VI, Allgemeine Besprechungen 2, Ausschnitte 1933, undatiert, Seite 48

rendez-vous demande. Superstition on sadisme?
Cela reste dans la plus piqnante indécision.
La quatrième piece, Litteralure, est un pelit
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chef-d’euvre de malice et d’esprit. C’est l’em¬
2. Cuttings
barras de deux anciensamants, littéraleurs lous
deux, et qui, ayant conserve leur correspon¬
dance amoureuse, — ils gardaient le brouillon
de leurs propres lettres avec la réponse de
l’autre, — se trouvent avoir inséré en mème
temps toute cette double correspondrnce dans
Ideux romans g vécuss, lesquels vont paraitre
simultanément.
Je ne reviens pas sur l’aualyse très soignense
que M. Flegenheimer a faite de la troisième
pièce: les Derniers Musques. Pourtant, repla¬
cée parmi les autres, elle va preudre, semble¬
t-il, une signification plus nette. Quel est, en ef¬
fel, 16 76074 Molte de Ces quatre piéces? Düne
façon tres générale, c’est le rapport de la vie
réelle et de la vie factice, de la vie imaginée ou
décrite avec la vie vécue. Cela appert du titre
commun que l’auteur a laissé à ses quatre pié¬
ces: Heures de vie. Et il me revient à la mé¬
moire tellés répliques de Paraceise ou du Per¬
roquet vert ou Schnitzle effleurait dejä cette
question (2). Il se demande ici, dans l’acte inti¬
tulé Heures de vie, quel est le prix du talent
comparé au prix de la vie elle-méme, qui l’en¬
fante et l’inspire. La vie n’a-t-elle pas une
beauté si originale, si sacrée, que deux heures
d’existence valent mienx quetoute l’ouvre d’un
VARIETES
artiste? La seconde pièce signifle: Cependant,
cette vie réelle, la seule vraie et la seule
Aupröpos d’Arthur Schnitzler
précieuse, ne sommes-nous point amenés
à la vivre parfois d’après la comédie de
Hy a peut-étre quelques traits à appuyer
nos réves? Oü cherchons-nous nos directions
dans leportrait, d’ailleurs si joli et ressemblant,
pratiques, sinon dans la vie imaginaire que
que M. Edmond Flegenheimer traçait ici mème,
chacun de nous se dessine préalablement à lui¬
voilà quelques jours (1), de l’écrivain viennois
méme? Cela est si vrai que (troisième pièce, les
Arthur Schnitzler. M. Flegenheimer caractéri¬
Derniers Masques) ce réve peut suppléer, chez
sait avec beaucoup de finesse ce talent aisé,
les malheureux, à la vie manquée. Le vienx
plein d’une gräce tour àtour spirituelle et mé¬
plumitif mourant a répété avec l’acteur, comme
lancolique. Mais il ajoutait, pour distinguer
au théätre, la scène qu'il voulaib faire au poéte
M. Schnitzler de ses confrères allemands, disci¬
Weighast, pour ne pas mourir étouffé par la
ples d’lbsen ou de Tolstol, penseurs avant d’étre
rancune. Cela lui suffit. Lorsque le moment ar¬
artistes, que M. Schnitzler & ne pense point 2.
rive de joner pour tout de hon le röle qu'il a
Est-ce tout à fait vrai?
Descartes disait que lhomme pense toujours, Trépété, il n’a pas le courage de recommencer,
et, malgré cela, meurt satisfait. Ces trois pie¬
möme dans la distraction, méme dans le som¬
ces appellent une conclusion que devrait don¬
meil. On peut dire aussi de chaque artiste, méme
Je plus insouciant, qu'il pense toujours. Une iner la dernière. Mais comme Schnitzler est un
cuvre d’art digne de ce nom doit laisser der-ironiste et un sceptique, bien qu’il soit capable
rière elle autre chose que les impressions fugi-/de poignante mélancolie et de force tragique,
il conclut par un éclat de rire aux dépens du
tives du plaisir. Elle nous apporte une vision
g gendelettre : et du bas-bleu, ridicule pour
originale de choses que nous avons vues nous¬
avoir exploité en librairie leurs 4 heures de
mèmes, une interprétation personnelle de réa¬
vie r.
lités qui, au premier abord et superficiellement,
semblent pareilles pour tous. Et la réflexion
„%
trouve là une sorte de résidu théorique, un peu
Je ne crois pas avoir trop systématisé la pen¬
1
d’enseignement sur les objets mis en cuvre par
sée de M. Schnitzler dans les Heures de vie;
d
T’artiste, et sur la méthode par lui employée.
1
j'ai cherché seulement à montrer que cette
Nous exprimons cela d’un mot en disant que
pensée existe, et que M. Schnitzler pense, tout
telle cuvre g fait penser); mais il faue bien, en
comme un autre. Ml écrit en homme qui a réflé-
ce cas, que celui qui l’a créée ait g pensé; lul-Ichi sur la vie, qui découvre des problèmes, les T
même, à dessein ou à son insu. Tout autre n’est
pose et les traite.
pas un artiste, et n’est qu'un amuseur.
Le problème posé ici est intéressant; la facon
1
Or, Schnitzler est tres amusant, mais il est
de le poser ne l’est pas moins. L’unité de pensée 1
plus qu'un amuseur. En admettant méme qu'il
qui regne dans ces quatre pièces — dernier
n'ait pas été autre chose lorsqu’il nous contait
ressouvenir des trois unités classiques — en
les amourettes de son délicieux Anafole et ses
fait l’équivalent d’une pièce à these. Mais on
mésaventures de cabinetparticulier, fls’est éleve
voit immédiatement une différence entre la fa¬
singulièrement daus ces Heures de vie (Leben¬
çon ordinaire de traiter une thöse au théätre,
dige Stunden) que M. Flegenheimer a signalées
et celle que Schnitzler adopte. Consaerer une
etsur lesquelles je vondrais insister. Ce sont
piése à un problème, avec une intention didac¬
quatre pièces en un acte, qui se jouent dans la
tique ou dialectique bien arrêtée ne va pas sans
mème soirée, et dont l’ensemble porte le titre
un double artifice: et rien, comme le re¬
de la première comme-un volume de nouvelles;
marquait Mme de Staßl, ne nuit davantage à
les trois autres sont la Femme du poignard, les
à la beauté d’une fiction qu'une intention qui
Derniers Masques et Littérature! Ces quatre
pièces ne se ressemblent ni par Pintrigue, ni
(2) Par exemple, ces lignes:& Etre.. jouer.,, faites-vous
si précisément la différence, chevalier? — Tout de möme.
par la manière; elles ont pourtant un air de
Pas moi. Et ce que je trouve ici de tres particulier,
famille.
c’est que.., la réalité dégénèrc en jeu, le jen en réalité."

(1). Volr le Journal des Débats du dimanche 17 aoüt 1902. (Der grüne Kakadu, p. 153.)