THEATALS DE PARIS
DES
THEATRE DE L’ATHENEE : Prière pour les vivanis, piece en trois
actes et dix tableaux de M. Jacques Devai, décors de J. Boussard.
THEATRE DU VIEUX-COLO MBIER (Compagnie Pitoëff): Liebelei
et Les Derniers masques, pièces de M. Arthur Schnitzlere
de Mme Clauser, mise en scène de Pitoéff.
Raine, Tressy, Vanderic v jouent ex¬
dégage d’une semblable existence ouf
tout est sans äme. C’est en vain que, à
cellemment leurs röles divers, ainsi
la naissance de Pierre Massoubre, une
que Mmes M. Mellot, Doria, Fontan,
pieuse grand’mère a prononcé la e prié¬
Helly, Villars — tous menés par l’au¬
re pour les vivants;; ce vivant n’aura
teur dans un mouvement dune vie
pas d’äme. La mère, morte trop tôt,
intense et disant les mots les plus amu¬
sants, Ce n’est que peu à peu, alors
manquera à cette enfance aride, à
que nous ne pouvons plus imaginer ce
cette jeunesse délaissée. Son père était,
avant lui, est resté, un égoiste et un
que sera la vie de Pierre Massoubre,
puisqu'il la déroule devant nous, que
jouisseur, et c’est ee que sera le fils
de Pierre lorsque Pierre sera mort à
nous nous sentons navrés par la misère
son tour et que Robert Massouhre, ai¬
générale et cet excès de basse réalité.
mable garçon, fera des frais à la der¬
nière conquéte de Pierre Massouhre,
assis, elle et lui, sur le lit ou ce Pierre
J'ai beaucoup goüté Liebelei, cette
Massouhre est mort. On voit le ton de!
g bleuette , noire. Le film avait sé¬
la pièce. Ce jour-la, ce Robert, à son
duit, avant la piéce, et ses admirateurs
tour aussi, vient d’avoir un fils. La
iront certainement au Vieux-Colomhier
sceur ainée, encore bien petite, priera
applaudir Mme Ludmila Pitoeff dans
seule pour ce nouveau-né, ainsi qu'une
le röle de Christine. L’auditoire se par¬
aieule avait prié à la naissance de ce
tageait l’autre jour entre ceux qui pré¬
Pierre Massoubre disparu, laissant la
féraient la piéce et ceux qui préféraient
place aux jeunes. Est-ce que ce nou¬
le film. Le film, qui est charmant, a
veau rejeton, continuant la morne
tiré un parti tout spécial de la mème
chaine, sera dépourvu, lui aussi, de
mstoire dramatique. Le Vienne d’avant
tout ce qui vous fait vraiment vivant?
guerre, les pavsages, les soirées à
Souhaitons-Jui de ressembler à la
I’Opéra, les beaux uniformes des jeu¬
jeune femme de Pierre Massouhre, à
nes gens, autant de prestiges dont la
Françoise, morte si vite, usée avant
pièce ne peut qu’être dépourvue. Par
T’äge. C’est cette touchante Françoise,
contre, le film nous montrait la belle
trahie par son mari, par son amie, qui
amie e fatale , qui décide du destin de
nous fait entrevoir l’intention profonde
Fritz et diminuait ainsi lintensité du
de l’auteur. Certes, elle ne meurt pas
drame unique et du personnage de
de ces trahisons mesquines, mais bien
Christine. Car Christine est le seul per¬
d’avoir aimé un étre sans ame, d’avoir
sonnage de la pièce, et l’épanouisse¬
vécu dans cette atmosphère qui, pour
ment de son caractère passionné,
certains esprits, est irrespirable, at¬
cmbrageux, intense et jeloux, trop
mosphère de calculs, de réussites uni¬
jeune, en fait tout l’intérét. Pendant
quement matérielles, de petites mufle¬
tous les épisodes de plaisir et de naiveté
ries quotidiennes, d’incompréhension
de ces deux actes, elle ne cesse de soup¬
et de platitude, ou les mensonges re¬
çonner un mystère, de se méfler des se¬
présentent la seule imagination, et ou
creis de Fritz, de ses allées et venues,
on ne se console des deceptions amé¬
de ses détours, de ses silences, et l’effet
res ni par l’intelligence, ni par la beau¬
est beaucoup plus grand de ne pas voir
té morale, ni par la religion
celle-là qui se croit, elle aussi, aimée, et
Mme Yolande Laffon incarne svec
qui, par ses imprudences et la jalousie
le tact le plus exquis cette charmante
de son mari, causera la mort de Fritz.
