecine, et l’on voit qu'il lui en sou¬
vient. Mème la physiologie de Thérèse est quelque chose de
fugitif: elle ne se ressemble pas d’un jour à l’autre. Aquel¬
ques pages de distance, elle est tour à tour vieille et lasse, puis
soudain rajeunie; elle a des phases, des humeurs, des Junes. Sa
beauté mème est capricieuse. Dans certaines périodes de sa vie,
sa nature parait en sommeil; à d’autres moments, c’est une
autre femme, elle-mème ne se reconnait plus.
Aquoi bon rapporter cette suite d’aventures, ces liaisons
ou parfois la jeune femme tente de mettre un peu de raison
pour retomber bientôt à des abandons de hasard, aux béguins,
aux passades? Au milieu de cette dissipation, elle s’étonne et se
reproche de ne pas faire assez pour son fils. C’est la grande
misère: mère, elle l’est quand elle peut, paraccès, par moments,
pourquelques jours ou quelquessemaines. Elle s’effraie quelque¬
fois de son aridité. C’est que le sentiment maternel n’est pas
plus que les autres une faculte invariable; il lui faut une cer¬