2. Guttings
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SCOTES DE LITTERATURE
Z G ETRANdERE
72.07
M. Arthur Schnitzler
Lun des princlpauk prix IIliéfätres dont
puisso étre gratifié un auteur allemand, le Prix
Grillparzer, vient d’étre attribué à M. Arthur
Schnitzler pour su comédie intitulée Inter¬
mede. Le prix Grillparzer est décerné tous les
trois ans à l’auteur de T’ouvrage dramatiquele
plus marquant, représenté sur unc scène alle¬
mando ou autrichienne. M. Gérard Hauptmann
a recutrois fois le prix Grillparzer. Hly avait
vingt ans que cette distinction n’était pas échue
àun Autrichien. Le dernier couronné avait été
Anzengruber, à qui, une comédie intitulée
Heimo'/unden avait valu celte récompense fort
recherchée.
M. Arthur Schnitzler n’est pas totalement in¬
connu du public parisien. M. Antoine a donné
son Perroquet vert et le théätro des Boufles a
représenté son Souper d’adien. Un juge excel¬
lent, M. Emile Faguet, a marqué à maintes re¬
prises la tres haute estime od iltient le drama¬
tiste viennois. Ayant été admis à prendre con¬
naissance d’une traduction manuscrite d’Anou¬
rette (Liebelei), M. Faguct publia môme au rez¬
de-chaussée de“ ce journal un feunleton pres¬
que enthousiasto: - M. Arthur Schnitzler, décla¬
rait-il, est évidemment né pour le théatre.„
M.Faguet a raison: le théatre d’Arthur Schnitz-
ler est plein de mérites, mais je ne puis m’en¬
pécher de trouver plus de mérites encore ä ses
contes et áses nonvelles. Nature plus discrète
et fine que robuste, M. Arthur Schnitzler
excelle dans l'analyse délicate de la pas¬
sion, dans ces esquisses légères, dans ces ta¬
bleaux en demi-teinte, qui sont si bien à leur
place dans la nouvelle. M.Schnitzler, poête raf¬
finé et délicat, a rêussi dans le drame parce
qu'il adore le théatre en Viennois de bonno roce
qu'il est et parco qulil esttres habile et tres in¬
telligent, mais c’est dans ie court récit que ses;
qualités les plus aimables, la simplicité, la,
EE
dresse, In Huclte, Tospfit do steilcg ee
Théroine du récit intitulé Mouré-, parfaito¬
ment traduit naguère en français par M. Gas¬
pard Vallotte. Marie est la maitresse, lagpe¬
tite amies, comme dit pudiquement M. Bricux,
d’un pauvre phtisique condamné à une mort
sürc et prochaine. Au chevet de son pauvro
malade, Marie no songe point à la g situation „
qu'elle va perdre, T’idéo no lui vient pas d’en¬
treprendre une savante captation dhéritage.
Elle est pelite scur des pauvres pour de hon.
Elle est désespérée, mais seulement parco
qu'elle adore Félix et parce qu’ello redoute fol¬
lement de le perdre. Jusqu’à son dernier souffle
elle lui restera üidéle, Je m’attendais à chaque
page en lisant le joli roman de M. Schnitzler à
voir le drame se compliquer d’une intrigue
quasi-adultère. Achaque personnage mäle en¬
trant dans le récit, je songeais: & Le voilà, le
voild bien, I’homme qui va enlever Marie!9 Jo
mne trompais et je n’hésite pas à reconnaitre
die le roman de M. Schnitzler, exempt, comme
fest, de toute complication du genre g rosse ),
dvec sa pauvre Marie si fidele et dévouéo, est
beaucoup plus poignant, beaucoup plus original
que si mes soupçons injurieux se fussent réa¬
isés.
On a reproché à M. Arthur Schnitzler de se
bantonner dans le petit récit, dans la nouvelle,
jdans le conte et de ne point tenter les hauts
isommets do la poésic. Aux exhortations des
eritiques, M. Schnitzler a fait jusqu'à présent la
sourde oreille. Peut-être a-t-il bien fait. En
montrant une tolle prudence, le peintre aimable
du demi-monde viennois a prouvé sans doute
qu’il se connait bien lui-mème, Une fois, une
scule fois, M. Schnitzler alécrit un drame de
grand stylo:ie Voile de Béatrice. Le succèr
en fut médiocre. Les deux petits romans
do M. Schnitzler prétent aussi à la erf¬
tique: Mourir et Madame Bertha Gerlan
eussent gagné à compter quelques chapitres de
moins. Le séjour ou s’obstine M. Schnitzler, à
mi-côte du Parnasse, témoigne sans doute, tout
compto fait, de sa fine sagesse et de son lucide
esprit critique. Mieux vaut étre au premier
rang dans la nouvelle qu’au deuxième dans le
roman. Tignore du reste quelle place M.Schnitz¬
ler occuperait parmi les romanciers s’il se
mélait d’entrer en lice avec eux, mais je sais
bien qu’il brille au premier rang parmi tous
les nouvelliers d’Allemagne et d’Autriche.
Entre ces récits d’un tour extrémement latin,
extrémement français, pleins de ünesse, de
tendresse, de mélancolie et la forme ou jls
sont comme enchässés, se découvre une in¬
time harmonie. L’armature un peu gréle, un
peu fréle et comme flottante qui leur est propre
convient á merveillo aux passions à fleur de
peau, aux sentiments passagers et doucementg
estompés qui s’y expriment. M. Schnitzler a sus
ne point forcer son talent. Lo ciel l’er a récom¬
pensé on lui donnant la gräce,
„.. La Graco plus belle encore que la Beautd.
MAuRICE Muner.
