VII, Verschiedenes 13, 1932–1933, Seite 38

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13. Miscellaneous
N DE DEEL.
troi de
L'AVENIR
RUE DU 4 SEPTEMBRE, 19, 11
Adresse
Date
14 FEVRIER 1933
Signature
Exposition
A propos du théâtre des Marionnettes
de Salzbour,

En 1911-1912, j'allai rendre visite à Gor. Alors le théâtre ?... La réponse demande
don Craigh; je le trouvai dans son labora¬
N'est-il pas curieux que de très grands
toire d'études de Florence. Il s'agissait de
lui arracher quelques tuyaux afin de reprits aient été si pris par le Théâtre des
présenter à « L'Œuvre » Hamlet que lui arionnettes ? Nous savons que Musset,
même s'apprêtait à monter au Théâtre Boucher, Banville et même le père Hugo
s'y passionnaient. Un des derniers, à
Artistique de Stanislawski à Moscou.
l'apogée de son métier de dramaturge,
Professant un grand respect pour les
conceptions de Craigh, il s'agissait avant Maurice Maeterlinck, sentant peut-être les
tréteaux lui manquer sous les pieds, écri¬
tout de m'instruire. Peut-être s'amu-
vit un chef-d'œuvre pour le Théâtre des
de moi, c'est fort possible ; rien ne m'obli¬
ge à en être certain aujourd'hui, mais il Marionnettes, « Intérieur ».
Si aujourd'hui, nous ne recherchons pas
me déclara tout net — et sur ce chapitre
j'ai été souvent moi-même d'accord avec la marionnette homme, comme l'a fort
justement fait remarquer Robert Kemp. il
lui que l'on ne pouvait rien obtenir
est vrai que personne d'entre nous n'y pen¬
d'acteurs en chair et en os lorsqu'on était
se, c'est que la sélection s'est accomplie
un metteur en scène « inspiré » et que
dans l'esprit d'un petit nombre, que nous
désormais, il travaillerait sur des marion¬
sommes écœurés du théâtre, et que ce pe¬
nettes.
tit nombre soupire après la folie et même
Sa théorie qui m'est devenue familière¬
l'extraordinaire Nous en sommes arrivés
cette minute là m'aurit quelque peu¬
à subir l'emportement de notre imagina¬
mais ce diable d'homme avait toujours de¬
tion surexcitée.
conceptions imprévisibles. Il avait, disait
Il y a quelques années, Franchain,
il, jusque là échoué dans ses espérances
Terrasse, Bonnard se passionnèrent pour
en triturant des vivants, il entendait
les marionnettes. Les Italiens en furent
sculpter, animer les marionnettes avec
toujours férus. Nous avons connu les fi¬
plus de succès. Dans le Cirque, car le lieu
gure bouffonnes de Podrecca qui ont
où il me parlait et où son génie s'escri¬
quelque peu égale celles de Warton, et les
mait, était un petit cirque très ancien,
Warton ne sont venus à la marionnette
me désigna entre autres choses cinq ou
que par une longue hérédité de misères
six personnages automates presque aussi
de travail dans une famille d'acteurs to
grands que nature ; il se glorifiait d'en
rains. Avant celles du Docteur Aicher, si¬
être le créateur et de pouvoir leur prêter
subtiles, si vivantes, je retrouve celles de
M. Paul Bramm, de Munich. Il vint à Pa¬
la vie.
Longuement, Craigh me développa se¬
ris en 1913 et donne quelques séances
théories. Craigh était un homme habité »
chez les particuliers. Mortier, l'ancien di¬
Ce qu'il défendait, c'est-à-dire l’autorité
recteur du Théâtre Michel, très excité par
exclusive du metteur en scène négligen
ce que je lui fit entendre, en comprit le
l'auteur, dédaignant la pensée du comé
charme, il voulait en risquer l'aventure,
dien, pouvait être écouté avec déférence ;
cela ne se fit pas.
je le fis, je me gardai bien de lui répli¬
Paul Bramm avait installé la Marion
quer par mes idées ; je m'en suis trouvé
nette en quelque sorte à quart de côte, en¬
bien. Craigh a-t-il évolue ? Je l'ignore...
tre la nature (style Craigh) et celle du
Docteur Aicher, mais le répertoire de Paul
Mais la théorie de la puissance d'évoca¬
Bramm, de Munich (la troupe s'appelait
tion des marionnettes m'est restée dans
les Artistes Munichos de Marionnettes)
l'esprit. On sait que les peuples vraiment
était quelque peu le même que celui de
artistes ont tous a un goût pour la ma¬
rionnette. Les marionnettes permettent M. Aicher. La musique y tenait sa grande
part; on y applaudissait « La Légende
l'unité de jeu irréalisable au théâtre. Per¬
sonne n'ignore qu'en Extrême-Oriente Faust », « Bastien et Bastienne » de
Mozart, « La Servante Maîtresse », de
(comme autrefois chez les lucas ou chez
Jean Pergolese, « Le Roi Violon et la
les Aztèques, l'art de la marionnette est
Princesse Clarine », de Mahlman, « Le
considéré comme un art supérieur et raf
Devin de village », de Jean-Jacques Rous¬
finé.
Si les enfants les apprécient si fort, c'est sau, Maeterlinck, Schnitzler. Des décor
qu'instinctivement, pour la plupart, ils teurs tels que Salzmann collaboraient aux
décors. Il est évident que Paul Bramm
sont plus sensibles à l'art que les grandes
cherchait toutefois des succès plus popu¬
personnes, soyons en assurés Trop sou
laires que le Docteur Aicher, il crait le
vent, on déforme l'esprit des enfants, mais
Guignol en quelque sorte pour les bons
il est impossible de s'étendre le longue
enfants de Munich et de l'Allemagne de
ment sur un tel sujet.
Sud; il y croyait trouver ses ressources.