II, Theaterstücke 4, (Anatol, 8), Anatol, Seite 587

4.9.
par
les trois de religions différentes. Sa ca¬ fuira, plein de haine pour lui-même et confrères qui m'ont pris tous les adjec¬
tifs que je destinais à ces incomparable¬
de mélancolie. Si j'avais été M. Passeur
tholique est divorcée, elle aime l'amour
je m'en serai tenu à son premier acte où comédiens. Une soirée qu’on ne perd pas
Tous mes compliments encore pour Mar¬
la synthèse de cet amour exceptionnel

inhumain, est exposée dans sa plénitude cel Achard ; qu'il ne s’écarte pas de cette
voie. L'avenir aujourd'hui est à Musset, à
avec l'âpre talent que nous lui connais¬
sons. Pour moi, toute la nouveauté des tout ce qui fera écho à l’amour tendre et
chantant, à une fantaisie naturelle qui ne
Tricheurs y était incluse. Les deux acte¬
suivants ont des longueurs, irritent, pa¬ dessèche point le cœur, à la poésie qui su
raissent hors de la vie, n'ajoutent rien au ne corrompt pas.
MAURICE MARTIN DU GARD.
premier. Mais j'ai peut-être mal compris
M. Passeur, n'ayant vu d'abord dans sa
a
pièce qu'un tricheur, non pas lui, mais
LE SCEPTIQUE EBLOUI, par René
son juif, joué par M. Dalio à la perfec¬
Bruyez (au Tremplin.)
tion, dont l'imagination morbide cherche
Ce drame en deux actes constituait la
partout des victimes et commence par
pièce de résistance dans le premier spec¬
tacle du Tremplin, « théâtre-critique au se¬
lui-même.
vice des inconnus et des méconnus ». Mais
Je m'en voudrais de paraître opposer
il serait injuste de ne pas signaler l'im¬
deux auteurs dramatiques de la même gé
promptu Loufoque, par lequel commença la
nération comme MM. Steve Passeur et soirée : Carlos Larronde, auteur et princi¬
Marcel Achard, qui ont tous les deux beau¬ pal interprète de cette fantaisie, y mêla fort
adroitement les allusions satiriques et les
coup de talent, mais qu'ils emploient à de¬
ce
professions de foi ; brandissant la marott¬
fins si différentes. Je commence à être
du fou, il fit sonner quelques dures vérités
irrité par les pièces d’où l'on sort l'esprit aux oreilles des spectateurs. Une panto
amer, fatigué d'avoir vu à la scène triom¬ mine, Les clowns verts, termina la séance
Steve Passeur
Mme Dussi Bereska avait composé cette
pher une fois encore, sur les passions na
suite de tableaux; elle les dans avec une
et l'indépendance ; on trouverait des jui
turelles, des malades et des demi-fous. M. troupe augmentée du clown allemand Robsi,
ves dans ce cas. Son protestant est ur
Marcel Achard aime la vie, ne voit pas dont la verve gymnique anima savoureuse¬
ment ces scènes stylisées.