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SCOTES DE LITTERATURE
Z G ETRANdERE
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M. Arthur Schnitzler
Lun des princlpauk prix IIliéfätres dont
puisso étre gratifié un auteur allemand, le Prix
Grillparzer, vient d’étre attribué à M. Arthur
Schnitzler pour su comédie intitulée Inter¬
mede. Le prix Grillparzer est décerné tous les
trois ans à l’auteur de T’ouvrage dramatiquele
plus marquant, représenté sur unc scène alle¬
mando ou autrichienne. M. Gérard Hauptmann
a recutrois fois le prix Grillparzer. Hly avait
vingt ans que cette distinction n’était pas échue
àun Autrichien. Le dernier couronné avait été
Anzengruber, à qui, une comédie intitulée
Heimo'/unden avait valu celte récompense fort
recherchée.
M. Arthur Schnitzler n’est pas totalement in¬
connu du public parisien. M. Antoine a donné
son Perroquet vert et le théätro des Boufles a
représenté son Souper d’adien. Un juge excel¬
lent, M. Emile Faguet, a marqué à maintes re¬
prises la tres haute estime od iltient le drama¬
tiste viennois. Ayant été admis à prendre con¬
naissance d’une traduction manuscrite d’Anou¬
rette (Liebelei), M. Faguct publia môme au rez¬
de-chaussée de“ ce journal un feunleton pres¬
que enthousiasto: - M. Arthur Schnitzler, décla¬
rait-il, est évidemment né pour le théatre.„
M.Faguet a raison: le théatre d’Arthur Schnitz-
ler est plein de mérites, mais je ne puis m’en¬
pécher de trouver plus de mérites encore ä ses
contes et áses nonvelles. Nature plus discrète
et fine que robuste, M. Arthur Schnitzler
excelle dans l'analyse délicate de la pas¬
sion, dans ces esquisses légères, dans ces ta¬
bleaux en demi-teinte, qui sont si bien à leur
place dans la nouvelle. M.Schnitzler, poête raf¬
finé et délicat, a rêussi dans le drame parce
qu'il adore le théatre en Viennois de bonno roce
qu'il est et parco qulil esttres habile et tres in¬
telligent, mais c’est dans ie court récit que ses;
qualités les plus aimables, la simplicité, la,
EE
dresse, In Huclte, Tospfit do steilcg ee
Théroine du récit intitulé Mouré-, parfaito¬
ment traduit naguère en français par M. Gas¬
pard Vallotte. Marie est la maitresse, lagpe¬
tite amies, comme dit pudiquement M. Bricux,
d’un pauvre phtisique condamné à une mort
sürc et prochaine. Au chevet de son pauvro
malade, Marie no songe point à la g situation „
qu'elle va perdre, T’idéo no lui vient pas d’en¬
treprendre une savante captation dhéritage.
Elle est pelite scur des pauvres pour de hon.
Elle est désespérée, mais seulement parco
qu'elle adore Félix et parce qu’ello redoute fol¬
lement de le perdre. Jusqu’à son dernier souffle
elle lui restera üidéle, Je m’attendais à chaque
page en lisant le joli roman de M. Schnitzler à
voir le drame se compliquer d’une intrigue
quasi-adultère. Achaque personnage mäle en¬
trant dans le récit, je songeais: & Le voilà, le
voild bien, I’homme qui va enlever Marie!9 Jo
mne trompais et je n’hésite pas à reconnaitre
die le roman de M. Schnitzler, exempt, comme
fest, de toute complication du genre g rosse ),
dvec sa pauvre Marie si fidele et dévouéo, est
beaucoup plus poignant, beaucoup plus original
que si mes soupçons injurieux se fussent réa¬
isés.
On a reproché à M. Arthur Schnitzler de se
bantonner dans le petit récit, dans la nouvelle,
jdans le conte et de ne point tenter les hauts
isommets do la poésic. Aux exhortations des
eritiques, M. Schnitzler a fait jusqu'à présent la
sourde oreille. Peut-être a-t-il bien fait. En
montrant une tolle prudence, le peintre aimable
du demi-monde viennois a prouvé sans doute
qu’il se connait bien lui-mème, Une fois, une
scule fois, M. Schnitzler alécrit un drame de
grand stylo:ie Voile de Béatrice. Le succèr
en fut médiocre. Les deux petits romans
do M. Schnitzler prétent aussi à la erf¬
tique: Mourir et Madame Bertha Gerlan
eussent gagné à compter quelques chapitres de
moins. Le séjour ou s’obstine M. Schnitzler, à
mi-côte du Parnasse, témoigne sans doute, tout
compto fait, de sa fine sagesse et de son lucide
esprit critique. Mieux vaut étre au premier
rang dans la nouvelle qu’au deuxième dans le
roman. Tignore du reste quelle place M.Schnitz¬
ler occuperait parmi les romanciers s’il se
mélait d’entrer en lice avec eux, mais je sais
bien qu’il brille au premier rang parmi tous
les nouvelliers d’Allemagne et d’Autriche.
Entre ces récits d’un tour extrémement latin,
extrémement français, pleins de ünesse, de
tendresse, de mélancolie et la forme ou jls
sont comme enchässés, se découvre une in¬
time harmonie. L’armature un peu gréle, un
peu fréle et comme flottante qui leur est propre
convient á merveillo aux passions à fleur de
peau, aux sentiments passagers et doucementg
estompés qui s’y expriment. M. Schnitzler a sus
ne point forcer son talent. Lo ciel l’er a récom¬
pensé on lui donnant la gräce,
„.. La Graco plus belle encore que la Beautd.
MAuRICE Muner.
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