ES
Schnitzler
traits à appuyer
iet ressemblant,
traçait ici mème,
écrivain viennois
eimer caractéri¬
—
box 38/4
2. Cuttings
Le sujet de la première conviendrait mienx Unait pas cetle beauté, möme pour fin. De plus, 1
toute-piéce à these, si démonstrative soit-elle,
peut-etre an livre qu’à- lascène: la mère d’un
appelle une antre piéce à thèse pour demontrer!
jeune pocte, condamnée par une maladie dou¬
justement le contraire. Schnitzler reconnait
loureuse, incurable et lente, s’est empoisonnée
que la vie est moins étroite et plus complexe:
secretement, pour épargner à son fils le specta¬
elle ne pose pas les queslions, une fois pour
cle et l’angoisse de ces longues souffrances, qui
toutes, parce qu'alors on les aurait déjà, une
empéchaient celui-ci de travailler et de pro¬
fois pour toutes, résolues. Si elle nous embar¬
duire. Un ami de la morte révele au jeune
rasse et nous met en suspens, c’est gräce anx
homme ce sacrifice et lui reproche d’en avoir
mille variétés ou contradictions qu’elle engen¬
été l’indigne idole: quel que soit son talent, des
dre, et d’ou il s’agit non pas de conclure, mais
mots alignés par lui ne vaudront jamais une
de dégager une verité, täche infiniment plus
heure vécue par la pauvre femme. Le pocte,
délicate.
accablé par cette révélation, reproche à l’ami
A une doctrine nouvelle convient une mé¬
d’avoir trahi ce secret, et rendu vain le sacri¬
thode neuve: les Neures de rie de Schnitzler
fice maternel qui lui cause un remords plus
représentent un genre inauguré naguère sur la
cruel et plus absorbant que l’inquiétude passée.
scène allemande, les einahter, sorte de compro¬
La seconde pièce: la Femme an poiynard,
mis entre la piéce atheseetla nouvelle, formant
est, en somme, un marivaudage d’hystérique.
un spectacle coupé d’inspiration homogène. Ce
Une jeune dame füirte dans une salle de musée
genre, issu de deux formes très opposées, exige
avec un jeune homme à qui elle refuse encore
pour reproduire les aspecis rapides et divers de
ses faveurs; mais, dans cette salle, se trouve le
la vie un talent qui soit lui-méme concis et
portrait d’une femme en blanc, dont la main
garié. Aussi M. Sudermann, en dépit de ses!
tient encore un poignard. A ses pieds git un
mérites, y avait-il échoué dans Morituri. M.
homme assassiné. Entre ce portrait, vieux de
Schnitzler y a réussi dans ces Hetres de vie, si
trois siècles, et la très moderne visiteuse, une
divertissantes, si attachantes, si suggestives, ou
étrange ressemblance a frappél’ami: & Sans le
je vois la consécration d’une forme d’art dra¬
poignard, ce serait tout à fait vous. 9 — Sans
matique nouvelle, originhle, plaisante, et qui
le poignard, répond-elle d’unair de coquetterie
pourra devenir feconde.
ou de déft — qui sait?" — Le décor change.
JEAN CHANTAVOINE.
Evanouissement ou vertige, la jeune femme va
au bout de cette pensée et construit tout
un révesur ce pointd’interrogation. Transporté.,
jen songe à l’époque on fut peint le tableau, ellé
se voit maitresse d’un beau jeune homme, et,
surprise par son mari, poignardant son amant.
Puis elle se réveille etd’un mot, encore secouée
par ce ssduisant cauchemar, elle accorde le
rendez-vous demandé. Superstition ou sadisme?
Cela reste dans la plus piquante indécision.
La quatrième pièce, Lillératere, est un petit
chef-d’euvre de malice et d’esprit. C’est l’em¬
barras de deux anciensamants, littérateurs tous
deux, et qui, ayant conservé leur correspon¬
dance amoureuse, — ils gardaient le brouillon
de leurs propres lettres avec la réponse de
T’autre, — se trouvent svoir inséré en mème
temps toute cette double correspondrnce dans
deux romans g vécusz, lesquels vont paraitre
simultanément.
Je ne reviens pas sür l’analyse tres soigneuse
que M. Flegenheimer a faite de la troisième
piece: les Derniers Masgtes. Pourtant, repla¬
Lcée parmi les autres, elle va prendre, semblé¬
wil, une signification plus nette. Quel est, en ef¬
Pfei, le leit motiv de ces quatre pieces? D’une
jfagon tres generale, c’est le rapport de la vio
réelle et de la vie factice, de la vie imaginée ou
décrite avec la vie vécue. Cela appert du titre
commun que l’auteur a laissé à ses quatre pié¬
ces: Heures de vie. Et il me revient à la me¬
moire tellés répliques de Puroceise ou du Per¬
roquet vert ou Schnitzle effleurait dejä cette
question (2). II se demande ici, dans l’acte inti¬
tulé Heures de vie, quel est le prix du talent
comparé au prix de la vie elle-mème, qui l’en¬
fante et l’inspire. La vie n'a-t-elle pas une
beauté si originale, si sacrée, que deux heures
d’existence valent mienx quetoute l’euvre d’un
artiste? La seconde pièce signifle: Cependant,
cette vie réelle, la seule vraie et la seule
précieuse, ne sommes-nous point amenés
à la vivre parfois d’après la comédie de
nos réves? Oü cherchons-nous nos directions
pratiques, sinon dans la vie imaginaire que
chacun de nous se dessine préalablement à lui¬
möme? Cela est si vrai que (troisième pièce, les
Schnitzler
traits à appuyer
iet ressemblant,
traçait ici mème,
écrivain viennois
eimer caractéri¬
—
box 38/4
2. Cuttings
Le sujet de la première conviendrait mienx Unait pas cetle beauté, möme pour fin. De plus, 1
toute-piéce à these, si démonstrative soit-elle,
peut-etre an livre qu’à- lascène: la mère d’un
appelle une antre piéce à thèse pour demontrer!
