I, Erzählende Schriften 3, Sterben. Novelle, Seite 57

3.
Sterben
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LA OUINZAINE
Mais on se flattait de Tidée que ces violences ne se pouvaient pro¬
duire que dans le monde des assommoirs, ou se complait T’écrivain
distingué à qui l'Académie donna lautre jour quatorze voix pour le
fauteuil de Dumas fils. Or voici que dans les trois romans dont je
parle, cesont de fort c honnétes o gens, et de culture tres soignée, qui
empoisonnent, étranglent on jettent à l’eau leur bonne amie. Le héros
de M. Rod est ingénieur-électricien, c’est-à-dire tout ce que nous
avons de plus sympathique dans la bourgeoisie.,, après ’e maitre de
forges. Les deux autres sont de purs d intellectuels y, comme on dit
aujourd'hui, lettrés, litterateurs méme, probablement dans le genre
symboliste.
IIs ont pour la musique.. de Wagner un goüt violent. Cofneidence
curieuse, le poête de M. d’Annunizo et l’ingénieur de M. Rod s’exal¬
tent pareillement tous deux aux hallucinations de Tristan et
Fscult: c Oh! se perdre, s’abimer, s’évanouir sans conscience dans
l’infinie palpitation de Täme universelle: supréme volupté!, Leur
ivresse de destructiontest, comme vous voyez, ma cousine, infini¬
ment poétique et musicale. & La musique, dit l’Italien qui en tient
pcur la noyade, c’est l’initiatrice au mystère de la mort; elle montre
par-delà la vie un nocturne empire de merveilles. L’harmonie fait
entrevoir comme une béatilude la possibilité de se dissoudre dans
le Grand Tout et de participer à l’éternelle volupté du Devenir. „
Et avec ce leifmotie alterne Taalre: La mort n’est point T’enne¬
mie. En lie seule, val nous pourrons réaliser le réve qui s’agite
en nous. Nest-elle pas la schur de l’amour? Elle l’appelle, elle le
compléte, elle lui ouvre l’éternité, elle lui explique tout ce qu'il vou¬
drait connaitre, tous les mystères, tout l’infini. Oh! l’éternité pour
nous aimer!
L'assassinat par amouv! Le suicide par le piano! Nest-ce pas que
cela est une séduisante Invention, et digne d’un siecle qui veut mou¬
rir avec gräce?
Quant à moi, il ne me déplait pas que lu musique ait été invoquée
pour mettre à ces macabres aventures son elégant accompagnement.
Les femmes qui liront ces mauvais livres comprendront peut-étre
mienx ainsi que tout cela: c l’amour sans fin, sans réveil, sans peur,
sans nom #et cla beatitude dé sentir sa substance se sublimer ei
flotter diffuse dans Tharmonie universelle v, ce n’est en effet que de
la musique
Car il n’est pas vrai que ces amants se tuent pour aller voir la-bas
si Tristan et Vseult ne se sont pas trompés, et pour & réaliser enfin
leur réve n. ils tuent et ils se tuent parce que de leur amour cou¬