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1 PamOTDrintS
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UN PARISIEN DE VIENNE
Prater on il s’est laissé choir, il évoque les jours trop vite envolés
de son enfance, de sa jennesse, Et T’on devine le charme mélan¬
colique que prennent sous la plume delicate de M. Schnitzler ces
souvenirs heurenx retraces par un homme qui va mourir.
Le lieutenant Gusll revoit, en imaginalion, son pere, sa mere,
sa schur. II songe an désespoir qu’sprouveront ces braves gens,
qui fondaient sur lui de si grandes espérances, II se rappelle
aussi ses anciennes maitresses. Avec plusieurs dentre elles vil
ka pas étéchie #etil s’en alllige. T1est bien lemps! Poursuivant
le cours de ses pensécs, il cherche à se ligurer la mine des
camarades lorsqu'ils apprendront son suicide, II exprime
d'avance sa gratitude à cenx qui verseront une larme sur son
cercueil. Une ame élementaire et primitive au possible, une
véritable äme d’enfant se déconvre dans ce monologue. Gustl a
une cervelle de petite lemme, moins encore: une cervelle d’oiseau.
Mais voiei le jour. II est temps de rentrer à la caserne ei de
Sapprêter pour le grand départ. Pourtant, avant de mourir, le
lieutenant Gustl s’accorde aquelque chose de chand!) Fentre
aucafé, an caléon il voisinait hier encore avec M. Habetswallner,
son insulteur, son assassin, II commande un suprème café an
lait et un ultime petit pain. Et landis qu’il savoure ce frugal
repas, il entend de la bouche du garcon (ó joie, joie, pleurs
de joie!) la sentence liberalrice: M. Habelswallner, le boulanger,
ce gros homme qui venait tous les jours et s'asseyailà celte fable
dant le coin, est mort d’apoplexie, pendant la nuit. C’est la
porteuse de pain qui vient dannoncer la nouvelle. Hier encore, i!
était en pleine santé. Havail passé la soirée au concert. Tout de
memne, ce que g’est que de nous! Aux bavardages du garcon, une
joie folle souléve le ccrur du lieutenant Gustl. II vondrait erier,
hurler, casser lout. Habelswallner étant mort, il peut vivre, Jui,
il doit vivre. II vivra, morbleu! Dien, que la vie est belle! Ivre de
jennesse et de gaieté, Gustl rentre, comme hallnciné, à la caserne.
Une matinée TTexereice au grand air dérouillera ees membres
engeurdis parle froid du Prateret cesoir, ies amis, quelle féte,
non, quelle fete!...
L’obsession de la mort, si frappante dans Touvre d’Arthur
Schnitzler, a fait attribner à cet écrivain une lendance au mysti¬
cisme. Mais i ga la une meprise grossiere, II ne suflit pas de
se montrer préoccupé du problème de la mort, d’en parleret d’en
écrire, pour mériter d’étre rangé parmi les mystiques. Lemysti¬
que est par délinition un individu qui entretient ou qui croit
entretenir des rapports constants avec la Divinité, ei dont toules
1 PamOTDrintS
351
UN PARISIEN DE VIENNE
Prater on il s’est laissé choir, il évoque les jours trop vite envolés
de son enfance, de sa jennesse, Et T’on devine le charme mélan¬
colique que prennent sous la plume delicate de M. Schnitzler ces
souvenirs heurenx retraces par un homme qui va mourir.
Le lieutenant Gusll revoit, en imaginalion, son pere, sa mere,
sa schur. II songe an désespoir qu’sprouveront ces braves gens,
qui fondaient sur lui de si grandes espérances, II se rappelle
aussi ses anciennes maitresses. Avec plusieurs dentre elles vil
ka pas étéchie #etil s’en alllige. T1est bien lemps! Poursuivant
le cours de ses pensécs, il cherche à se ligurer la mine des
camarades lorsqu'ils apprendront son suicide, II exprime
d'avance sa gratitude à cenx qui verseront une larme sur son
cercueil. Une ame élementaire et primitive au possible, une
véritable äme d’enfant se déconvre dans ce monologue. Gustl a
une cervelle de petite lemme, moins encore: une cervelle d’oiseau.
Mais voiei le jour. II est temps de rentrer à la caserne ei de
Sapprêter pour le grand départ. Pourtant, avant de mourir, le
lieutenant Gustl s’accorde aquelque chose de chand!) Fentre
aucafé, an caléon il voisinait hier encore avec M. Habetswallner,
son insulteur, son assassin, II commande un suprème café an
lait et un ultime petit pain. Et landis qu’il savoure ce frugal
repas, il entend de la bouche du garcon (ó joie, joie, pleurs
de joie!) la sentence liberalrice: M. Habelswallner, le boulanger,
ce gros homme qui venait tous les jours et s'asseyailà celte fable
dant le coin, est mort d’apoplexie, pendant la nuit. C’est la
porteuse de pain qui vient dannoncer la nouvelle. Hier encore, i!
était en pleine santé. Havail passé la soirée au concert. Tout de
memne, ce que g’est que de nous! Aux bavardages du garcon, une
joie folle souléve le ccrur du lieutenant Gustl. II vondrait erier,
hurler, casser lout. Habelswallner étant mort, il peut vivre, Jui,
il doit vivre. II vivra, morbleu! Dien, que la vie est belle! Ivre de
jennesse et de gaieté, Gustl rentre, comme hallnciné, à la caserne.
Une matinée TTexereice au grand air dérouillera ees membres
engeurdis parle froid du Prateret cesoir, ies amis, quelle féte,
non, quelle fete!...
L’obsession de la mort, si frappante dans Touvre d’Arthur
Schnitzler, a fait attribner à cet écrivain une lendance au mysti¬
cisme. Mais i ga la une meprise grossiere, II ne suflit pas de
se montrer préoccupé du problème de la mort, d’en parleret d’en
écrire, pour mériter d’étre rangé parmi les mystiques. Lemysti¬
que est par délinition un individu qui entretient ou qui croit
entretenir des rapports constants avec la Divinité, ei dont toules