II, Theaterstücke 16, (Lebendige Stunden. Vier Einakter, 1), Lebendige Stunden. Vier Einakter, Seite 268

16.1. Lebendige Stunden zyklus
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ETRANGER
ton tragique ou frise la farce, toujours il se montre très bon connais¬
seur du cceur humain. Aujourd'hui, quoique peut-être, comme c’est
Thabitude dans les recueils de nouvelles, la première pièce ait simple¬
ment donné le titre au cycle tout entier, le poête mesemble avoir vonlu
faire ressortir l’idée fondamentale qui forme un lien entre les quatre
morceaux. Cest la vie qui est plus forte que la mort, le présent qui tue
le passé. Que les morts enterrent les morts; ceux qui survivent doivent
passer outre, continuer leur route pour combattre le combat qu'est
pour chacun et chacune cette existence terrestre.
Deux hommes, dans la première pièce, portent ie deuil d’une femme
qu'ils ont aimée, l’un comme fils, l’autre comme amant? et unique
ami. Le fils est artiste; attristé, désespéré par une longue et dou¬
loureuse maladie de sa mère, il se sentait perdre l’envie de vivre,
la capacité de créer. Sans qu'il se l’avoue à lui-mème, la mort est un
soulagement pour son ame tourmentée. L'ami, qui a passé les dernières
années au chevet de la malade, à qui celle-ci fut, malgré toutes ses
souffrances, une amie fidele, adorée, nécessaire, est choqué de cet
égoisme d’artiste. II révele au jeune homme que sa mère s’est donné la
mort, s’est empoisonnée par amour pour lui, pour le délivrer de la vue
de ses souffrances et pour lui rendre la force de créer. Est-ce que le
fils succombera sous le poids de cette révélation: Nullement. La pre¬
mière émotion passée, la vie le reprendra. Mais si l’égoisme de la jeu¬
nesse l’aidera à continuer sa route comme si de rien n’était, le vieux
Juinon plus, ne pourra rester inconsolable.“ La vie, pour lui, c’est son
jardinet. En cultivant ses roses, lui aussi, il sentira que les douleurs
deviendront supportables et elles feront, à la fin, place au bien-étre de
vivre.
La Femme an Po#gnard met encore le présent en face du passé.
Léonhard cf Pauline sont tout à leur flirt, commencé depuis peu de
temps, indécis encore. Ou pourrait-on mieux causer que dans une
galerie de tableaux, devant les toiles indulgentes des vieux maitres?
C’est devant cla Femme au Poignard yque l'assaut se fait le plus pres¬
sant et que la jeune femmese sent faillir. Mais la vue du tableau la plonge
dans une corte de songe hypnotique; elle se voit un instant l’héroine
de l’épisode que raconte la toile. On est au Einquecento, en Italie; elle
est Paola, la femme du célebre artiste Remigio qu’elle vient de trom¬
per, par caprice, avec un de ses éléves, nommé Léonardo comme son
amant. Le mari les surprend; trop fière pour le tromper, Paola lui
avoue tout. C’est le mépris silencieux du maitre qui met le poignard à
la main de Léonardo, mais sa maitresse le prévient, lui arrache le poi¬
guard et le tue. C’est la pose de la femme passionnée qui intéresse
Remigio; artiste avant tout, il trouve plus noble de fixer cette pose
plutôt que de venger son honneur; voila l’origine du tableau qu'un
songe révele à une femme prête à tomber.
Est-ce que le passé lui apprendra quelque chose: Non, la vie est
trop forte.
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