Françoise, qui a toujours été dinuée
Cette absente, cette invisible plane si¬
et misérable. Jeune, la pauvreté l’étrei¬
nistrement sur toute l’aventure de jeu¬
gnait. Devenue riche, elle est dépouil¬
nesse et de gaieté, et est beaucoup plus
Iée de tout amour, de toute conffince,
présente à nos esprits que lorsque
de tout espoir. Elle a exprimé avec
nous l’avons vue à l’écran. Quand la
une rare délicatesse ces jalousies re¬
petite Christine apprendra que Fritz
frénées, ces déceptions quotidiennes, ce
est mort, tué en quel, et comment et
désenchantement sans ressentiment.
pourquoi, ce qu’ily a de très beau en
M. Jacques Baumer est parfait en Mas¬
ce caractère de jeune fille c’est qu’elle
soubre devenu homme. MM. Pacand et
souffre moins de savoir Fritz morf que
Rollin sont aussi très bien en Mas¬
d’apprendre qu’il est mort à cause
souhre enfant et jeune homme. Le
d’une autre. C’est de jalousie, de dé¬
premier tableau oü Pierre Massoubre
céption passionnée qu'elle va sans
nait, ne nous présente pas le nonveau
doute mourir à son tour, parce qu’elle
venu sur cette triste terre. Je n’ai pas
est trop jeune pour admettre et pour
à nommer l’acieur vagissant. Mais ce
comprendre. Elle pourrait vivre sans
tableau est un des mienx réussis de
Fritz.,, peut-étre.,, mais non sans croire
la pièce, avec le père et l’onele se
à l’amour. Sa sincérité, son amour ab¬
brouillant à propos des faveurs de la
solu se révoltent contre la duplicité
honne et de la nourrice, le grand-père
des sentiments, Fritz n’est plus seule¬
gatenx, la petite fille curieuse, la tante.
ment Fritz, l’amant perlide, mais, en
la sage-femme, la grand’mère le no¬
l'äme enfantine de Christine, il incarne
taire, venu parler d’un procès qui ne
subitement l’amour, le réve, la vie,
sera pas encore fini à la fin de la jièce
Mme Pitoeff est émouvante et entan
et que nous soupconnons — non le
tine, rendant si justement l’étonne
procès, mais le notaire — d’être le père!
ment de la pureté, de l’amour trop en
secret du nouveau-né, enfin toute cette
tier, incompréhensif et neuf, en face
ambiance, si bien évoquée, de bonne
des mensonges du désir; et Mlle Ca
petit muflerie familiale. Cette famille
n’est pas sympathique. MM. Palau, 1 pri, l’amie plus avisée et désinvolte, est
papa musicien et indulgent, II se lait
Aéja applaudir dans l’acte qui précéde
Liebelei, Les Derniers masques, ou il
représente avec le plus grand talent
un mourant qui, avant de mönrir à
Thöpital, veut revoir un ancien ami et
Jui gächer le reste de sa vie en lui ré¬
vélant un affreux secret. En allendanf
T’arrivéode cet ami hal, i ne peut s em¬
pécher de confier son altente et ses
projets à un compagnon de maladie,
un acteur phtisique qui se plait à con¬
trefaire tous les gens, à mimer tous les
masques, et qui finit par le persuader
de jouer avec lui une sorte de répétition
de l’entrevue future. L’autre, troublé
par sa fiévre, se dresse sur son lit, et
c’est à cet étranger burlesque qu'il se
confie, en lui faisant tenir le röle de
celui qui va venir et que la révélation
infäme doit désespérer. Mais non; à
ce véritable arrivant, qui vient enfin
et s’assied au pied de son lit, il ne dira
rien. A quoi bon., Et c’est très saisis
sant.
Gérard d’Houville.
