II, Theaterstücke 11, (Reigen, 1), Reigen: Frankreich, Seite 58

11. Reigen
box 1972
N• DE DERIT—
GANDIDE
Kasrafl &:
18. Rue du S-Gothard-XIV¬
Achresse:
Date
6 OCTOBRE 1932
Sionafur
Krposition
LES PIECES NOUVELLES
O
Au théätre de l’Avenue: LA RONDE, par Arthur SCHNITZLER
Une pièce tout n fait extraordinaire, j’sente — 0 prodiges de l’art dramatique —
Mesdames et Messieurs. Une de ces pièces-]une prostituée. Elle rencontre un matelot
phares qui jalonnent la route ténébreuse de
àqui elle fait des offres de service. Le ma¬
Thumanité. Le Viennois Arthur Schnitz¬
telot est tenté et il est d’humeur aimable.
1l dispuraissent.
ler, qui la perpétra devers l’an 1890, n’est
En temps. Ils revien¬
pas seulement un grand poête, et le poôie
nent. Le matelot assonvi est grossier et
de lamour; cest aussi un profond psycho¬
pressé de rentrer à la caserne. Rideau.
logue et un penseur qui plonge dans les
Au second tableau, le méme matelot fait
vérités éternelles. Grand créateur, poste
danser dans une guinguette Mme Pitoeff
de l’äme, etc.., Plus il allait, plus sa pensée
qui représente maintenant une bonne inno¬
devenait profonde: elle s’est arrêtée en
cente. Le matelot lui fait la cour, la presse,
1931, quand il est mort à l’äge de soixante¬
la séduit, l’emmène. Ils disparaissent. Un.
neuf ans. II est. à l’égal de Gerhart Haupt¬
temps. Ils reviennent. Le matelot assouvi
mann, et bien au-dessus de tous les Suder¬
est grossier et pressé d’aller danser avec
man, le plus grand auteur dramatique de
une autre femme. Rideau.
1’Allemagne contemporaine.
Au troisième tableau, Mmne Pitoeff re¬
Also sprach, alnsi parlait la voix des
présente toujours la bonne et c’est le par¬
gazettes. Quant à La Ronde, que nous al¬
tenaire mäle qui change. O’est malntenant
lions voir chez M. Pitoeff, c’est une de ces
le fils des patrons de la bonne. Il a envie
pièces frénétiques et fulminantes qui ne
d’elle, iI lui fait la cour, la presse, la sé¬
peuvent pas étre comprises par leur
duit, l’emmène, Ils disparaissent. Un
époque, IIy a la-dedans trop de génie et
temnps. IIs reviennent. Le jeune homme
aussi trop d’audace. Aussi bien, à Berlin,
assouvi est grossier et pressé d’aller au
eile fut interdite par la censure. Quand on
café voisin pour se rafraichir. Rideau.
la représenta dans Vienne libérée au len¬
On commence à se demander si ce
demain de la révolution de 1918, elle y
va durer toute la soirée, et si M. Pitoeff
suscita d’horribles scandales. La pensée
nous a dérangé pour nous révéler une vé¬
conductrice est telleinent tragique d force
rité si surprenante. Le quatrième tableau
d’étre poignante que personne n’y comprit
apporte une très légère varlante. Le jeune
rien. Schnitzler se vengea des philistins,
honune sédult de nouveau Mmne Pitoeff,
i detendit qu'on jouat sa piece en Au¬
mais qui figure maintenant une femme
triche et en Allemagne. Chez nous, notré
mariée et honnéte. Après l’éclipse et le
cher et vénéré patriarche, M. Antoine, eut
temps obligatoires, il veut bien rester rela¬
envie de la jouer, mais y renonça à cause
tivement poli. Mais quand sa conquéte
d’une difficulté matérielle: de quelle facon
est partie, sa première pensée est: enfin!
concevoir et réaliser cet éternel féminin
Jai séduit une femme mariée.
unique et polymorphe? M. Pitoeff avait
Au cinquième tableau, ca recommence.
enfin trouvé la formule magique. II inau¬
La méme femme mariée est en froid avec
gurait la saison an théätre de I’Avenue en
son mari qui s’efforce de la reconquérir.
iouant Ja Ronde, et l’on allalt voir ce que
Elle est encore chaude de la rencontre pré¬
Ton allait volr.
cédente, et pourtant elle cède à son mari.
Après quoi celui-ci, fatigué, va se cou¬
cher en bäillant et en soufflant la chan¬
Volci ce qu'on a vu.
delle, II est posslble que la réallté présente
Au premier tableau, Mme Pitoeff repré¬
des scènes pareilles. II n’en est pas moins
vrai qu’étalées en public elles sont pé¬

nibles. Nous ne sommes plus assez naif
e Aa . u uu unn
pour éprouver de ces fausses nudaces les
horribles scandales qul ont espouvanté les
Viennois. Mais enfin, il faut bien répéter
pour la millionlème fols depuis les ori-
gines de l’espéce que si T’art dolt étre vrai,
toute vérité n’est pas de l’art. Et puis, ne
pouvoir supporter ces gracieuses évoca¬
tions en public, cen’est pas affaire de théo¬
rie, c’est affaire de nerfs, de goült peut¬
étre.
Au tableau suivant, car sans doute com¬
mencez-vous à avoir saisi le mécanisme,
on verra le mari tromper sa femme avec
une midinette; puis la midinette se laisser
aller aux bras d’un auteur dramatique;
puis l'anteur dramatique en bonne fortune
avec une actrice; puis T’actrice en galante
compagnie d’un officier hongrois arlsto¬
crate; puis, enfin, un solr d’ivresse, le
Hongrois aristocrate se retrouve avec la
fille qui ouvrit à la première scène la
ronde avec le matelot. Car telle est la
grande pensée d’Arthur Schnitzler, La
Ronde qui, comme dit un vers majestuenx
de notre Joachim du Bellay.
Montre que tout retourne à son commence¬
Iment.
La vérité n’est pas neuve. Evidemment,
il fallait penser à l’appliquer aux choses
de T'amour, en ce qu'elles ont de moins