II, Theaterstücke 11, (Reigen, 1), Reigen: Frankreich, Seite 33

11. Reigen
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La chose g sainte et sublime 9, l’union
des deux étres, l’amour, vollà précisé¬
ment sur quoi s’acharne Schnitzler. II
est vrai qulil ne considère que l’amour
physique, le brusque passage du désir
à la satiété... Sa série de sketches nous
montre que, du haut en bas de la so¬
ciété, le mäle repu est non pas seule¬
ment mélancolique, comme le proclame
un illustre adage latin, mais mufle et
goujat, abominablement I..
Entre la fille et le soldat, — qu’on a
remplacé, à l’Avenue, par un matelot, —
les choses vont vite; et Ihomme, aprés
une étreinte rapide, s’enfult, sans un
merci... Le g jeune homme ) n’est pas
beaucoup plus courtois envers la femme
de chambre complaisante... Mais peu à
peu, la comédie amoureuse se compli¬
que, car les intelligences s’affinent, si
les instincts restent primaires.
les
Le méme jeune homme,
sketches de la Ronde s’enchainent l'un
à l’autre par l’un de leurs personnages,
alternativement I’homme et la femme,
— est obligé de déployer plus d’art,
pour conquerir la femme du monde; au
point que l’art affaiblit l’instinct et le
fait, un instant, défaillir.,, La femme in¬
fidele ruse savamment, à son tour, avec
le mari... Le mari joue au virtuose avec
la midinette la midinette heurte son
ame simple aux raffinements préten¬
tleux de Ihomme de lettres, lequel
trouve une actrice plus cabotine et plus
forte que lui.
Enfin, la ronde revient à son point de
départ.., A la fille, dans la rue noire,
sous le reverbère à flamme jaune.
Les premiers sketches sont un peu
écceurants.,, Comme dit Méphisto, c’est
g la bestialité dans toute sa candeur.., )
Les autres, plus fins, — des comédies
en miniature, des comprimés psycholo¬
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giques, — ont un agrément assez vit. Et
T’ironie des dernières scènes est plus sa¬
voureuse que le rude alcool des scènes
initiales.
La Ronde suggère un certain nombre
de réflexions. Lorsque Schnitzler l'a
écrite, — er s’amusant, je pense, — elle
a pu paraitre pessimiste, äpre, venge¬
resse.. C’était du g théätre rosse 9, ou
comme, on l'a dit plus tard, des & tran¬
ches de vie ); coriaces et de goüt vio¬
lent... Aujourd'hul, c’est une suite de
petites dröleries. Le comique des situa¬
tions, la lamentable misère de cette sé¬
rie de & conjonctions s, nous font irré¬
sistiblement rire. Je pense que le trés
intelligent M. Pitoéff l’a voulu ainsi. Sa
mise en scène, ingénieuse, spirituelle,
met l’accent sur le ridicule, non sur le#
tragique. C’est fort bien, et il faut le
féliciter! II est possible qu’il alt parfois
trahi les intentions originelles de l’au¬
teur. Encore n’en crois-je rien.
Mais
Schnitzler ne s’en plaindrait pas.
Ensuite, remarquons que la drama¬
turgie en & chapelet n de la Ronde est
Taieule de celle qui eut tant de succès
aprés-guerre, et qu’on nous disait neuve;
la technique, tres exactement, des Ratés,
de Main et de Chambre dhôtel. Ce n’estt
pas la forme d’art la plus savante, la
plus raffinée. C’est la plus simple.. Cel¬
le des images d’Epinal ou, plus noble
comparaison, des fresques narratives des
peintres primitifs; les Giottos de Padoue
ou la chässe de sainte Ursule, oserais-je
dire, si un rapprochement entre ces pu¬
retés et ces impuretés n’était pas révol¬
tant. En somme, nihil novi.. On le sa¬
vait.
J'ai dit le piquant de la mise en scé¬
ne; il faut louer aussi la qualité de l’in¬
terprétation. Mme Pitoöff joue adorable¬
ment les cind röles de femme ! Peut¬
etre T’attrait de la piéce serait-il plus
grand si la fille, la femme de chambre,
la jeune femme, la midinette et l’actrice
n’avaient pas méme taille, méme voix.
Mme Pitoëff se borne à changer de ro¬
bes et de chevelures. II faut convenir
qu'elle est ravissante en blonde l.. Dans
chaque röle, elle est exquise. Mais son
interprétation de la midinette esquise
sant la biguine en cabinet particuller
m'a paru d’une qualité tout à fait rare.
La biguine et le yo-yo, dans cette vieille
piéce, confirment la volonté de rajeunis¬
sement, l’indépendance, la pétulance de
M. Pitoëff!
II est lui-méme un des interprêtes
masculins. II n'a pas choisi la meilleure
part en s’attribuant le röle du comte.
Bel exemple! M. Geno-Ferny est excel¬
lent dans les deux scènes du mari trom¬
pé et trompeur; et M. Salou, — le jeu¬
ne homme et l’homme de lettres.,
pour ses débuts, s’est affirmé un comé¬
dien de classe, aisé, pittoresque, un
remarquable comique à froid.
Robert KEMP
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