II, Theaterstücke 4, (Anatol, 8), Anatol, Seite 567

box 9/4
Zyklu-
4.9. Anato
-
A
Ausschnitt aus:
-
FIGARO
Extrait de
P CHAMPS-ELYSEES 14, VIII.
Adresse
22 JANVIER 1932
Date
Signature :
Exponition:
DE PARIS
DES THEATRES
CHRONIQUE
Lugnée : La Parade, deuxième volume : Aerobaties, souvenirs et impressions de théâtre (1854.1902), éditions de la Nouvelle
Revue Française » (Librairie Gallimard).
en protestation contre le jugement inique qui
J'ai déjà parlé ici même du premier volume leur destinée, ces deux puissances se rencon¬
condamnait le poète au hard labouret, à
trent au même point et associent leurs forces
des souvenirs de théâtre de M. Lugné-Poe qui
anecdote très amusante sur la tête de sain
secrètes. Sans les charmes du décor et de la
s'intitulait Le Sot du tremplin, et j'en ai dit
Jean, venue du musée Grévin ; le nère bour
lumière, la fameuse Maya, de M. Gantillon,
tout l'intérêt anecdotique et documentaire. Le
reau trouvé à grand peine, car ce n'était
aurait été une pièce dans le genre de celles du
second volume, Acrobaties, vient de paraître et
pas encore le temps des negres laisse échap¬
Théâtre Libre. Mais la succession en tableaux
ne le cède en rien à son aîné. On ne pourra
per la tête « qui roula sur le sol avec le bruit
des scènes, et les mystères de l'éclairage lu
plus tard, se passer de ces témoignages pour
d'une soupière cassée ». Tous ces menus dé¬
ont conféré le pouvoir de réaliser un instan¬
écrire l'histoire du théâtre du vingtième siècle
boires qui nous amusent à la lecture étaient
celui de l'illusion, au lieu que jadis elle n'au
et de la fin du dix-neuvième, histoire si proche
dramatiques en fait, car ils représentaient des
rait pu que l'évoquer, et que, par conséquent,
de celle de la poésie, de la littérature en géné¬
débours très onéreux pour les bourses vides
de nombreux spectateurs en seraient restés au
ral, du journalisme et des façons de vivre de
Mais je ne puis énumérer ici toutes les pièces
sens des mots, et à la représentation hardie
la jeunesse littéraire de ces temps qui nous
jouées par l'œuvre en cette période (œuvres
des scènes de la vie d'une fille publique. Mais
paraissent déjà si lointains. Quel amour du
de Quillard, Auguste Villeroy, Romain Coolus
ces considérations sur la part de l'électricité
théâtre en ce jeune Lugne-Poe qui, sans le sou¬
Trezenick et Soulain, Edmond Sée, qui y de¬
dans l'art dramatique moderne m'entraîne et
et sans véritable appui, finissait par jouer ce
buta avec sa Brebis, devenue célèbre, Tristan
je me hâte de revenir à l'amusant et si instruc¬
qu'il voulait, imposer les noms qu'il admirait,
Bernard, Rachilde dont il joue Araigné
voyager, jouer en tournées, fonder un théâtre, tif et vivant livre de Lugné-Poe¬
de Cristal, de 1894 à 1902, ni toutes les
Nous y trouvons maints portraits, et d'abord
ce théâtre de l'Œuvre devenu célèbre et qui
celui de Berthe Bady, qui accompagna la rencontres et amitiés de Lugné et de sor
contribua à orienter puissamment l'art dra¬
théâtre (ici quelques portraits de peintre
troupe dans la fameuse tournée que Lu¬
matique vers tout ce qui était neuf et hardi,
très précieux : Toulouse-Lautrec, Vuillard
gne organisa en Norvège pour jouer en
et vers le théâtre étranger. Je dis « contribua
etc., etc), mais je ne veux pas terminer
et à la réflexion ce verbe est insuffisant, français les drame d'Ibsen, devant Ibsen
cet insuffisant article le livre de Lugo
L'Œuvre, à elle seule, imposa de certaines di¬ Cette fervente audace, qui vainc toutes les
méritant des pages et des pages, et je ne peux
difficultés matérielles, d'un tout jeune homme
rectives théâtrales et guida le goût de l'époque
qu'y renvoyer mes lecteurs sans noter que
hardi, confiant et puisant son courage dan¬
où elle naquit. Le Théâtre Libre, avec Antoine
ce livre se termine sur la représentation d'Ubu
une admiration fétichiste pour le grand Ibsen
s'était engagé parallèlement sur une autre voie,
Roi d'Alfred Jarry. Lugné hésitait fort, et or
tout cela a un accent qui émeut tout en restan
dans son genre aussi hardie (pour le siècle).
