11. Reigen
box 1972
M. Pitoéff vient d’inaugurer de
façon éclatante sa rentrée dramati¬
que, au & Théätre de l’Avenue n, en
nous présentant
et avec quel
gout, quelle ingéniosité inventive,
quel art! — la Ronde de Schnitzler.
Fülustre auteur viennois, mort tout
récemment, laisse, vous ne l’ignorez
pas, de nombreuses comédies, pres¬
que toutes significatives, et dont
quatre ou cind, pour le moins, peu¬
vent étre qualifiées de chefs-d’eu¬
vre. II tient, avec Hauptmann, le
premier rang, dans la dramaturgie
de son pays et de son temps l...
La Ronde marque la participa¬
tion, adhésion de Schnitzler
Wan
mouvement réaliste öu Natdranste
créé par le Théátre-Libre d’Antoine,
et la pièce parut, à l’époque, d’une
singulière audace; à telles en¬
seignes que la censure la prohiba,
pendant de longues années, et que,
représentée à Vienne, au lendemain
de la guerre, elle provoqua encore
une manière de scandale 1 On a quel
que peine à le concevoir, chez nous;
car ia Ronde n’offre rien de, parti¬
culièrement choquant, témoigne, au
contraire, d’un art sohre, aigu,
nuancé, très voisin de celui de nos
meilleurs écrivains français, et mé¬
me parisiens. Certaines scènes nous
font invinciblement songer à du
Becque, et d’autres scènes à du Don.
nay.
En dix épisodes. Schnitzler anime
des hommes, des femmes apparte¬
nant à toutes les classes sociales
(pierreuses, marins, servantes, mon¬
dains, bourgeois, artistes, nobles,
etc.), à la chasse de l’amour, et réa¬
gissant, après l’amour de facon
presque identique, masculinement et
fémininement.
Cette série de sketches, à la manié¬
re, un peu, des Quarts d’keure, de
Lavedan et Guiches, et plus récem¬
ment de Chambre d’Hôtel, de M.
Rocher, dégage une vérité, une iro¬
nie, une amertume tout ensemble co¬
miques et poignantes; et, à mesure
que la çondition sociale des person¬
nages se hausse d’un cran, l’auteur
nous les montre de plus en plus tor¬
turés. tourmentés, victimes de la
complexité baroque, absurde de leur
cerveau et de leur cceur, entrafnés
à se ientir, se n bluffer u. sans mé¬
me s’en apercevoir. A ce point de
vue, les scènes mettant aux prises
un littérateur et une midinette sim¬
pliste, une actrice (jouant, vivant,
aimant comme devant son miroir)
et un officier e intellectualiste # at¬
teignent à une cocasserie folle, éper¬
due, grandiose, en vérité. Ces épiso¬
des-lä ne portent point la marque
d’une époque, ne datent pas, demeu¬
rent d’aujourd'hui et de toujours.
II faut aller voir la Ronde! Mise
en scène modernisée, u actualisée n
par M. Pitoéff, avec une ingéniosité.
une intelligence, une malice ironi¬
que qui tiennent du miracle, la piéce
a trouvé en Mmne Ludmilla Pitoöff
(elle joue tous les röles de femmes,
sous des aspects divers), une inter¬
prète éblouissante de gräce, de va¬
riété, de multi-féminité, de souples¬
se pénétrante et profonde. Elle seule
box 1972
M. Pitoéff vient d’inaugurer de
façon éclatante sa rentrée dramati¬
que, au & Théätre de l’Avenue n, en
nous présentant
et avec quel
gout, quelle ingéniosité inventive,
quel art! — la Ronde de Schnitzler.
Fülustre auteur viennois, mort tout
récemment, laisse, vous ne l’ignorez
pas, de nombreuses comédies, pres¬
que toutes significatives, et dont
quatre ou cind, pour le moins, peu¬
vent étre qualifiées de chefs-d’eu¬
vre. II tient, avec Hauptmann, le
premier rang, dans la dramaturgie
de son pays et de son temps l...
La Ronde marque la participa¬
tion, adhésion de Schnitzler
Wan
mouvement réaliste öu Natdranste
créé par le Théátre-Libre d’Antoine,
et la pièce parut, à l’époque, d’une
singulière audace; à telles en¬
seignes que la censure la prohiba,
pendant de longues années, et que,
représentée à Vienne, au lendemain
de la guerre, elle provoqua encore
une manière de scandale 1 On a quel
que peine à le concevoir, chez nous;
car ia Ronde n’offre rien de, parti¬
culièrement choquant, témoigne, au
contraire, d’un art sohre, aigu,
nuancé, très voisin de celui de nos
meilleurs écrivains français, et mé¬
me parisiens. Certaines scènes nous
font invinciblement songer à du
Becque, et d’autres scènes à du Don.
nay.
En dix épisodes. Schnitzler anime
des hommes, des femmes apparte¬
nant à toutes les classes sociales
(pierreuses, marins, servantes, mon¬
dains, bourgeois, artistes, nobles,
etc.), à la chasse de l’amour, et réa¬
gissant, après l’amour de facon
presque identique, masculinement et
fémininement.
Cette série de sketches, à la manié¬
re, un peu, des Quarts d’keure, de
Lavedan et Guiches, et plus récem¬
ment de Chambre d’Hôtel, de M.
Rocher, dégage une vérité, une iro¬
nie, une amertume tout ensemble co¬
miques et poignantes; et, à mesure
que la çondition sociale des person¬
nages se hausse d’un cran, l’auteur
nous les montre de plus en plus tor¬
turés. tourmentés, victimes de la
complexité baroque, absurde de leur
cerveau et de leur cceur, entrafnés
à se ientir, se n bluffer u. sans mé¬
me s’en apercevoir. A ce point de
vue, les scènes mettant aux prises
un littérateur et une midinette sim¬
pliste, une actrice (jouant, vivant,
aimant comme devant son miroir)
et un officier e intellectualiste # at¬
teignent à une cocasserie folle, éper¬
due, grandiose, en vérité. Ces épiso¬
des-lä ne portent point la marque
d’une époque, ne datent pas, demeu¬
rent d’aujourd'hui et de toujours.
II faut aller voir la Ronde! Mise
en scène modernisée, u actualisée n
par M. Pitoéff, avec une ingéniosité.
une intelligence, une malice ironi¬
que qui tiennent du miracle, la piéce
a trouvé en Mmne Ludmilla Pitoöff
(elle joue tous les röles de femmes,
sous des aspects divers), une inter¬
prète éblouissante de gräce, de va¬
riété, de multi-féminité, de souples¬
se pénétrante et profonde. Elle seule