II, Theaterstücke 9, (Der grüne Kakadu. Drei Einakter, 3), Der grüne Kakadu. Groteske in einem Akt, Seite 61

seches sont bien dans la physionomié
un peu étroite de son emplol.
Tous ces gens dont chacun dit ce qu'il
faut töurnent autdur d’une action qui
ne m'a pas paru aussi nette que leurs
paroles. Cette Guerre au village c’est
Thistoire d’une jeune institutrice, Hen¬
riette Pastoret, qui a été jadis séduite
pür un avocat, René Dübreuil, qui ena
en un enfant et qui, abandonnée par son
séducteur est entrée dans l’enseigne¬
ment. Elleexerce, présentement dans un
petit village de la Charente. Le ialheur
veut que son ancien amant doive préci¬
sément épouser la fille du maire de
Tendroit: II compte de plus se Pré¬
senter à la députation dans le pays.
De là tontes sortes d’ennuis qui vien¬
nent fondre sur la malheureuse insti¬
tutrice. Elle a cru devoir, en effet, ré¬
véler au maire, comme à son protecteur
naturel, le passé de son futur gendre.
Mais le maire, qui voit dans le jeune
avocat un excellent parti pour sa fille,
n’entend pas du tout rompre ce mariage
et il ne songe, au contraire, qu’à sacrifier
Tinstitutrice. Celle-ci pourrait se tirer
d’affaire en acceptant les propositions
de son ancien séducteur qui, pour éviter
tout scandale, vient lui offrir sa protec¬
tion à la condition qu’elle lui rendra ses
lettres.
Mais Henriette est trop flère pour ac¬
cepter; elle repousse toute transaction,
elle refuse de se soumettre. Elle veut la
lutte, mais elle est bien vite vaincue.
Tout le village se ligue contre elle. Le
candidat jure en réunion publique qu'il
n’a jamais rien en de commun avec
la jeune fille, et les électeurs ie croient
sur parole. En vain un défenseur d’Hen¬
riette, son collegue dans l’enseignc¬
ment, le professeur Masseron, qui est
d’ailleurs amoureux d’elle, veut jeter
à la face de René Dubreuil les lettres
accusatrices. On les lui arräche des
mains. Le suffrage universel quand il
se mef à être aveugle ne l’est pas à moi¬
tié. René Dubreuil sèra élu député et
Henriette, abandonnée de ses chefs, de¬
vra quitter ie village ou plus personne
ne peut rien pour elle. mème pas le
curé à qui elle s’était adressée en dé¬
sespoir de cause et qui, tout brave
homme qu’il est, se comprométtrait
en püre perte s’il voulait venir en aide
à une institufrice laique. Henriette, huée
par la population dans une scène fl¬
nale qui m’a rappelé le dénouement de
Ecolière, de M. Jean Julien, en est donc
réduite äsen aller au bras du pautre
Masserön, autre väincu de la vie, qui
Tépousera et la soütiendra tant bien que
mal encette misérable vallée de larmes.
Je répeté que; sillya une these, je ne
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s-bien vue. Car on a beau vouleir
rtoutes les iniquités sociales, i:
ewnCertamn que la qualité de fille¬
mère ne vous désigne pas précisément
au röle d’institutrice. Ce n’est pas non
plus unsmotif absolu dexclusion. La vie
est moins intransigeante que leithéätre,
et il est bien certain que, dans la pra¬
tique courante, les choses se seraient ar¬
rangées plus philosophiquement que
dans lä piéce de M. Trarieux. L’institu¬
trice, après avoir très légitimement crié
son indignation au jeune homme, aurait,
dans Tintérét de son enfant, acrepté
cömme üne répäration tardive la preiect
tion qu'il lui offrait. Le maire se serait.
entremis pour arranger l’affaire, et le
recteur et le préfet, gens d’ordinaire peu
amoureux du scandale, auraient discré¬
tement déplacé l’institutrice qui, mariée
avecl’excellent Masseron, aurait pu, sans
perdre sa place, se refaire ailleurs une
vie plus tranquille.
Seulement, il n’v aurait pas eu de
pièce, et c’eüt été dommage, car malgré
les imperfections que j'ai signalées et
aui sont pour ainsi dire théoriques plutôt
K
est traité d’ v amateur , et conspué par
Tassistance, tandis que celle-ci nest pas
Zloignée de croire à Tauthenticité du poi¬
gnant récit que lui sait le célebre acteur
Didier. Cet acteur, pour terroriser son
public de choix, invente un drame saisis¬
sant: ilräconte qu' vient de tuer le
duc de Cädignan, qulil a surpris avec sa
fEmme Léocadie, la célehre comédienne.
Ille fait avec tant de vérité, de dése spoir,
de fureur, dégarement simule que
Prosper lui-méme, le patron, s’y laisse
prendre.
Tu n'ignorais donc pas ce que nous
Savions tous? Jui dit-il.
Cest une révélation pour Dioier. Dap¬
prend ainsi que la fable de la tranison
de sa femme, par lui imaginée comme
prétexte à jouer la comédie, est une
chose vraie, connue de tous, et, dans un
accès de colère terrible, il poignarde le#
duc de Cadignan, qui survient... Le dé¬
sarroi et le tumulte sont portés à leur
comble par T’arrivée d’une troupe de ré¬
volutionneires, iyres de sang, qui vien¬
nent annoncer la prise de la Bastille et
sefruent sur la petite troupe des grands
seigneurs.
Dans cette pièce, dontla mise en scène
compliquée est admirablement réglée,
toute la troupe du théätre Antoine dönne
avec conviction et intelligence. M. Mar¬
quet estun superbe Didur; Matrat, un
Prosper tour à tour bon enfaut et tragi¬
que; Signoret, un duc de Cadignan dis¬
tingué; Degeorge, un curieux Grasset
tomitruant; Berthier fait de Sesvola une
pittoresque silhouette. Dans ce milieu
sinistre, des femmes mettent une note
de gräce qui n’est pas de trop, cersont
Mmes Grumbach, Van Doren, Luce Co¬
las, Barsange et Marley.
Emmanuel Arène.