garçon droit, sérieux, qui ne pense qu'à tout en noir, et n’exerce pas de représail¬
Le sceptique ébloui s'inspire du verset de
mettre de l'ordre dans sa vie comme dans
les sur ses héros, il fait la part des choses,
saint Jean, où André Gide puisa le titre de
celle des autres : M. Passeur également
il sait observer ce qu’il y a de charmant, ses confessions : « Si le grain de froment
conviendra qu'on rencontre de pareils
ne meurt, après qu’on l’a jeté dans la terre,
d'ailé, d'un peu drôle et d'un peu mélan¬
il demeure seul ; mais s'il meurt, il porte
traits chez des bourgeois conformistes
colique aussi dans chacun de nous. Il y
beaucoup de fruit. » Ce qui meurt dans
qui ne doivent rien à Luther. Pour son a dans tout ce qu’il fait un fond de santé
l'âme de l'abbé Coulijard, c'est la foi, ou
juif, c'est une autre affaire; il n'est pas
bien sympathique, et les pires aventuriers du moins une certaine forme de la foi
chrétien, en tout cas. Parmi les intellec¬
ce qui naît, c'est la sainteté. Ce thème au¬
qu'il engage dans son répertoire ont tous
dacieux est traité avec autant de noblesse
tualistes de Bourse, du bord de Samuel quelque chose de tendre et d'humain et un
que de vigueur ; mais une pareille crise
Luckmann, ni même chez les juifs philo¬
idéalisme qui n'évoque jamais rien de
psychologique est le résultat d’une longue
sophes les plus dociles aux prestiges de niais. Cela part sur une anecdote chimé évolution. Dans la discussion qu’après la
représentation Georges Delamare provoqua
l'abstraction, en est-il si souvent pour se
rique, incroyable, mais pas plus incroya¬
et conduisit avec brio, d'aucuns reproche
contenter de la possession spirituelle des
ble que dans Marivaux, et cela s'impose, rent à René Bruyez la lenteur de son expo¬
femmes qu’ils adorent? M. Passeur veu
par la promptitude et la vérité des obser¬
sition. Je crois que si le début de chaque
démontrer ici que l'amour étant une créa¬
vations, la délicatesse de la rêverie qui acte paraît se dérouler au ralenti, on en
doit accuser la nécessité où se trouve le
tion de l'esprit, ceux qui possèdent le plus court, comme une petite source à peine
protagoniste de nous révéler assez de son
d'imagination — et pour lui, ce sont les visible dans la prairie, le dialogue dans
passé pour rendre ce présent intelligible :
juifs — sont les véritables amants. Point la vie de tous les jours, les silences bien il lui faut donc deux témoins, dont un seul,
n'est besoin pour eux de posséder, on ne
le curé de Limeuil, participe vraiment à
en place, la fantaisie, le mot drôle quand
l'action. Après ces mises au point indispen¬
possède que lorsqu'on désire. Pour alle
il faut, et toujours un dénouement pas
sables, le drame prend toute sa valeur hu¬
jusqu'au bout de sa thèse, M. Passeur
très moral, mais cependant jamais immo¬aine
devrait ajouter : les juifs étant les plu¬
Cette tragédie moderne a été fort bien in¬
ral, qui vous laisse détendu et charme.
terprétée par Mmes Dorvalley et Dagmar
doués d'imagination, il est naturel qu'ils
Lorette est la femme d'un gros indus¬
Gérard, MM. Robert Aubry, Louis Tunc et
n'aiment que les laiderons, étant capa¬
triel, l'épouse est honnête, le mari intelli¬
Paul Castan. Ils ne m'en voudront pas de
bles à volonté de les transformer en dées
gent, d'attaque, et jaloux. Par malheur
citer à part Mlle Berthe d'Yd pour sa sai
ses. Il a préféré faire jouer sa pièce par
sissante création de Mme Beurre : elle in
celui-ci a découvert une lettre adressée à
carne avec une telle maîtrise la chrétienne
Mme Yolande Laffon, c'était plus sûr. A
sa femme quand elle était encore jeune
dont les vertus dégoûteraient un prêtre de
vrai dire, en présence d’un telle créature
fille, lettre fort amoureuse et signée Fran
son ministère que, sur n'importe quel théâ¬
ce pauvre Luckmann sait bien qu'il ne
çois. Or, François Crémone est l'ami quo
tre, la tragique ironie de cette scène assure
pourrait rien obtenir par les moyens ordi¬
tidien du mari. Serait-ce lui ? Si c'est lui, rait le succès de l'œuvre.
René LALOU.
naires. Qu’il avoue son amour en lui de
il le ruinera. C’était lui, mais François
mandant d'être à lui, et aussitôt elle l'hu¬
Crémone n’offre vraiment aucun dan¬
milierait, lui déjà si humilié d'être pau
AU THEATRE DE L'AVENUE Anatole,
ger pour l'honneur conjugal, et il n'en
par Arthur Schnitzler.