—
DES
THEATRE DE L’ATHENEE : Prière pour les vivanis, piece en trois
actes et dix tableaux de M. Jacques Devai, décors de J. Boussard.
THEATRE DU VIEUX-COLO MBIER (Compagnie Pitoëff): Liebelei
et Les Derniers masques, pièces de M. Arthur Schnitzlere
de Mme Clauser, mise en scène de Pitoéff.
Raine, Tressy, Vanderic v jouent ex¬
dégage d’une semblable existence ouf
tout est sans äme. C’est en vain que, à
cellemment leurs röles divers, ainsi
la naissance de Pierre Massoubre, une
que Mmes M. Mellot, Doria, Fontan,
pieuse grand’mère a prononcé la e prié¬
Helly, Villars — tous menés par l’au¬
re pour les vivants;; ce vivant n’aura
teur dans un mouvement dune vie
pas d’äme. La mère, morte trop tôt,
intense et disant les mots les plus amu¬
sants, Ce n’est que peu à peu, alors
manquera à cette enfance aride, à
que nous ne pouvons plus imaginer ce
cette jeunesse délaissée. Son père était,
avant lui, est resté, un égoiste et un
que sera la vie de Pierre Massoubre,
puisqu'il la déroule devant nous, que
jouisseur, et c’est ee que sera le fils
de Pierre lorsque Pierre sera mort à
nous nous sentons navrés par la misère
son tour et que Robert Massouhre, ai¬
générale et cet excès de basse réalité.
mable garçon, fera des frais à la der¬
nière conquéte de Pierre Massouhre,
assis, elle et lui, sur le lit ou ce Pierre
J'ai beaucoup goüté Liebelei, cette
Massouhre est mort. On voit le ton de!
g bleuette , noire. Le film avait sé¬
la pièce. Ce jour-la, ce Robert, à son
duit, avant la piéce, et ses admirateurs
tour aussi, vient d’avoir un fils. La
iront certainement au Vieux-Colomhier
sceur ainée, encore bien petite, priera
applaudir Mme Ludmila Pitoeff dans
seule pour ce nouveau-né, ainsi qu'une
le röle de Christine. L’auditoire se par¬
aieule avait prié à la naissance de ce
tageait l’autre jour entre ceux qui pré¬
Pierre Massoubre disparu, laissant la
féraient la piéce et ceux qui préféraient
place aux jeunes. Est-ce que ce nou¬
le film. Le film, qui est charmant, a
veau rejeton, continuant la morne
tiré un parti tout spécial de la mème
chaine, sera dépourvu, lui aussi, de
mstoire dramatique. Le Vienne d’avant
tout ce qui vous fait vraiment vivant?
guerre, les pavsages, les soirées à
Souhaitons-Jui de ressembler à la
I’Opéra, les beaux uniformes des jeu¬
jeune femme de Pierre Massouhre, à
nes gens, autant de prestiges dont la
Françoise, morte si vite, usée avant
pièce ne peut qu’être dépourvue. Par
T’äge. C’est cette touchante Françoise,
contre, le film nous montrait la belle
trahie par son mari, par son amie, qui
amie e fatale , qui décide du destin de
nous fait entrevoir l’intention profonde
Fritz et diminuait ainsi lintensité du
de l’auteur. Certes, elle ne meurt pas
drame unique et du personnage de
de ces trahisons mesquines, mais bien
Christine. Car Christine est le seul per¬
d’avoir aimé un étre sans ame, d’avoir
sonnage de la pièce, et l’épanouisse¬
vécu dans cette atmosphère qui, pour
ment de son caractère passionné,
certains esprits, est irrespirable, at¬
cmbrageux, intense et jeloux, trop
mosphère de calculs, de réussites uni¬
jeune, en fait tout l’intérét. Pendant
quement matérielles, de petites mufle¬
tous les épisodes de plaisir et de naiveté
ries quotidiennes, d’incompréhension
de ces deux actes, elle ne cesse de soup¬
et de platitude, ou les mensonges re¬
çonner un mystère, de se méfler des se¬
présentent la seule imagination, et ou
creis de Fritz, de ses allées et venues,
on ne se console des deceptions amé¬
de ses détours, de ses silences, et l’effet
res ni par l’intelligence, ni par la beau¬
est beaucoup plus grand de ne pas voir
té morale, ni par la religion
celle-là qui se croit, elle aussi, aimée, et
Mme Yolande Laffon incarne svec
qui, par ses imprudences et la jalousie
le tact le plus exquis cette charmante
de son mari, causera la mort de Fritz.
