II, Theaterstücke 4, (Anatol, 8), Anatol, Seite 590

4.9. Anatol-

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REVUE DE LA QUINZAINE
temps. Cela est si vrai que du moment qu'elles viennent de
l'étranger, on peut nous donner pour nouveautés des œuvres
âgées de plus de vingt ans, nous n'y prenons pas garde. En
revanche, nous pourrions peut-être exporter à Vienne ou à
Berlin des ouvrages de Jeanne Marni ou de Lavedan première
manière. Fiacres, Comment elles se donnent, Leurs Sœurs,
semblent très exactement apparentés aux compositions de
Schnitzler, qu’il s’agisse de la Ronde ou qu’il s’agisse d'Ana¬
tole. Cela rappelle très exactement cette bimbeloterie qui se
vendait autrefois dans les magasins sous la dénomination d'ar¬
ticles de Paris - et qui se manufacturait à Vienne. Cela
n'était d'ailleurs pas désagréable du tout, et la Ronde non plus
n'est pas chose désagréable. C'est un peu fabriqué peut-être,
un peu artificiel, mais l'artificiel n'est pas nécessairement dé¬
plaisant. Celui-ci moins qu'aucun autre. Assurément, lorsque
l'on a vu un soldat quitter une fille et rencontrer une femme
de chambre, puis quand la femme de chambre a cédé au fils
de ses patrons, on a bien pensé que pour répondre à l'impul¬
sion de ce premier mouvement, ce jeune homme porterait son
désir ailleurs. Une femme mariée vient chez lui et le quitte
pour rejoindre son mari. Le mari suit une midinette (en 1912,
on disait encore grisette) et la midinette est emmenée par un
homme de lettres (en 1912, on ne redoutait pas le mot poète).
Le poète en conte à la comédienne, la comédienne reçoit le
grand seigneur, et, pour fermer la ronde, non sans arbitraire,
le grand seigneur retombe dans le bouge de la fille des rues.
Cette donnée ne manque pas d'éternité. Il y a quelque
chose d'analogue dans le Candide de Voltaire, mais accompa¬
gné d'un sinistre péril, auquel des Esseintes aurait regretté
de ne point voir d'allusion chez Schnitzler. Heine a bien du
écrire dans l'Intermezzo quelques pièces qui font penser à
cela et le charmant Chabaneix, son disciple, a écrit tout de
même :
Le poète suit la catin
Aimant tout d'un cœur tendre,
Et la catin suit son destin,
Monter pour mieux descendre,
et il n'y a pas jusqu'à la populaire rengaine des Saltimbanques
qui ne chante ce pareil amour