jeune pocte, condamnée par une maladie dou¬
justement le contraire. Schnitzler reconnait
loureuse, incurable et lente, s’est empoisonnée
que la vie est moins étroite et plus complexe:
secretement, pour épargner à son fils le specta¬
elle ne pose pas les queslions, une fois pour
cle et l’angoisse de ces longues souffrances, qui
toutes, parce qu'alors on les aurait déjà, une
empéchaient celui-ci de travailler et de pro¬
fois pour toutes, résolues. Si elle nous embar¬
duire. Un ami de la morte révele au jeune
rasse et nous met en suspens, c’est gräce anx
homme ce sacrifice et lui reproche d’en avoir
mille variétés ou contradictions qu’elle engen¬
été l’indigne idole: quel que soit son talent, des
dre, et d’ou il s’agit non pas de conclure, mais
mots alignés par lui ne vaudront jamais une
de dégager une verité, täche infiniment plus
heure vécue par la pauvre femme. Le pocte,
délicate.
accablé par cette révélation, reproche à l’ami
A une doctrine nouvelle convient une mé¬
d’avoir trahi ce secret, et rendu vain le sacri¬
thode neuve: les Neures de rie de Schnitzler
fice maternel qui lui cause un remords plus
représentent un genre inauguré naguère sur la
cruel et plus absorbant que l’inquiétude passée.
scène allemande, les einahter, sorte de compro¬
La seconde pièce: la Femme an poiynard,
mis entre la piéce atheseetla nouvelle, formant
est, en somme, un marivaudage d’hystérique.
un spectacle coupé d’inspiration homogène. Ce
Une jeune dame füirte dans une salle de musée
genre, issu de deux formes très opposées, exige
avec un jeune homme à qui elle refuse encore
pour reproduire les aspecis rapides et divers de
ses faveurs; mais, dans cette salle, se trouve le
la vie un talent qui soit lui-méme concis et
portrait d’une femme en blanc, dont la main
garié. Aussi M. Sudermann, en dépit de ses!
tient encore un poignard. A ses pieds git un
mérites, y avait-il échoué dans Morituri. M.
homme assassiné. Entre ce portrait, vieux de
Schnitzler y a réussi dans ces Hetres de vie, si
trois siècles, et la très moderne visiteuse, une
divertissantes, si attachantes, si suggestives, ou
étrange ressemblance a frappél’ami: & Sans le
je vois la consécration d’une forme d’art dra¬
poignard, ce serait tout à fait vous. 9 — Sans
matique nouvelle, originhle, plaisante, et qui
le poignard, répond-elle d’unair de coquetterie
pourra devenir feconde.
ou de déft — qui sait?" — Le décor change.
JEAN CHANTAVOINE.
Evanouissement ou vertige, la jeune femme va
au bout de cette pensée et construit tout
un révesur ce pointd’interrogation. Transporté.,
jen songe à l’époque on fut peint le tableau, ellé
se voit maitresse d’un beau jeune homme, et,
surprise par son mari, poignardant son amant.
Puis elle se réveille etd’un mot, encore secouée
par ce ssduisant cauchemar, elle accorde le
rendez-vous demandé. Superstition ou sadisme?
Cela reste dans la plus piquante indécision.
La quatrième pièce, Lillératere, est un petit
chef-d’euvre de malice et d’esprit. C’est l’em¬
barras de deux anciensamants, littérateurs tous
deux, et qui, ayant conservé leur correspon¬
dance amoureuse, — ils gardaient le brouillon
de leurs propres lettres avec la réponse de
T’autre, — se trouvent svoir inséré en mème
temps toute cette double correspondrnce dans
deux romans g vécusz, lesquels vont paraitre
simultanément.
Je ne reviens pas sür l’analyse tres soigneuse
que M. Flegenheimer a faite de la troisième
piece: les Derniers Masgtes. Pourtant, repla¬
Lcée parmi les autres, elle va prendre, semblé¬
wil, une signification plus nette. Quel est, en ef¬
Pfei, le leit motiv de ces quatre pieces? D’une
jfagon tres generale, c’est le rapport de la vio
réelle et de la vie factice, de la vie imaginée ou
décrite avec la vie vécue. Cela appert du titre
commun que l’auteur a laissé à ses quatre pié¬
ces: Heures de vie. Et il me revient à la me¬
moire tellés répliques de Puroceise ou du Per¬
roquet vert ou Schnitzle effleurait dejä cette
question (2). II se demande ici, dans l’acte inti¬
tulé Heures de vie, quel est le prix du talent
comparé au prix de la vie elle-mème, qui l’en¬
fante et l’inspire. La vie n'a-t-elle pas une
beauté si originale, si sacrée, que deux heures
d’existence valent mienx quetoute l’euvre d’un
artiste? La seconde pièce signifle: Cependant,
cette vie réelle, la seule vraie et la seule
précieuse, ne sommes-nous point amenés
à la vivre parfois d’après la comédie de
nos réves? Oü cherchons-nous nos directions
pratiques, sinon dans la vie imaginaire que
chacun de nous se dessine préalablement à lui¬
möme? Cela est si vrai que (troisième pièce, les