31.
Fraeulein Else
box 5/2
# K. Kn4 — e AA
LALSAGE FRANGAISE
54
28 Juiliel 1929
n Allemazue que la nonvelle a le plus profité de
Si la lillerature s’est si rapidement enrichie
ceite transformation qui s’annonçait déjà des ie debul
en honvelles, c’est que malgré les lois tres strie¬
du siecle, mais ne staccomplit entierement qwau mi¬
es qui le regissent, ee genre laisse une grande liberte
lien des troubles de la guerre et de Tapres-guerre.
à Pinspiration de Técrivain et s’adapte fort bien à
eest aussi en Allemagne que depuis une dizaine
lous les carackères et à lous les talents, II est peu
Fannees, la nonvelle a regagné les faveurs du pu¬
Téerivains noloires actuels qui ne s’y soient essayes,
blie et occupe actuellement dans la littérature de ce
les uns ie considerant comme un jeu artistique d’un
pays une place plus importante que celle d’auenn
allrait spécial, les autres y voyant un moyen de réa¬
autre geure liiteraire. Elle est devenue une expression
liser leurs reves les plus extravagants on leurs plus
artislique, une forme, dlab forme d’art portée an plus
hautes aspirations esthéliques.
haut degre de perfection. C’est le genre g#artiste „
Thomas Mann, ce maitre inconteste du roman
ideal que l’Allemagne nvail tant envié anx antres
depuis ses Buddenbrock, a donné, depuis la guerre
a. s ei qir'elle réalise maintenant avec une incontes¬
surloul. plusieurs nouvelles, pour la plupart alertes
table maitrise.
etingenieuses, telle cette délicieuse et hardic psy¬
La nouvelle offre, en effet, cerlains avanlages qui
chologie de son chien (Maitre et Chien) (!) ou les
permettent à un écrivain de donner la mesure de son
réflexions d’un cycliste. Mais sa nouvelle la plus
rb et de tenir compte en méme temps des aspecis
connue est Desordre () ou il dépeint, non sans lais¬
particuliers de la mentalité de nolre époque: Sa
ser percer une certaine émotion paternelle, la situa¬
brievelé. tout en forcant Partiste à une concentration
tion d’une famille bourgeoise d’aprés-guerre et les
Thomas Mann
(Cl. Rev. Rhénane)
dramatique du plus puissant effet, donne aussi
troubles qu’occasionne ce désordre social et moral
eclle impression du fragmentaire, de Tintense
dans l’äme d’une sensible petite fille. Mais Thomas
jut est Pun des traits les plus carachéristiques de la
Mann est un écrivain d’une bien trop vaste enver¬
civilisation conlemporaine; par son sujet drama¬
Fure pour pouvoir trouver dans la forme restreinte
lique, elle repond à ce besoin de sensation de notre
de la nouvelle son moven d’expression propre; son
siecle, que le film cherche à salisfaire dans une
domaine à lui, c’est el ce sera loujours le roman.
mesure plus large encore; par la précision et la pro¬
Nous en avons la preuve dans le fragment: Ze Che¬
fondeur qu'elle exige dans la peinture des carac¬
rulier Eindustrie Félig Krull (*) qui n’est pas une
ieres, elle permet T’application des découvertes psy¬
nonvelle, mais T’ebauche d’un roman: le caractère
chologiques qui ont si fortement imprégné notre
de cet aventurier, passionnément intéressant et ma¬
mentalite: liens mysterieux entre les dres ei les
gistralement decrit, nous est depeint en louches trop
choses. actes inconscients, réflexes significalifs, mo¬
larges, l’éinde du milieu y est trop poussée pour ne
biles caches...; par les nécessites arbistiques qu’elle
pas dépasser le cadre de la nouvelle. D’ailleurs i1
comporte, elle force à la mesure, an lach, à la mai¬
manque à ses récits cette sitnation caiastrophique,
rise de soi-meme qualites difficiles à acquérir pour
celle crise aigüe que doit comporter la nouveile
:
un anteur, surloub quand cet auteur est un Allemand;
mais gräce auxquelles aussi il s’éleve au-dessus de
(1) Chez Kra, en traduction: J. Delage et Mlle Bianquis.
son époque et de ses compatriotes.
(2) Chez Kra, en traduction: J. Delage.
