box 19/2
11. Reigen
& LA RONDE „
au Theätre de I’Avenue
(Suite de la première page)
De ces dix dialogues, ou nous
oyons tour à tour, eing hommes
st eing femmes, se rencontrer,
s’approcher, s’unir daps une bréve
treinte, faut-il retenir une idée
générale, un sens Philosophique?.
mesure qu’on monte dans
l’échelle sociale, les, rencontres
amoureuses se compliquent: on
voit le simple désir de la fille et
du soldat se mélangerchez les au¬
tres personnages de vanité, de ja¬
lousie, de duplicité, de méfiance,
de lächeté I... Mais au bout du
compte, tout aboutit au méme.
point: l’étreinte, le piaisir bref,
la jouissance physique. Une fois
leur désir assouvi, le jeune hom¬
me, la femme du monde, l’actrice,
le comte, se séparent tout comme
la fille et le soldat, et s’éloignent,
aussi étrangers l'un à J’autre
qu'avant leur rencontre.,, Ils ont
peut-étre poursuivi un réve, aspiré
au bonheur, mais le résultat est
que, quelles que soient les diffé¬
rences sociales, tous les hommes.
et toutes les femmes se ressem¬
blent, les uns muffes, égoistes,
goujats, les autres perfides ei
jöuant une comédie.. Cette vision
de
pessimiste et désenchantée
Thumanité date bien de l’époque
naturaliste.
Cette suite de sketches pourrait
étre affreusement triste, et consti¬
tuer comme une sorte de danse
macabre de l'’amour, si Schnitzler,
et également l’interprétation des
A u S
Pitoéff, n'avaient poussé cerlains accent, son regard tres intérieur, une)
impossibilité mattrielle de s’adapter
de ces brefs tableaux vers le comi¬
sur Theure à plusieurs incarnations,
que et l’humour. Le dialogue de
à donner l’impression de la diver¬
Tauteur est souvent spirituel, et
sité des types de femmes, conçues
ses observations froniques et jus¬
par T’auteur différentes pour ren¬
tes. La monotonie qui pourrait, à
forcer précisement sa thèse de ia
parité de foutes. Ceci a un peu gèné.
la longue, se dégager de Cette suc¬
sinon la ligne, du moins la com¬
cession de couples, dans des situa¬
tions identiques, est palliée par préhension des buts de T’ouvrage. Je
Fingenieuse misc en scène de M.ine vols pas, d’ailleurs, darlistes fem¬
me, à Theure présente, qui edt pu
Piloöff. Chaque tableau a 8
etre à ce peint multiple et faire
saveur particulière; s’il fallait 1beaucoup mienx dans la réalisation
faire un choix, je crois bien que (d'unteleffort. II edt fallu une Réjane.
soit, cette création des
je préférerais celui de la femme Quol qulit er
es feminins de La
du monde et du jeune homm vic-leing pei
a parmi les plus in¬
time diune défaillance passagere,Ronde 6o
Mmne Pittoéff, sensible
el ceux tres ironiques, qui mettent#éressantes
et fremissante avec cette gamme
aux prises l’homme de lettres va-gexpressions qut sont un des char¬
niteux, d’abord avec une midt-Imes et l’atout de son jeu.
nette, puis avec une actrice.
M. Georges Pitoeff se contente, en
La psychologie des personnagesltant que comédien, de la composi¬
parait assez simpliste, assez brève. tion du comte, personnage ampoulé
et automatique, qulil monta en hur
mais elle pourrait étre à prolon¬
lesque avec un sens de l'humour et
gements, et avec un peu de bonne
un respect de cette ironie, très vien¬
volonté, on y verrait un raccourei
noise, qui luj valurent un vif sue¬
de la comédie humaine, au bord
eer. Raymond Dagand silhouette
71
d’un lit. Bien qu'il soit infiniment
dans une note très réaliste un petit
plus facile d’écrire une suite de
mentaires
616
scènes dialoguées que de compo- marin épris des
sans s’alourd
ser une véritable pièce, La Ronde
M. Louis
n’en est pas moins une cuvre de excellen
valeur, de qualité; telle qu’elle est rapides
présentée au Théätre de l’Avenue, homme
elle constitue un speciace plein teux
d’intérêt, et qui vaut la peine d’étre comt
qui
vu. On pourra ; constater en
Feri
méme temps qu'à bien des égards,
quer
Schnitzler fut un précurseur.
falt
Erienne Rur.
