2. Cuttings
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LA REVUE DES REVUES
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nous décrire l’atmosphère psychique de celte lente venue de la mort.
Une nouvelle pièce de lui va se jouer sur un grand théätre de
Vienne et demain le poête sera eélöhre.
Je devrais dire ici quelques mots de M. Charles de Torresani. Ses
récits militaires sont connus partout. L’un d’entre eux, le Quart
Cheure de grüce, vient d’étre reproduit par la Nerue de Poris. On le
comparerait volontiers à Ompteda, à Liliencron et aux Russes, seule¬
ment son stvle est läche — celuide Vienne est généralement excellent
— et ses livres manquent de composition. — Des poctes de talent
naissent la-bas. MM. Salten et Félix Doermann trouvent quelque¬
fois des notes heureuses. IIs ont troplu Bandelaire et leurs vers visent
bien souvent à larliliciel, plutôt qu’à la figuration d’un senliment
vrai.
Quand on parle à un Viennois lettré de Hugo von Hofmannsthal,
qui longtemps fut connu sons le pseudonyme de Loris, il sourit d’un
air entendu et se met à vons entretenir de la jennesse des grands
hommes. & Loris est capable de tont faire; il saurait écrire lout ce
que les autres ont produit et cerlainement il fera bien davanlage
encore. 9 On le croit en mesure de tenir loutes les promesses. II dé¬
buta à quinze ans, ilen a vingt et un aujourd'hui (1). Ses vers — car
il fait surlout des vers — ont loute la pureté de la poésie classique
allemande et il manie sa langue avec aufant d’habileté que les épi¬
gones des grandes époques, Geibel et Heyse. Ses articles de critique
sont ceux d’un homme müri par Pexpérience. Qu’il parle d’Annunzio,
d’Emerson ou de Walter Pater, de Bahr on de Bourget, toujours il
saura donner un apereu neuf, une opinion à lui. Pourlant, à travers
Télegance de sa phrase, dans la finesse de ses observalions, percera
toujours un certain desenchantement, une lassitude d’étresijenneet de
connaitrelant de choses. Cest lale danger quile guette.Al’ageon d’au¬
Ires debutent dans les lettres, il a compris la vanité qu'il yad écrire,
quand on porte sur ses épaulesle poids de lant de chefs-d’euvres d’au¬
trefois. Son fragment de drame, In Mort du Titien, son adorable petit
acte le Fou#el in Mort (2) portent des traces de ce découragement.
Cela est lout gethien. El, comme Gethe, il se préoccupe des rela¬
tions de Thomme avec T’univers. Quand nous donnera-L-ilson Hilelm
Meister? S’il devait etre jamais pris par le desespoir, il en serait sauve
par son grand amour de la vie et par son énorme curiosité des choses.
Les hommes dont Jj'ai parlé ici sont tous jeunes et presque à leurs
debuts. Pourquoi ne naitrait-il pas lä-bas, sur cette vieille terre de
T’Allemagne des traditions, à lécart del’'Empire prussien, un art nou¬
vean dans une culture nouvelle? Le jeune Loris n’a-t-il pas essayé
d’en donner jadis la formule? & Car comme le peuple rebelle de la
grande ville sortit en masses sur la montagne sainte, ainsi a fui loin
de nous la foule de nos pensees de beauté et de bonheur. Loin de la
(1 M. Bahr m'a reproché dernièrement de l’avoir comparé à Camille Mauclair,
auquel it ressemble vagnement au physique. (Die Zeit, 8 décembre 1894.)
(2) Der Thor und der Tod, dans l’Almanach des Muses pour T’année 1894.
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nous décrire l’atmosphère psychique de celte lente venue de la mort.
Une nouvelle pièce de lui va se jouer sur un grand théätre de
Vienne et demain le poête sera eélöhre.
Je devrais dire ici quelques mots de M. Charles de Torresani. Ses
récits militaires sont connus partout. L’un d’entre eux, le Quart
Cheure de grüce, vient d’étre reproduit par la Nerue de Poris. On le
comparerait volontiers à Ompteda, à Liliencron et aux Russes, seule¬
ment son stvle est läche — celuide Vienne est généralement excellent
— et ses livres manquent de composition. — Des poctes de talent
naissent la-bas. MM. Salten et Félix Doermann trouvent quelque¬
fois des notes heureuses. IIs ont troplu Bandelaire et leurs vers visent
bien souvent à larliliciel, plutôt qu’à la figuration d’un senliment
vrai.
Quand on parle à un Viennois lettré de Hugo von Hofmannsthal,
qui longtemps fut connu sons le pseudonyme de Loris, il sourit d’un
air entendu et se met à vons entretenir de la jennesse des grands
hommes. & Loris est capable de tont faire; il saurait écrire lout ce
que les autres ont produit et cerlainement il fera bien davanlage
encore. 9 On le croit en mesure de tenir loutes les promesses. II dé¬
buta à quinze ans, ilen a vingt et un aujourd'hui (1). Ses vers — car
il fait surlout des vers — ont loute la pureté de la poésie classique
allemande et il manie sa langue avec aufant d’habileté que les épi¬
gones des grandes époques, Geibel et Heyse. Ses articles de critique
sont ceux d’un homme müri par Pexpérience. Qu’il parle d’Annunzio,
d’Emerson ou de Walter Pater, de Bahr on de Bourget, toujours il
saura donner un apereu neuf, une opinion à lui. Pourlant, à travers
Télegance de sa phrase, dans la finesse de ses observalions, percera
toujours un certain desenchantement, une lassitude d’étresijenneet de
connaitrelant de choses. Cest lale danger quile guette.Al’ageon d’au¬
Ires debutent dans les lettres, il a compris la vanité qu'il yad écrire,
quand on porte sur ses épaulesle poids de lant de chefs-d’euvres d’au¬
trefois. Son fragment de drame, In Mort du Titien, son adorable petit
acte le Fou#el in Mort (2) portent des traces de ce découragement.
Cela est lout gethien. El, comme Gethe, il se préoccupe des rela¬
tions de Thomme avec T’univers. Quand nous donnera-L-ilson Hilelm
Meister? S’il devait etre jamais pris par le desespoir, il en serait sauve
par son grand amour de la vie et par son énorme curiosité des choses.
Les hommes dont Jj'ai parlé ici sont tous jeunes et presque à leurs
debuts. Pourquoi ne naitrait-il pas lä-bas, sur cette vieille terre de
T’Allemagne des traditions, à lécart del’'Empire prussien, un art nou¬
vean dans une culture nouvelle? Le jeune Loris n’a-t-il pas essayé
d’en donner jadis la formule? & Car comme le peuple rebelle de la
grande ville sortit en masses sur la montagne sainte, ainsi a fui loin
de nous la foule de nos pensees de beauté et de bonheur. Loin de la
(1 M. Bahr m'a reproché dernièrement de l’avoir comparé à Camille Mauclair,
auquel it ressemble vagnement au physique. (Die Zeit, 8 décembre 1894.)
(2) Der Thor und der Tod, dans l’Almanach des Muses pour T’année 1894.