Fraeulein Else
box 5/2
# K. Kn4 — e AA
LALSAGE FRANGAISE
54
28 Juiliel 1929
n Allemazue que la nonvelle a le plus profité de
Si la lillerature s’est si rapidement enrichie
ceite transformation qui s’annonçait déjà des ie debul
en honvelles, c’est que malgré les lois tres strie¬
du siecle, mais ne staccomplit entierement qwau mi¬
es qui le regissent, ee genre laisse une grande liberte
lien des troubles de la guerre et de Tapres-guerre.
à Pinspiration de Técrivain et s’adapte fort bien à
eest aussi en Allemagne que depuis une dizaine
lous les carackères et à lous les talents, II est peu
Fannees, la nonvelle a regagné les faveurs du pu¬
Téerivains noloires actuels qui ne s’y soient essayes,
blie et occupe actuellement dans la littérature de ce
les uns ie considerant comme un jeu artistique d’un
pays une place plus importante que celle d’auenn
allrait spécial, les autres y voyant un moyen de réa¬
autre geure liiteraire. Elle est devenue une expression
liser leurs reves les plus extravagants on leurs plus
artislique, une forme, dlab forme d’art portée an plus
hautes aspirations esthéliques.
haut degre de perfection. C’est le genre g#artiste „
Thomas Mann, ce maitre inconteste du roman
ideal que l’Allemagne nvail tant envié anx antres
depuis ses Buddenbrock, a donné, depuis la guerre
a. s ei qir'elle réalise maintenant avec une incontes¬
surloul. plusieurs nouvelles, pour la plupart alertes
table maitrise.
etingenieuses, telle cette délicieuse et hardic psy¬
La nouvelle offre, en effet, cerlains avanlages qui
chologie de son chien (Maitre et Chien) (!) ou les
permettent à un écrivain de donner la mesure de son
réflexions d’un cycliste. Mais sa nouvelle la plus
rb et de tenir compte en méme temps des aspecis
connue est Desordre () ou il dépeint, non sans lais¬
particuliers de la mentalité de nolre époque: Sa
ser percer une certaine émotion paternelle, la situa¬
brievelé. tout en forcant Partiste à une concentration
tion d’une famille bourgeoise d’aprés-guerre et les
Thomas Mann
(Cl. Rev. Rhénane)
dramatique du plus puissant effet, donne aussi
troubles qu’occasionne ce désordre social et moral
eclle impression du fragmentaire, de Tintense
dans l’äme d’une sensible petite fille. Mais Thomas
jut est Pun des traits les plus carachéristiques de la
Mann est un écrivain d’une bien trop vaste enver¬
civilisation conlemporaine; par son sujet drama¬
Fure pour pouvoir trouver dans la forme restreinte
lique, elle repond à ce besoin de sensation de notre
de la nouvelle son moven d’expression propre; son
siecle, que le film cherche à salisfaire dans une
domaine à lui, c’est el ce sera loujours le roman.
mesure plus large encore; par la précision et la pro¬
Nous en avons la preuve dans le fragment: Ze Che¬
fondeur qu'elle exige dans la peinture des carac¬
rulier Eindustrie Félig Krull (*) qui n’est pas une
ieres, elle permet T’application des découvertes psy¬
nonvelle, mais T’ebauche d’un roman: le caractère
chologiques qui ont si fortement imprégné notre
de cet aventurier, passionnément intéressant et ma¬
mentalite: liens mysterieux entre les dres ei les
gistralement decrit, nous est depeint en louches trop
choses. actes inconscients, réflexes significalifs, mo¬
larges, l’éinde du milieu y est trop poussée pour ne
biles caches...; par les nécessites arbistiques qu’elle
pas dépasser le cadre de la nouvelle. D’ailleurs i1
comporte, elle force à la mesure, an lach, à la mai¬
manque à ses récits cette sitnation caiastrophique,
rise de soi-meme qualites difficiles à acquérir pour
celle crise aigüe que doit comporter la nouveile
:
un anteur, surloub quand cet auteur est un Allemand;
mais gräce auxquelles aussi il s’éleve au-dessus de
(1) Chez Kra, en traduction: J. Delage et Mlle Bianquis.
son époque et de ses compatriotes.
(2) Chez Kra, en traduction: J. Delage.