P6
aux, lei
ont très réus
613
L’interprétation
Kà l'ingénlosité de lettre de feu
an¬
monçant un hôtel pour marquer le
passage au dit, des héros, et à une
Chez M. Georges Pitoéff la présen¬
lation d'un ouvrage égale en impor-mise en scène n’excluant pas le tres
tance le texte, le submerge mème,actuel yo-yo.
pourrait-on dire. Lattrait visuel doit:
Annont
dominer, à la réplique de faire le
reste. Indiscutablement, la création
d’une pièce par ses soins est tou¬
jours un événement. II apporte dans
le décor, dans le jeu des éclairages
une originalité constamment renou¬
velée. II est un maltre de la couleur
du trait qui frappe. Rien de ce qu'il
Lente ne saurait, par conséquent nous
laisser indifférent. C’est beaucoup.
Cependant si réussi, si ingénieux
ju ait été chacun des tableaux qu'il
nous a donnés de la pièce de Schni¬
zler, utilisant le cubisme assagi et
ane synthése toute shakespearienne
parfois, pour indiquer un change¬
ment d’endroit, je n'ai pu m’empé¬
sher de noter quelque lassitude du
fait de cette originalité méme. C’est
là un art qui nous a séduits, nous
a amusés par sa violence, son carac¬
lère d’importation. Ces décors comme
des jouets modernes en agrandisse¬
ment de ces guignols pour enfants,
zes lumieres vives, ces acteurs qui,
la-dedans, vont et viennent en au¬
lomates, tout cela crée une atmos¬
phère d’artificiel, voulue évidem¬
ment, mais par trop atmosphèreipour
drogués. Oui, cet art que nous avons
accueilli avec une curiosité- sympa¬
ihique, on s’aperçoit brusquement
qu'll a vieilli. Peut-étre ne saurait¬
il convenir longtemps à notre na¬
ture latine. La France reste, de par
son climat, de par son ciel mème,
un pays de goüt, de mesure. On y
sent aussi obscurément qu’il est
Theure de se désintoxiquer. Tout ce
qui sera baroque elinquant, impro¬
visé, ne plaira plus que T’espace d'un
malin, Rassurons-nous quant à M.
pittoöff. II a trop de ressources pout
11. Reigen
& LA RONDE „
au Theätre de I’Avenue
(Suite de la première page)
De ces dix dialogues, ou nous
oyons tour à tour, eing hommes
st eing femmes, se rencontrer,
s’approcher, s’unir daps une bréve
treinte, faut-il retenir une idée
générale, un sens Philosophique?.
mesure qu’on monte dans
l’échelle sociale, les, rencontres
amoureuses se compliquent: on
voit le simple désir de la fille et
du soldat se mélangerchez les au¬
tres personnages de vanité, de ja¬
lousie, de duplicité, de méfiance,
de lächeté I... Mais au bout du
compte, tout aboutit au méme.
point: l’étreinte, le piaisir bref,
la jouissance physique. Une fois
leur désir assouvi, le jeune hom¬
me, la femme du monde, l’actrice,
le comte, se séparent tout comme
la fille et le soldat, et s’éloignent,
aussi étrangers l'un à J’autre
qu'avant leur rencontre.,, Ils ont
peut-étre poursuivi un réve, aspiré
au bonheur, mais le résultat est
que, quelles que soient les diffé¬
rences sociales, tous les hommes.
et toutes les femmes se ressem¬
blent, les uns muffes, égoistes,
goujats, les autres perfides ei
jöuant une comédie.. Cette vision
de
pessimiste et désenchantée
Thumanité date bien de l’époque
naturaliste.
Cette suite de sketches pourrait
étre affreusement triste, et consti¬
tuer comme une sorte de danse
macabre de l'’amour, si Schnitzler,
et également l’interprétation des
A u S
Pitoéff, n'avaient poussé cerlains accent, son regard tres intérieur, une)
impossibilité mattrielle de s’adapter
de ces brefs tableaux vers le comi¬
sur Theure à plusieurs incarnations,
que et l’humour. Le dialogue de
à donner l’impression de la diver¬
Tauteur est souvent spirituel, et
sité des types de femmes, conçues
ses observations froniques et jus¬
par T’auteur différentes pour ren¬
tes. La monotonie qui pourrait, à
forcer précisement sa thèse de ia
parité de foutes. Ceci a un peu gèné.
