I, Erzählende Schriften 35, Therese. Chronik eines Frauenlebens, Seite 62

35. Therese
LAS A
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REVUE DES DEUX MONDES.
des Juges, sous le sceptre de la Loi. Nous devons compte à
I’Eternel de nos moindres intentions. Et cela fait régner sur les
dernières pages du livre une terreur religieuse. Cette terreur,
chose singulière, ne regarde que la femme. Une des scènes sai¬
sissantes du roman est celle-ci. Un soir, pendant qu’elle vivait
comme flancée avec Wohlschein et l’accompagnait pour lui
plaire dans les boites de nuit, elle avait tout à coup reconnu
Casimir. C’était dans un beuglant, un triste caf’conc’ de fau¬
bourg; il était à l’orchestre, un peu déplumé, mais toujours le
mème; ihtenait le violoncelle et, comme il faisait chaud, buvait
de temps en temps une gorgée d’une chope posée sur le piano.
Des lors, une pensée ne la quitte plus: ce fils qui lui ressemble
et qu'i, ne connait pas, se doute-t-il qu’il existe? Longtemps,
elle débat avec elle-méme, & comme quelqu'un qui est au chevet
d’une personne endormie et se demande s’il faut l’éveiller de
son réve v. Elle retourne au beuglant, c’était un soir d’hiver,
il neigeait; elle se morfond à la sortie des artistes. Elle le hele
au passage: & Cest moi, Thérèse. v Et elle découvre, en quel¬
ques mots de conversation, sa longue et lamentable erreur:
Casimir était marié, Casimir était un faux nom, il n’y a pas
de Casimir. II n’y a eu qu'un inconnu, un passant de hasard
qui ne s’est joint à elle que pour jeter une étincelle de vie dans
un instant de volupté et qui, sans se nommer, se perd dans
les ténèbres.
IIya de vieilles sociétés ou la mère est la reine, comme
chez les abeilles, et certaines théories semblent mème faire
soupconner que le principe primitif est de nature féminine,
que la création est femme, entrailles, sein maternels, océan de
tendresse ou le monde baigne et respire. Michelet pensait
ainsi; je ne serais pas éloigné d’attribuer à M. Schnitzler une
vue du mème genre. La femme, pour lui, c’est toujours Eve,
ce sont les puissances de l’instinct, c’est la nature: elle est
tout à la fois la perdition et le salut, le bien et le mal, celle
par qui l’amour, la vie, les délices et les crimes ruissellent
dans le monde.
La vie n’est qu'un réve, etun réve de femme: des lors, le
crime concu en réve est le pire des crimes, le plus affreux de
tous, étant le plus läche et le plus caché, le crime contre
T’amour qui se dissimule au fond des cchurs. Ainsi, comme ily
aune logique des réves, ne sommes-nous nullement surpris