VI, Allgemeine Besprechungen 1, 5, Gabriel Marcel, Seite 16

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1. Panphlets offerints
GABRIEL MARCEL
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ces heures od d’autres nous attiraient, méritent-elles moins créance que
cet instant? Ce qui nous pousse l’un vers l’autre n'est rien que l’effroi
de la séparation véritable. Et ce que nous éprouvons maintenant ne#
serait pour l’éternité qu'une pauvre pierre de louche; je ne me sie pas
à elle. Ce qui est arrivé pourrait.,, devrait se répéter — demain — ou
dans deux ans — ou dans cing ans — peut eire d’une manière plus sim¬
ple, ou peut-étre plus douloureusement — mais sürement plus lamen¬
tablement encore.
AMADEUs. — Non, non, jamais plus — Mainlenant, après ce que j'ai
senti et vécu, je réponds de moi.
CEcizE. — Je ne suis pas si süre de moi, Amadeus.
Amabeus. — Cela ne m’effraie pas, Cécile. Car je suis prét mainte¬
nant à reprendre la lutte, maintenant je suis digne de la mener et ca¬
pable de la supporter. Maintenant lu n’es plus sans désense, comme tu
Tas été: ma tendresse te protége.
CECILE. — Mais je ne veux pas étre protégéc. Je ne t’en donne plus
le droit. Et pas plus que je n’accepte ta promesse, je ne puis t’en faire
und.
AaabEus. — Etsi moi-mème j’y renonçais, si ]’osais, à mes risques
et périls
CEciur. — Je ne l’ose ni pour toi ni pour moi, pas mème pour un
enjem assuré (elle se détourne).
Auabzus. — Alors je ne le comprends plus, Cécile. Oue veux-tu
donc nous faire — oui nous faire à tous les deux — si chèrement
expier? notre faute, ou notre bonheur?
CEcizE, se relournant vers lui. — Ni l’un ni l’autre. Que signifie ce
mot d’expier entre nous? Aucun de nous n’a rien fait qui l’oblige à
expier, aucun n’a le droit d’adresser un reproche à l’autre. Nous étions
libres tous deux, et chacun a fait usage de sa liberté comme il le vou¬
lait et le pouvait. Il est arrivé ce qui devait arriver. Nous avons en
trop — ou trop peu — confiance en nous. Nous n’étions ni faits pour
nous aimer éternellement et nous rester éternellement fideles, ni assez
forts pour garder intacte notre amitié. D’autres s’en arrangeraient —
je ne le peux pas. El toi tu ne le dois pas, Amadeus. Notre tentative a
schoué, acceptons la déceptien, II faut supporter cela. Mais je ne suis
pas curieuse de savoir le goüt de la chose quand le dégont est au bout.
C’est sur cette äpre conclusion que la pièce se termine; on
voit quelle grave leçon s’en dégage. Le diletlantisme sentimental
n’est pas une expérience comme les aufres, d’ou une ame puisse
sortir intacte; il y a un certain usage de notre liberté qui en est


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