la longue, se dégager de Cette suc¬
sinon la ligne, du moins la com¬
cession de couples, dans des situa¬
tions identiques, est palliée par préhension des buts de T’ouvrage. Je
Fingenieuse misc en scène de M.ine vols pas, d’ailleurs, darlistes fem¬
me, à Theure présente, qui edt pu
Piloöff. Chaque tableau a 8
etre à ce peint multiple et faire
saveur particulière; s’il fallait 1beaucoup mienx dans la réalisation
faire un choix, je crois bien que (d'unteleffort. II edt fallu une Réjane.
soit, cette création des
je préférerais celui de la femme Quol qulit er
es feminins de La
du monde et du jeune homm vic-leing pei
a parmi les plus in¬
time diune défaillance passagere,Ronde 6o
Mmne Pittoéff, sensible
el ceux tres ironiques, qui mettent#éressantes
et fremissante avec cette gamme
aux prises l’homme de lettres va-gexpressions qut sont un des char¬
niteux, d’abord avec une midt-Imes et l’atout de son jeu.
nette, puis avec une actrice.
M. Georges Pitoeff se contente, en
La psychologie des personnagesltant que comédien, de la composi¬
parait assez simpliste, assez brève. tion du comte, personnage ampoulé
et automatique, qulil monta en hur
mais elle pourrait étre à prolon¬
lesque avec un sens de l'humour et
gements, et avec un peu de bonne
un respect de cette ironie, très vien¬
volonté, on y verrait un raccourei
noise, qui luj valurent un vif sue¬
de la comédie humaine, au bord
eer. Raymond Dagand silhouette
71
d’un lit. Bien qu'il soit infiniment
dans une note très réaliste un petit
plus facile d’écrire une suite de
mentaires
616
scènes dialoguées que de compo- marin épris des
sans s’alourd
ser une véritable pièce, La Ronde
M. Louis
n’en est pas moins une cuvre de excellen
valeur, de qualité; telle qu’elle est rapides
présentée au Théätre de l’Avenue, homme
elle constitue un speciace plein teux
d’intérêt, et qui vaut la peine d’étre comt
qui
vu. On pourra ; constater en
Feri
méme temps qu'à bien des égards,
quer
Schnitzler fut un précurseur.
falt
Erienne Rur.
P6
aux, lei
ont très réus
613
L’interprétation
Kà l'ingénlosité de lettre de feu
an¬
monçant un hôtel pour marquer le
passage au dit, des héros, et à une
Chez M. Georges Pitoéff la présen¬
lation d'un ouvrage égale en impor-mise en scène n’excluant pas le tres
tance le texte, le submerge mème,actuel yo-yo.
pourrait-on dire. Lattrait visuel doit:
Annont
dominer, à la réplique de faire le
reste. Indiscutablement, la création
d’une pièce par ses soins est tou¬
jours un événement. II apporte dans
le décor, dans le jeu des éclairages
une originalité constamment renou¬
velée. II est un maltre de la couleur
du trait qui frappe. Rien de ce qu'il
Lente ne saurait, par conséquent nous
laisser indifférent. C’est beaucoup.
Cependant si réussi, si ingénieux
ju ait été chacun des tableaux qu'il
nous a donnés de la pièce de Schni¬
zler, utilisant le cubisme assagi et
ane synthése toute shakespearienne
parfois, pour indiquer un change¬
ment d’endroit, je n'ai pu m’empé¬
sher de noter quelque lassitude du
fait de cette originalité méme. C’est
là un art qui nous a séduits, nous
a amusés par sa violence, son carac¬
lère d’importation. Ces décors comme
des jouets modernes en agrandisse¬
ment de ces guignols pour enfants,
zes lumieres vives, ces acteurs qui,
la-dedans, vont et viennent en au¬
lomates, tout cela crée une atmos¬
phère d’artificiel, voulue évidem¬
ment, mais par trop atmosphèreipour
drogués. Oui, cet art que nous avons
accueilli avec une curiosité- sympa¬
ihique, on s’aperçoit brusquement
qu'll a vieilli. Peut-étre ne saurait¬
il convenir longtemps à notre na¬
ture latine. La France reste, de par
son climat, de par son ciel mème,
un pays de goüt, de mesure. On y
sent aussi obscurément qu’il est
Theure de se désintoxiquer. Tout ce
qui sera baroque elinquant, impro¬
visé, ne plaira plus que T’espace d'un
malin, Rassurons-nous quant à M.
pittoöff. II a trop de ressources pout