breuse: Médard obtient de lui qu'il
parte à sa place, tandis que lui-meme
restera à Vienne et se consacrera avant
tout a venger la mort de sa schur, vie¬
time de Torgueil impitoyable du vieux
duc iie Valois ei de toute sa maison.
Ainsi se termine un & prologucs dont
la représentation ne doit pas durer
moins de trois quarts dheure et qui,
malgré cette longueur démesurée, for¬
me à peine la sixième parlie du grand
drame nouveau de M. Schnitzler. Ja¬
mais peut-étre, depuis le temps loin¬
tain du drame et de T’opera romanti¬
ques, pareil effort de patience n’a été
exigé d’un public allemand; et il n’ya
pas jusqu'au Cromwelt de Victor Hugo,
ou encore à la version primitice du
Fleil Homme de M. de Porto-Riche,
Gesilsgengabe ohne Gepünd.
qui ne nous fassent ieffet déire des ceu¬
vres de dimensions moyennes en compa¬
deegsercat
raison des 300 pages tassees de cette
224
c histoire dramatique en cing actes pré¬
cédes d’un prologuev. C’est dire qu'il
23.6
me
a fallu à l’auteur du Jeune Médurd une
vem
remarquable possession de tous les ar¬
ee
tifices du métier dramatique pour assu¬
10
rer à une telle entreprise le succès
qu'elle obtient, chaque soir, sur la seé.
ion Heureau Brame allemand
ne viennoise. Variété des situations et
mouvement de laction, alternatives in¬
cessantes de conversations fäniilières,
Pour comprendre et apprécier le su¬
d’élans pestiques, et d’amples et
jet du drame nouveau de M. Schnitz¬
bruyants déploiements de foules, tout
ler, le lecteur est tout dabord tenn de
Fcela est mélangé avec infiniment d’in¬
SuDDOseF quit y arait à Vienne, en 1809,
telligence et d’adresse: sans compter
un prince français exilé,düc de Va¬
que, dans chacun des tableäux, l’inté¬
lois, dont les titres à la possession de la
rét documentaire des graves événements
couronne de France égalaient ou mé¬
qui se déroulent sous nos yeux se ren¬
me surpassaient ceux de l’ainé des fre¬
force pour nous d’une émotion plus di¬
res survivants de Louis XVI. Et qu'une
recte, produite au moyen de l’un de ces
pièce fondée sur une hypothèse d’une
ecoups de théätre, qui nous révelent
fausseté historique aussi manifeste ait
e M. Schnitzler un digne éléve de no¬
pi #e#ssirTe plus grand succès du
Ttre grande dcole de malod#amo francsi¬
tlieatre viennois durant toute une säf¬
se. Linfluence de Victorien Sardöll, Ho¬
son, c’est là une preuve bien frappante
tamment, se trahit dans lhabileté avec
de cette ignorance réciproque dont j'ai
laquelle le dramaturge allemand réus¬
eu souvent déjà l’occasion de signaler
sit à animer et à colorer ce qu’on pour¬
Tincessant progrès entre les diverses na¬
rait appeler la #figuration n de sa pièce,
tions européennes. Si les spectateurs
entourant ses héros d’innombrables
autrichiens savaient, de façon certaine,
personnages épisodiques dont le röle
que jamais un personnage comme ce
consiste, tout ensemble, à nous divertir
duc de Valois n’a pu sérieusement pre¬
par leur propre vérité — ou vraisem¬
tendre à la succession légitime de Loms
blance — historique et à nous rendre
XVI, l’impossibilité du point du départ
moins invraisemblable l’intrigue roma¬
de l’cuvre de M. Schnitzler les aurait
nesque ou nous les voyons intervenir.
empéchés de suivre avec émotion les
Mais pour ce qui est de cette intrigue
péripéties d’un dramé ou l’auteur s’est
elle-méme, et de la vérité e purement
efforcé surlout de leur offrir une recon¬
humaine, des héros de la pièce de M.
stitution minutieuse et fidele de l’une
Schnitzler, force m’est de reconnaftre
des crises les plus mémorables de leur
que la suite de l’ceuve ne répond pas
histoire nationale mais évidemment
aux belles espérances que nous avaient
ces spectatéurs ne savent plus rien de
inspirées les deux tableaux du prolo¬
tout cela, ni ne se soncient plus d’en
gue. Ni le g jeune Médard, ni l’énig¬
rien savoir. A mesure que les moyens
matique et ténébreuse créature dont il
de commumcation se développent et se
va s’éprendre des le début du premier
multiplient, d’un pays à l’autre, il
acte n’ont de quoi justifier les allures
semble que chaque pays se désintéresse
quelque peu & shakespeariennes " qu’il
plus profondément de toute la vie pré¬
semble que l'auteur ait voulu leur pré¬
sente ou passée du reste du monde; et
ter: ce sont de vaines ombres, absolu¬
nous-mémes, sans doute, serions au¬
ment dépourvues de toute réalité vivan¬
jourd'hui tout prêts à applaudir une
te aussi bien que de tout relief tragique
piece qui nous montrerait le grand Fré¬
et s’apparentant bien moins aux im¬
déric s’alliant avec le tsar Ivan le Terri¬
mortelles figures du poête anglais
ble pour abattre la puissance de Napo¬
qulaux protagonistes des mélodrames
léon.
anecdotiques de M. Sardou. Voici d’ail¬
Nous voici donc à Vienne, au début
leurs, en deux mots, le résumé de l'a¬
de la campagne de 1809; et le premier
venture autour de laquelle M. Schnitz¬
tableau du prologue nous introduit dans
ler a tres heureusement täché à nous of¬
Tappartement d’une veuve, Mee Klahr,
frir une exacte peinture de la société
qui dirige un petit commerce de librai¬
viennoise avant et pendant T’occupation
rie, en attendant de pouvoir le trans¬
de la capitale autrichienne par les trou¬
pes françaises.
La sceur de Médard et son amant, le
(1) Der junge Medurdus, par Artiur
comte de Valois,ont demandé que leurs
Schnitzler, un vol. in-18, Berlin, librairie S.
corps fussent déposés dans le mème
Fischer, 1911.
tombeau, ce qui a fourni au jeune
Ssu Pne
trie. car encore qulil ait, lui aussi, un
#confidente, à la manière des tragedies
clasiques, il néglige tout à fait de nous
renseigner par celte voie sur ses inten¬
tions veritables. Condamné à mort, il
apprend du général Rapp que l’empe¬
pereur lui accorde sa gräce, la police
ayant constaté qu’Hélène, sa victime,
avait formné le dessein de tuer de sa pro¬
pre main l’usurpateur qu'elle aimait:
mais non, Médard ne veut pas avoir
d’obligation à un homme qui a causé le
malheur de l’Autriche! Et le voilà qui
force les soldats français à l’exécuter,
et le géneral Rapp, aux dernières lignes
du drame, console sa mère en le procla¬
mant un c héros v: mais toujours nous
ignorons ce que ce singulier héres avait
dans le cceur. Le mystère qui, de tout
temps, enveloppait pour nous la figure
d’Hélène de Valois s’est communiqué
peu à peu à la figure de ce pauvre pe¬
tit Hamlet d’arrière-boutique, détour¬
né de sa destination naturelle par le
déplorable hasard qui lui a permis de#
tenir dans ses bras une princesse au¬
thentiquement issue du sang des rois de
France!
T. DE WYZEWA,
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