vre et disgracie. Ce qu’il souhaite, c'est
a jamais présenté pour la vertu de la
Sous la forma cycle en cinq
seulement que son amour soit pris pa¬
jeune fille qui a conservé cette lettre pour
bleaux » Anatole nous présente les rencontre¬
elle au sérieux. Pour qu’elle ne lui ré- se rappeler sa jeunesse à elle, plus que d’un don Juan viennois avec cinq incarna
ponde pas avec mépris : « Vous save
sa jeunesse à lui, garçon timore, insigni¬
tions de l'éternel féminin. Anatole endort
bien que je ne serai jamais votre ma¬
Cora mais n'ose employer son pouvoir hy
fiant, dans la moyenne. Les amoureux
tresse », il lui dira avec une violence toute d'autrefois imaginent de trouver un autre notique pour apprendre si elle le trompe
Un soir de Noël, Anatole revoit la mondaine
nouvelle pour elle qu’il ne sera jamais
François, qui passerait pour le signataire et réveille en elle l'apre nostalgie
son amant, mais qu’il n’a pas besoin de
de la lettre et détournerait d'eux les soup¬ de celles qui n'ont rien risque pour leur
amour. Parmi ses plus précieux souvenirs
son consentement pour la prendre en es¬
çons. Ils font passer une annonce
Anatole montre la fleur que lui laissa jadis
prit plus complètement qu'elle ne fut ja
laquelle répond François-Dominique dit
Branca : cette désinvolte artiste reparaît et
mais. Langage assez surprenant pour
Domino, un chimérique, pas mal de ne reconnait point l'homme qui croyait l'a¬
cette créature frivole. Elle est d'abord sa personne, décidé, adroit, qui revient voir marquée à jamais. Anatole décide de
liquider sa liaison avec Annie: c'est elle
exaspérée, puis inquiète, puis flattée et
d'Afrique sans avoir fait fortune comme
qui vient lui annoncer leur rupture. Anatole
conquise. Jusqu'au point d'être à la merci,
la plupart de ceux qui en reviennent, sur
enfin se marie mais ne parvient que bien
au second acte, de ce petit juif avec
tout en ce moment. Il jouera le rôle de
péniblement à se débarrasser d'Ilona qu'il a
François Crémone et si bien, qu'il se pren¬ ramenée chez lui, la veille au soir.
lequel elle a fui dans la banlieue de Mar¬
Cette description fait-elle sentir la curieuse
dra au jeu. Il a aimé pour un autre, et i
seille et qui ne l'a toujours pas touchée
différence d'inspiration entre les deux par¬
aime en même temps pour lui, avec un
Il brime à plaisir Agathe, lui ayant ré
ties du spectacle ? Les trois premiers ta
passion autrement convaincante que celle bleaux se déroulent dans une atmosphère de
servé les pires besognes du ménage. C'est
poétique gratuité comme la traduction de
du vrai, du premier François, dans sa jeu¬
la situation de l'Acheteuse, M. Passeur
Maurice Remon, M. Vaucaire et Suzanne
a beaucoup de goût pour ces perversités, nesse. Passion qui éclaire Lorette sur la
Clauser garde au dialogue une netteté soin
Son Luckmann est un monstre comme il faiblesse du sentiment que François Cré¬
tillante, le second épisode a tout le charme
mone lui portait autrefois. Et peu à peu, d’un proverbe de Musset. Mais, après l'en¬
y en a déjà quelques-uns dans son théâ¬
à revivre son passé que Domino enrichit, tr'acte, il semble que l'on ait changé de cli¬
tre. Il a juré de ne pas se laisser fléchi¬
mat : le « souper d'adieu » est une scène de
elle aussi se sentira prise au piège : elle
et de garder abstraite l'image de celle
comédie dont les effets se laissent aisément
prévoir ; quant au tableau intitulé « le matin
qu’il martyrise. Il se croirait perdu, ou aimera Domino. A la fin, partira-t-elle
simplement redouterait de l’aimer moins, avec lui ? Non pas. Mais il lui laissera du mariage », le Palais-Royal et Déjazet nous
s’il la possédait réellement. Il ira lui- un souvenir adorable qui éclipse l’amour ont blasés sur ce genre de farces dont la
mutlerie constitue le principal piment.
chercher le jeune protestant, l'amoureux que François Crémone a pu lui montrer
La mise en scène de Georgette Bonner e¬
sincère et normal d'Agathe, qu’il a écarté autrefois et qui désormais lui rendra bien Michel Tchekhoff est, dans sa simplicité, spi¬
rituellement stylisée, Mmes Vera Scherbae,
au début, quand il commencera à douter morne la vie conjugale.