VI, Allgemeine Besprechungen 2, Ausschnitte 1928–1931, Seite 29

2. Cuttings
hs uni, le plus inquiet, le plus en proie
ictions est, pour Schnitzler, le Juif.
par sa situation sociale, par cette
u'il mène parmi les & ennemis. aux¬
t tenir téte et les siens qu'il méprise.
nitzler qui a lancé la fameuse anec¬
f polonais qui, ayant pris place dans
iment ou se trouve un monsieur in¬
li, se comporte fort convenablement
oment ou, reconnaissant en son
de voyage un coreligionnaire, il
4 AsoII, et met les pieds sur la
'enface.
ment un personnage de Schnitzler
ette anecdcte: : La tragi-comédie
c’est l’absence totale de respect en¬
insi ne peuvent se respecter les pri¬
guerre concentrés dans un camp
x du moins qui ont perdu tout es¬
uvrer la liberté ...
itisme est ce traquenard extérieur
le Juif la conception harmonieuse
hile rend impuissant à s’extérioriser
vers un monde intérieur d’autant
xe et désolé.
n1908, après avoir créé la plupart
leures ceuvres, Schnitzler aborde,
ière fois, le problème juif, ou plu¬
eme de s l'’homme juif:, il se voit
nt la complexité de la matière,
er son genre favori, mais limité,
rme plus ample. Il fait donc un ro¬
hemin de la liberté.
roman de conteur, composé de
rie de récits détachés. La construc¬
ache, et l’épisode central, qui relate
'un jeune baron autrichien, compo¬
eur, et d’une jeune fille, dont il se
la mort de leur enfant, n’est, en
qu'une broche sur laquelle l’auteur
série de dialogues ou plutôt de mo¬
hr le baron ne fait qu’écouter des
barlent. Parvenus ou philosophes,
mmes de science, assimilés ou sio¬
demandent qu’à s’analyser, qu’a
plaies. Le véritable héros du roman
Bermann, écrivain et penseur.
re est paralléle à celle du baron
ne lui, il est fils d’un homme re¬
d’un juriste réputé qui, patriote
ardent, sur le point de participer
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activement à la renaissance du pays, fut re¬
jeté au fond de la province par la fureur an¬
tisémite. Là il sombra dans la folie, ne pou¬
vant survivre à son amour méconnu de l’Au¬
triche.
Bermann aussi a un roman. avec une petite
actrice, étre bizarre et incertain — ou qu'il se
représente comme tel. Toujours est-il qu'il ne
saurait accepter un amour tranquille et serein.
Traquée par la jalousie de son amant, par son
humeur sombre et fantasque, la petite actrice
trouve le repos au fond d’un étang, et Bermann
se sent atteint dans sa propre vitalité.
Homme de lettres, il veut écrire. Mais après
une longue et douloureuse gestation, ses cuvres
avortent. Il est trop raisonneur, trop fouilleur,
trop profond s connaisseur de lhumanité et
bien trop impitoyable “, pour trouver une issue
dans la création. Il est condamné à l’insuccès
par 4 excès d’intelligence s. — Je ne suis pas
au-dessus des partis, dit-Il. Je suis en quelque
sorte dans tous et contre tous. Je possede non la
justice divine, mais la justice dialectique 2. Et
encore: 4 Pour posséder un monde organisé, je
suis obligé de le recréer chaque fois .
C’est pourquoi, cependant que le chrétien
Georg qui, lui, se meut dans un monde uni et
bien organisé, est capable de considérer son
aventure amoureuse du dehors et s’acheminer
ensuite vers la réalisation et l’équilibre d’un mé¬
tier, tandis que d’amateur il devient chef d’or¬
chestre, Bermann ne parvient pas à sortir du
jeu cérébral de son existence, qu’il ne perçoit
que du dedans. La réalité n’en veut pas. Aucun
personnage n’incarne mienx que ce raté hanté
par le suicide l’épigraphe de la fameuse trilo¬
gie dramatique de Schnitzler . Paracelse
Lamie — Le perroquet vert:
Nous joucns tous: sage est celui qui le sait.,
L’inaptitude foncière de Bermann au réel, son
impuissance d’extériorisation créatrice, sont le
vice essentiel de son étre. Car si #les voies me¬
nant vers la liberté sont cachées dans nous
mèmes 2, il ne saurait les trouver en lui.
Schnitzler ne s’arréta point sur cette solution
désespérée. Après avoir esquissé dans ses nou¬
velles quelques figures de Juifs, il y revint peu
d’années aprés. Comme jadis l’ampleur du pro¬
bleme juif l’avait poussé de la nouvelle au ro¬
man, ainsi maintenant il abandonne le cadre
mordant et aphoristique de sketches et fait de
son Professeur Bernhardi une pièce en eind
actes.
L’action se passe en 1900. Un cas de conscien¬
ce met aux prises le professeur Bernhardi, di¬
recteur d’une grande clinique viennoise, et un
pasteur venu pour donner la dernière absolu¬
tion à une jeune mourante. Or, les pigüres de
camphre qu’on lui a faites l’ont amenée, après
une longue torture physique et morale, à un état
d’euphorie. Elle se croit guérie, aimée, attendue.
Le médecin, soucieux de lui conserver cette illu¬
sion jusqu'au dernier instant, barre la porte au
pasteur qui, apportant à la malade la consola¬
tion divine, achévera l’amère suite de ses dé¬
ceptions terrestres. Cet éternel problème qui ne#
cesse d’étre débattu autour du lit des malades,
se corse ici d’un conflit politique, car Bernhardi
est Juif et l’offensive antisémite en profite pour
l’accuser de crime de lese-religion. Calomnie
interpellation au Parlement — Cour d’assises,
suivies de la condamnation du professeur à l’em¬
prisonnement.
Bernhardi n’est pas Bermann. C’est un hom¬
me d’action. I sort de sa cellule avec une soif
ardente de faire la lumière, de dire leur fait à
ses ennemis, de se venger d’eux. Et voici qu'il
apprend un revirement de l’opinion: les libe¬
raux prennent le dessus, une révision de son
procès se prépare et il est possible qu’on le porte
à la candidature parlementaire. Aussitôt, son
élan tombe, sa haine se dissipe. II recule devant
le piètre triomphe et les promiscuités d’une vic¬
toire politique. II lui suffit de savoir que l’opi¬
nion publique lui donne raison. Il faut le cynis¬
me amusé d’un haut fonctionnaire — c’est le
sceptique viennois Schnitlzer qui laisse passer
le bout de l’oreille — pour convainere Bernhardi
que personne n’est encore devenu populaire
pour avoir eu raison. Cela ne vous arrive que
quand vous tombez à un moment opportun créé
par le remous des partis politiques ..
Ainsi, mème dans ce drame, qui appartient
aux pius fortes cuvres de Schnitzler, on ne peut
se maintenir dans ; l’absolu s. L’auteur lui¬
méme ne le dénomme-t-il pas & comédie .? Si,
au nom d’un sentiment intérieur obscur, ses per¬
sonnages se tendent parfois la main par-dessus
l'abime, c’est pour étre aussitôt séparés par le
flot de l’éternelle incertitude, de l’éternelle re¬
lativité des choses humaines.
Nina GOURFINKEL,