Garlan
11. Frau Bertha
box 2/1
LES SEMAILLES — JANVIER 1902
64
5
certaine ironie qui ne manque point de délicatesse
cette nécessité pour les Allemands d’apprendre à voir,
à penser et à écrire: 4 J'ai encore à ajouter, dit-ilen
forme de conclusion, qu’on doit apprendre à écrire,
mais iei je serais parfaitement énigmatique pour les
lecteurs allemands. 9
M. Ludwig Klages nourrit une profonde admiration
pour Stefan George, il la manifeste dans un style
recherché pendant une centaine de pages et cite, de ci
de là, maints fragments, susceptibles d’éclairer le lec¬
J'avais déjà eu l’occasion en Allemagne de lire cer¬
taines poésies de ce poête — j'avais été tout d’abord
surpris, puis captivé par la beauté et la netteté de la
forme. Ily avait là vraiment autre chose que cette
plate sentimentalité, cette nostalgie maladive et suran¬
née qu’expriment les poêtes courants. Je me trouvais
en face d’un artiste qui, muni d’un sens sür, d’une
imagination plastique riche en images et en musiques
faisait défiler devant moi autre chose que des rimes
alignées.
Dans ces notes hatives, je tiendrai à rattacher
M. George à un poête français pour mieux le définir
vis-à-vis des lecteurs: par défaut d’autre nom, il me
faut citer celui de Stéphane Mallarmé, non pas que la
comparaison soit exacte, mais parce que ces deux
poétes ont tenté chacun dans sa sphère à donner au
verbe toute sa splendeur, Il convient de dire cependant
qu'au rebours de M. Mallarmé qui a cherchä des effets
hors de la tradition de sa langue, M. George paraft
tendre plutôt à s’identifier le plus possible au génie
de la langue allemande et à la développer dans le
sens de la tradition.
Dans les cénacles littéraires allemands, on appelle
M. George, lefils ainé de Geethe. Laissant la part d’exa¬
11. Frau Bertha
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LES SEMAILLES — JANVIER 1902
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certaine ironie qui ne manque point de délicatesse
cette nécessité pour les Allemands d’apprendre à voir,
à penser et à écrire: 4 J'ai encore à ajouter, dit-ilen
forme de conclusion, qu’on doit apprendre à écrire,
mais iei je serais parfaitement énigmatique pour les
lecteurs allemands. 9
M. Ludwig Klages nourrit une profonde admiration
pour Stefan George, il la manifeste dans un style
recherché pendant une centaine de pages et cite, de ci
de là, maints fragments, susceptibles d’éclairer le lec¬
J'avais déjà eu l’occasion en Allemagne de lire cer¬
taines poésies de ce poête — j'avais été tout d’abord
surpris, puis captivé par la beauté et la netteté de la
forme. Ily avait là vraiment autre chose que cette
plate sentimentalité, cette nostalgie maladive et suran¬
née qu’expriment les poêtes courants. Je me trouvais
en face d’un artiste qui, muni d’un sens sür, d’une
imagination plastique riche en images et en musiques
faisait défiler devant moi autre chose que des rimes
alignées.
Dans ces notes hatives, je tiendrai à rattacher
M. George à un poête français pour mieux le définir
vis-à-vis des lecteurs: par défaut d’autre nom, il me
faut citer celui de Stéphane Mallarmé, non pas que la
comparaison soit exacte, mais parce que ces deux
poétes ont tenté chacun dans sa sphère à donner au
verbe toute sa splendeur, Il convient de dire cependant
qu'au rebours de M. Mallarmé qui a cherchä des effets
hors de la tradition de sa langue, M. George paraft
tendre plutôt à s’identifier le plus possible au génie
de la langue allemande et à la développer dans le
sens de la tradition.
Dans les cénacles littéraires allemands, on appelle
M. George, lefils ainé de Geethe. Laissant la part d’exa¬