25. Professor Bernhandi box 31//7
UNE PIECE INTERDITE EN AUTRICHE
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entièremnent & judibée „? N’y aura-t-il pas des conflits inévitables;
et qui devra céder?
La pièce se meut autour d’un conflit de ce genre. Elle n’est pas
tragique, bien que le héros soit condamné à deux mois de prison
pour acte antireligieux. Schnitzler tient à ce que sa pièce soit une
comédic, et déclare guc son héros n’est pas & un Dreyfus de la
médecine 9.
On nous dit que Schnitzler s’est souvenu, en écrivant Ze Projes¬
geur Bernkurdi, d’une affaire récente qui mit Vienne en émoi. 11
s’agissait d’un mourant célebre, que se disputèrent sur son lit de
mort l’église et la libre-pensée. L’incident beaucoup plus léger qui
détermine la disgräce du professeur Bernhardi doit, par son insi¬
gnihance méme, donner à la piece une portée générale très vaste.
Pour laisser mourir en paix une pauvre hlle condamnée, mais qui
s’en va en pleine d euphorie #, Bernhardi interdit la porte au prêtre
appelé en secret par unc inhrinière dévote. Ce simple geste, divulgué
et grossi, attire sur l’Zl#sabethinum une séric de calamités: la prin¬
cesse Stixenstein retire son concours de dame patronnesse au bal de
Thöpital; le Conseil d’administration démissionne en masse; une
demande d’interpellation déposée par les cléricaux et les nationa¬
listes déchaine à la Chambre de vifs incidents. A propos d’un cas
particulier, cest toute la question juive qui se pose. Ceux-mémes qui
approuveraient ou excuseraient l’attitude du médecin s’abstiennent
de prendre parti, parce qu’il est malséant, et d’un patriotisme sus¬
pect, de faire cause commune avec un Juif. L’enquéte aboutit à un
procès à la suite duquel Bernhardi se volt condamné à deux mois de
prison.
En face du médecin, Schnitzler a posé la hgure du prêtre, en
face du savant positiviste, l’homme religieux. De lä cette scène un
peu mélodramatique ou le prêtre vient voir le condamné, après l’au¬
dience. Entre enx l’incompatibilité est compléte. IIs ne pesent pas
leurs actes aux mémes balances.
Bernhardi est un tres honnéte homme, désolé de l’esclandre qu’on
fait autour de son nom, ennuyé surtout d’avoir à passer huit se¬
maines loin de ses malades et de ses éléves. IIad un goüt presque
agressif de la justice v. Son ex-confrère Flint, devenu président du
Conseil, lui reproche d’étre“ un sentimental n, c’est-à-dire un idéa¬
liste. Son humanitarisme lui ordonne d’épargner à ses malades toute
souffrance inutile, y compris les tortures morales et les dernières
affres de l’agonie, dans les cas si rares ou l’illusion vitale se main¬
tient jusqu'au bout. Lui qui, tout à l’heure, invoquera contre son
adversaire les droits imprescripe.bieg de la vérité,ne se croit pas tenn
d’étre cruellement véridique, à l’heure cü se brouillent, aux yeux des
mourants, les contours du réve et de la réalité. Ainsi juge un athée,
pour qui l’existence individuelle cesse avec la vie du corps.
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UNE PIECE INTERDITE EN AUTRICHE
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entièremnent & judibée „? N’y aura-t-il pas des conflits inévitables;
et qui devra céder?
La pièce se meut autour d’un conflit de ce genre. Elle n’est pas
tragique, bien que le héros soit condamné à deux mois de prison
pour acte antireligieux. Schnitzler tient à ce que sa pièce soit une
comédic, et déclare guc son héros n’est pas & un Dreyfus de la
médecine 9.
On nous dit que Schnitzler s’est souvenu, en écrivant Ze Projes¬
geur Bernkurdi, d’une affaire récente qui mit Vienne en émoi. 11
s’agissait d’un mourant célebre, que se disputèrent sur son lit de
mort l’église et la libre-pensée. L’incident beaucoup plus léger qui
détermine la disgräce du professeur Bernhardi doit, par son insi¬
gnihance méme, donner à la piece une portée générale très vaste.
Pour laisser mourir en paix une pauvre hlle condamnée, mais qui
s’en va en pleine d euphorie #, Bernhardi interdit la porte au prêtre
appelé en secret par unc inhrinière dévote. Ce simple geste, divulgué
et grossi, attire sur l’Zl#sabethinum une séric de calamités: la prin¬
cesse Stixenstein retire son concours de dame patronnesse au bal de
Thöpital; le Conseil d’administration démissionne en masse; une
demande d’interpellation déposée par les cléricaux et les nationa¬
listes déchaine à la Chambre de vifs incidents. A propos d’un cas
particulier, cest toute la question juive qui se pose. Ceux-mémes qui
approuveraient ou excuseraient l’attitude du médecin s’abstiennent
de prendre parti, parce qu’il est malséant, et d’un patriotisme sus¬
pect, de faire cause commune avec un Juif. L’enquéte aboutit à un
procès à la suite duquel Bernhardi se volt condamné à deux mois de
prison.
En face du médecin, Schnitzler a posé la hgure du prêtre, en
face du savant positiviste, l’homme religieux. De lä cette scène un
peu mélodramatique ou le prêtre vient voir le condamné, après l’au¬
dience. Entre enx l’incompatibilité est compléte. IIs ne pesent pas
leurs actes aux mémes balances.
Bernhardi est un tres honnéte homme, désolé de l’esclandre qu’on
fait autour de son nom, ennuyé surtout d’avoir à passer huit se¬
maines loin de ses malades et de ses éléves. IIad un goüt presque
agressif de la justice v. Son ex-confrère Flint, devenu président du
Conseil, lui reproche d’étre“ un sentimental n, c’est-à-dire un idéa¬
liste. Son humanitarisme lui ordonne d’épargner à ses malades toute
souffrance inutile, y compris les tortures morales et les dernières
affres de l’agonie, dans les cas si rares ou l’illusion vitale se main¬
tient jusqu'au bout. Lui qui, tout à l’heure, invoquera contre son
adversaire les droits imprescripe.bieg de la vérité,ne se croit pas tenn
d’étre cruellement véridique, à l’heure cü se brouillent, aux yeux des
mourants, les contours du réve et de la réalité. Ainsi juge un athée,
pour qui l’existence individuelle cesse avec la vie du corps.
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