I, Erzählende Schriften 3, Sterben. Novelle, Seite 55

3.
Sterben

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LA OUINZAINE
lienne, dans quelque village de pécheurs baigné de soleil, dans & un
de ces coins du monde qui semblent faits pour le bonheur v, et après
quelques jours, quelques semaines d’intimité délicieuse dans les che¬
mins ombragés d’cliviers, dans le bercement d’une barque sur la
mer bleue, de se coucher ensemble dans un lit d’auberge après avoir
pris d’avance les mesures pour ne plus se réveiller: — et cela, c’est
Teeuvre, on le volt tout de suite, d’un moraliste austère; ce n dernier
refuge n a été inventé en effet par M. Rod, écrivain protestant des
plus dignes, à l’usage des amants adultères qui veulent & échapper
au monde u#et e réaliser enfin pleinement leur réve (1) „.
Vous pensez, ma cousine: & Ce sont la des amours de fauves ou de
malades. L’amour ici-bas n’a pas d’autre röle que de créer la vie et
de la faire aimer. Etle voilà qui prend la vie en horreur et se fait le
pourvoyeur de la mort! Ces gens-là sont fous en vérité, — à moins
quils ne se moquent de nous en nous attrapant nos 3 fr. 50.. Grand
merci de vos histoires: je vais donner à manger a mes petits canards,
qui, en attendant d’étre amoureux on de devenir philosophes ont
vigoureuse envie de vivre. )
Vos canards ont raison, ma chère amie; mais vous, vous avez tort
de vous soustraire à cette littérature de cauchemar, qui est extréme¬
ment divertissante, et qui a, pourvu qu'on sache l’y mettre, sa pelite
Car enfin c’élait agaçant de voir tonjours l’amour honnéte peint
avec une figure froide, voire quelquefois hargneuse ou morne, tandis
que s’sbattail devant nous l’amour coupable, la bouche toute juteuse
du fruit défendu qu'il croquait à belles dents. A lui la volupté sans
désenchantement, T’ivresse sans fin. Si peu qu’on ne füt pas un saint,
on avait de mauvaises tentations d’en essayer à l’occasion, Emma
Bovary s’ennuyait-elle à Yonville, quelques bons romans tout de
suite lui susurraient à l’oreille que les héros ne sont pas rares par le
monde, et qu'un clere de notaire doit pouvoir donner à une ame in¬
comprise des joies bien délicates et bien hautes.
& Enfin, ma chère amie, je vais donc pouvoir goüter les joies pures
de l’adultère! v: ce cri du ceur d’une jeune femme un peu nafve, que
de pauvres égarées T’ont poussé tout bas!
Sans doute la littérature & cruelle y de notre époque, entrainée par
(1) Dernier Rejuge, par Edouard Ron, — chez Pennin.