le comprend, à représenter cette farce extra
si vrai, si jovial dans les petits détails de mé¬
Et au fond, depuis lors, qu'a-t-on inventé de
ordinaire, cette bouffonnerie devenue légen
comptes, d'ennuis variés, de manque d'argent
nouveau ? Cet soif des sources étrangères que
daire. Mais Jarry tint bon, et Rachilde, qui
ou de déconvenue. Mais Ibsen l'accueillit, mais
Lugné-Poe a étanchée le premier ou un des pre¬
le protégeait beaucoup, décida enfin Lagnée
Ibsen vint le voir jouer, lui et sa troupe, et se
miers, nous la ressentons toujours. J'ai rendu
Gémier accepta le rôle inoui du » Père Ubu
montra au balcon avec Bady, et les étudiants
compte depuis peu de semaines de la pièce de
Des lettres de Jarry, publiées par Lugné, son
norvégiens les acclamèrent. Heures inoublia¬
Bruckner à l'Œuvre qui, voici peu de mois,
fort curieuses et expliquent comment on do¬
les et si admirables dans l'effervescence pleine
jouait avec tant de succès La Folle du Logis
représenter son œuvre. Il donna sans dout
de sève de la jeunesse. Beau souvenir et aussi
de Grand Hôtel aux Folies-Wagram, de la
aussi toutes les indications nécessaires sur
pièce tirée du roman de Zweig à la Madeleine, belle leçon, car Ibsen dit à peu près à Lugné :
« parler Ubu », dont les modulations tour
« Je suis un être de passion mon œuvre es
de La Route des Indes, de la charmante
tour pointues ou rauques furent adoptées pen
une œuvre de passion, il faut me jouer avec
comédie de Noël Coward aux Mathurins,
dant fort longtemps ensuite par tous le
passion... » Cet aveu, ce conseil eurent une
etc., etc. Le théâtre de l'Avenue a représenté
spectateurs, aussi bien les indignés que les en¬
immense portée et transformèrent la compré¬
toute une série de pièces de Tchéhove
chantés. Première d'Ubu Roi ! J'y étais. Je n
hension ibsénienne de Lugné-Poe.
nous convie à une pièce de Schnitzler (traduite
l'ai jamais oubliée. C'était déjà une parodie
Portrait d'Herman Bang, « le Diable du théâ¬
cette fois-ci, en français), Anatole... Strindberg
futur. Gémier y fut admirable sous son dégui
tre ». Aimé d'Ibsen, adressé par Prozor à Lu¬
découvert par Lugne-Poe voilà trente ans, est
sement insensé qui en faisait une machine ani
gné, il était venu à Paris aux Bouffes du Nord
plus à la mode que jamais à Paris. Seule, l'étoile
mée. La marche des Palatins qui, derrière ut
pendant les dernières répétitions d'un drame
polaire du grand Ibsen qui eut une telle in
paravent, s'accroupissaient ou se relevaien
d'Ibsen. « Il brûlait en lui un feu extraordi¬
fluence sur tout le théâtre du début du siècle
figurant les méandres d'une armée en marche
naire », et il accompagnait désormais la jeune
semble un peu palie, mais à peine, et prête
était composée par Claude Terrasse avec un
troupe, la dirigeant, la conseillant. Portrait de
à rebriller de tous ses feux ; car lorsque Mme
humour musical impayable. Le « croc à phy
Suzanne Després à ses débuts lorsqu'elle vient
Pitoëff joue Maison de Poupée, c'est une lon
nances », la « fosse à nobles », toutes ces bar
toute jeune chez Lugné, désirant être engagée
gue suite de vrais triomphes et quand Lugné
bares folies, n'était-ce pas déjà une sorte d'es
dans sa troupe. Lugné, frappé de ses dons ex¬
quisse de bolchevisme, de mécanisation? Louis
rejoua Solness, on se sentit étreint de nouveau
ceptionnels, lui conseille le travail, l'envoie
par tout ce que le drame contient d'éternelle¬
France était fort superbement haute en couleur
chez Worms... et ainsi se rencontrent les des¬
ment humain en ses hautes ambitions, en ses
en Mère Ubu. On sait le scandale et l'amusemen
tins faits pour s'unir et se révèle une de nos plus
frissons contradictoires, en l'achèvement déri-
de la pièce. Toute la salle, debout, criant en chœu¬
grandes artistes portrait d'Henry Bataille