11. Reigen
box 1972
214
LA REVUE DE PARIS
avec sa victime. C’est ce que j'appelais, en 1927, une vue
oblique ) du sujet.
Dans la Fleur des pots, le propos, encore qu'il soit genéra¬
lement considéré comme plus génant que celui de la Prison¬
niere, est ou semble abordé de front: pan! en plein dans ie
mille! Mais, si je dis esembley, ce n’est point sans intention.
La Prisonnière, en effet, est un drame, la Fleur des pois, une
comédie, et une comédie qui, à la minute mémne ou le thème
scabreux est attaqué, brusquement tourne à la farce. La diffé¬
rence est énorme. Soyez sürs qu’elle n’a point échappé à
M. Bourdet, lorsqu’il a du prendre une décision sur le tour
qu'il donnerait á son ceuvre. II appartient à l'homme de
théätre qui domine sa matière de prévoir ce que, en tel lieu,
en telle année, vu l’état des esprits et l’évolution des mceurs,
il peut dire et comment il peut le dire, bref ce qu’il peut faire
avaler à une salle.
M. Bourdet a fait preuve d’intelligence en portant son
étude sur le plan comique. Outre que ce choix satisfaisait en
lui le penchant qu’il a pour la satire; ily trouvait d’autres
avantages: le comique est un miroir déformantqui dépouille
T’image de ce qu’elle aurait d’embarrassant, d’intolérable
dans sa stricte réalité. Le comique charge la cculeur, et
parait ainsi (encore un bénéfice!) outrer la hardiesse de la
peinture, alors qu’il l’atténue, la transforme en divertis¬
sement, en un jeu de tréteaux, en parade. Cela est si vrai
que, le plan comique une fois adopté, l'habile auteur n'a pas
manqué d’abonder dans ce sens. Les sourires, les rires fins
neussent pas sufli à détendre l'atmosphére créée par l’étalage
d’une passion scandaleuse. II fallait, pour assainir l’air,
déchainer le gros rire. M. Bourdet ya réussi.
Lä ne s’est pas bornée son astuce. Quelles que soient, dans
un certain monde, dans le monde tout court, qui est précisé¬
ment le milieu que l’auteur met en scene, les complaisances
de l’opinion à l’égard de l'anomalie en cause, il est certain que
le tableau de l’inversion masculine, au cas ou il s’agirait
d’un amour partagé, serait, au théätre, chez nous, et en 1932,
impossible. M. Bourdet fait asseoir Toto et Albert, face au
public, sur un petit canapé. Toto lorgne Albert et lui glisse
mainte invite; mais Albert, qui est tout ce qu’il y a de plus
box 1972
214
LA REVUE DE PARIS
avec sa victime. C’est ce que j'appelais, en 1927, une vue
oblique ) du sujet.
Dans la Fleur des pots, le propos, encore qu'il soit genéra¬
lement considéré comme plus génant que celui de la Prison¬
niere, est ou semble abordé de front: pan! en plein dans ie
mille! Mais, si je dis esembley, ce n’est point sans intention.
La Prisonnière, en effet, est un drame, la Fleur des pois, une
comédie, et une comédie qui, à la minute mémne ou le thème
scabreux est attaqué, brusquement tourne à la farce. La diffé¬
rence est énorme. Soyez sürs qu’elle n’a point échappé à
M. Bourdet, lorsqu’il a du prendre une décision sur le tour
qu'il donnerait á son ceuvre. II appartient à l'homme de
théätre qui domine sa matière de prévoir ce que, en tel lieu,
en telle année, vu l’état des esprits et l’évolution des mceurs,
il peut dire et comment il peut le dire, bref ce qu’il peut faire
avaler à une salle.
M. Bourdet a fait preuve d’intelligence en portant son
étude sur le plan comique. Outre que ce choix satisfaisait en
lui le penchant qu’il a pour la satire; ily trouvait d’autres
avantages: le comique est un miroir déformantqui dépouille
T’image de ce qu’elle aurait d’embarrassant, d’intolérable
dans sa stricte réalité. Le comique charge la cculeur, et
parait ainsi (encore un bénéfice!) outrer la hardiesse de la
peinture, alors qu’il l’atténue, la transforme en divertis¬
sement, en un jeu de tréteaux, en parade. Cela est si vrai
que, le plan comique une fois adopté, l'habile auteur n'a pas
manqué d’abonder dans ce sens. Les sourires, les rires fins
neussent pas sufli à détendre l'atmosphére créée par l’étalage
d’une passion scandaleuse. II fallait, pour assainir l’air,
déchainer le gros rire. M. Bourdet ya réussi.
Lä ne s’est pas bornée son astuce. Quelles que soient, dans
un certain monde, dans le monde tout court, qui est précisé¬
ment le milieu que l’auteur met en scene, les complaisances
de l’opinion à l’égard de l'anomalie en cause, il est certain que
le tableau de l’inversion masculine, au cas ou il s’agirait
d’un amour partagé, serait, au théätre, chez nous, et en 1932,
impossible. M. Bourdet fait asseoir Toto et Albert, face au
public, sur un petit canapé. Toto lorgne Albert et lui glisse
mainte invite; mais Albert, qui est tout ce qu’il y a de plus