Françoise, qui a toujours été dinuée
Cette absente, cette invisible plane si¬
et misérable. Jeune, la pauvreté l’étrei¬
nistrement sur toute l’aventure de jeu¬
gnait. Devenue riche, elle est dépouil¬
nesse et de gaieté, et est beaucoup plus
Iée de tout amour, de toute conffince,
présente à nos esprits que lorsque
de tout espoir. Elle a exprimé avec
nous l’avons vue à l’écran. Quand la
une rare délicatesse ces jalousies re¬
petite Christine apprendra que Fritz
frénées, ces déceptions quotidiennes, ce
est mort, tué en quel, et comment et
désenchantement sans ressentiment.
pourquoi, ce qu’ily a de très beau en
M. Jacques Baumer est parfait en Mas¬
ce caractère de jeune fille c’est qu’elle
soubre devenu homme. MM. Pacand et
souffre moins de savoir Fritz morf que
Rollin sont aussi très bien en Mas¬
d’apprendre qu’il est mort à cause
souhre enfant et jeune homme. Le
d’une autre. C’est de jalousie, de dé¬
premier tableau oü Pierre Massoubre
céption passionnée qu'elle va sans
nait, ne nous présente pas le nonveau
doute mourir à son tour, parce qu’elle
venu sur cette triste terre. Je n’ai pas
est trop jeune pour admettre et pour
à nommer l’acieur vagissant. Mais ce
comprendre. Elle pourrait vivre sans
tableau est un des mienx réussis de
Fritz.,, peut-étre.,, mais non sans croire
la pièce, avec le père et l’onele se
à l’amour. Sa sincérité, son amour ab¬
brouillant à propos des faveurs de la
solu se révoltent contre la duplicité
honne et de la nourrice, le grand-père
des sentiments, Fritz n’est plus seule¬
gatenx, la petite fille curieuse, la tante.
ment Fritz, l’amant perlide, mais, en
la sage-femme, la grand’mère le no¬
l'äme enfantine de Christine, il incarne
taire, venu parler d’un procès qui ne
subitement l’amour, le réve, la vie,
sera pas encore fini à la fin de la jièce
Mme Pitoeff est émouvante et entan
et que nous soupconnons — non le
tine, rendant si justement l’étonne
procès, mais le notaire — d’être le père!
ment de la pureté, de l’amour trop en
secret du nouveau-né, enfin toute cette
tier, incompréhensif et neuf, en face
ambiance, si bien évoquée, de bonne
des mensonges du désir; et Mlle Ca
petit muflerie familiale. Cette famille
n’est pas sympathique. MM. Palau, 1 pri, l’amie plus avisée et désinvolte, est
papa musicien et indulgent, II se lait
Aéja applaudir dans l’acte qui précéde
Liebelei, Les Derniers masques, ou il
représente avec le plus grand talent
un mourant qui, avant de mönrir à
Thöpital, veut revoir un ancien ami et
Jui gächer le reste de sa vie en lui ré¬
vélant un affreux secret. En allendanf
T’arrivéode cet ami hal, i ne peut s em¬
pécher de confier son altente et ses
projets à un compagnon de maladie,
un acteur phtisique qui se plait à con¬
trefaire tous les gens, à mimer tous les
masques, et qui finit par le persuader
de jouer avec lui une sorte de répétition
de l’entrevue future. L’autre, troublé
par sa fiévre, se dresse sur son lit, et
c’est à cet étranger burlesque qu'il se
confie, en lui faisant tenir le röle de
celui qui va venir et que la révélation
infäme doit désespérer. Mais non; à
ce véritable arrivant, qui vient enfin
et s’assied au pied de son lit, il ne dira
rien. A quoi bon., Et c’est très saisis
sant.
Gérard d’Houville.
—